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Occupation à temps partiel : portée de la présomption d’occupation à temps plein

Commentaire de Cass., 29 février 2016, n° S.15.0052.F

Mis en ligne le jeudi 9 juin 2016


Cour de cassation, 29 février 2016, n° S.15.0052.F

Terra Laboris

Dans une décision du 29 février 2016, la Cour de cassation casse un arrêt de la cour du travail de Mons, qui avait admis en cas d’irrégularité dans l’occupation d’un travailleur à temps partiel l’application de la présomption à temps plein à la relation de travail elle-même, considérant que celle-ci ne valait pas uniquement vis-à-vis de l’O.N.S.S.

Rétroactes

La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi à l’initiative d’une société contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Mons du 2 juin 2014 (C. trav. Mons, 2 juin 2014, R.G. 2013/AM/350 – précédemment commenté).

L’arrêt de la Cour du travail de Mons

Dans son arrêt du 2 juin 2014, la cour du travail avait rappelé la controverse sur la portée de la présomption d’occupation à temps plein en cas de non-respect de la réglementation du travail à temps partiel et avait conclu que celle-ci vaut non seulement sur le plan de la sécurité sociale mais qu’elle s’applique également dans la relation de travail employeur/travailleur.

Elle avait examiné les travaux préparatoires de la loi du 26 juillet 1996 (article 45), selon lesquels la preuve contraire de l’occupation à temps partiel peut désormais être apportée et que, à défaut d’une telle preuve, le travailleur doit être considéré comme s’il avait presté à temps plein pendant toute la période concernée. Il s’agissait d’un manquement aux obligations de publicité. Sur la base de ce raisonnement, la cour avait considéré que le travailleur peut dès lors invoquer à son profit le bénéfice de la présomption.

L’employeur s’est pourvu en cassation.

Le pourvoi

Le pourvoi se fonde sur la loi-programme du 22 décembre 1989 telle que modifiée par l’article 45 ci-dessus, ainsi que sur diverses dispositions de la loi du 3 juillet 1978. Le litige concerne, en effet, notamment des arriérés d’heures supplémentaires.

Le pourvoi retient en premier lieu qu’il est établi que le travailleur n’a pas travaillé à temps plein. Il soutient qu’en conséquence il ne peut en principe prétendre à une rémunération pour un tel emploi.

Il considère ensuite qu’à la différence de l’article 11bis de la loi du 3 juillet 1978, les dispositions de la loi-programme du 22 décembre 1989, tant avant qu’après la modification du texte par la loi du 26 juillet 1996, ne concernent pas la relation contractuelle. Elles tendent à mieux contrôler le travail à temps partiel aux fins de prévenir et de réprimer le travail clandestin. La présomption n’existe dès lors qu’au profit des institutions et des fonctionnaires compétents. Il ne s’agit pas d’une disposition légale dérogatoire à la règle consacrée par la loi du 3 juillet 1978 (articles 2, 3 et 23, 3°), selon laquelle le travailleur ne peut prétendre à une rémunération pour des heures pendant lesquelles il n’a pas travaillé.

La décision de la Cour

La Cour accueille le pourvoi.

Elle reprend, en premier lieu, les obligations imposées à l’employeur par la loi-programme du 22 décembre 1989 (articles 157 à 159), selon lesquelles celui-ci doit prendre des mesures de publicité des horaires de travail.

La rédaction originaire de l’article 171 (seconde phrase) prévoyait que, à défaut, les travailleurs étaient présumés avoir presté dans le cadre d’un contrat à temps plein. Suite à la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses (article 112), il avait été ajouté que la preuve du contraire ne pouvait être apportée.

La loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité a de nouveau modifié cette disposition, dont le texte prévoit actuellement qu’à défaut de publicité des horaires, les travailleurs sont présumés avoir effectué leurs prestations à temps plein. La Cour reprend le moyen du pourvoi tiré de l’article 11bis tel que formulé ci-dessus. Elle conclut que ni les textes ni les travaux préparatoires de la loi du 26 juillet 1996 ne permettent de conclure que le législateur aurait eu à ce moment une autre intention que de retirer à la présomption de l’article 171 le caractère irréfragable qu’il avait depuis la loi du 20 juillet 1991.

Pour la Cour de cassation, la cour du travail ne pouvait dès lors considérer que l’article 171 constitue une disposition dérogatoire à la règle que la rémunération est la contrepartie du travail fourni. Le travailleur ne peut se prévaloir de cette présomption pour réclamer la rémunération de travail à temps plein.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail de Mons avait, à l’époque, eu un certain retentissement, étant la première décision (à notre connaissance) qui avait admis l’application de la présomption à la relation de travail.

La Cour de cassation a censuré cette manière de voir, rappelant l’évolution législative : si la loi du 26 juillet 1996 a modifié l’article 171, al. 2, de la loi-programme du 22 décembre 1989, c’est uniquement aux fins de retirer à la présomption le caractère irréfragable qui lui avait été donné par celle du 20 juillet 1991.

La question est donc claire à présent.


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