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Montant des allocations de chômage en cas de cohabitation

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 janvier 2016, R.G. 2014/AB/222

Mis en ligne le vendredi 10 juin 2016


Cour du travail de Bruxelles, 6 janvier 2016, R.G. 2014/AB/222

Terra Laboris

Dans un arrêt du 6 janvier 2016, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles l’octroi au conjoint de revenus (professionnels ou de remplacement) permet le maintien de l’allocation de chômage au taux de travailleur ayant charge de famille.

Les faits

Lors de son admission au chômage, un travailleur indique sur le formulaire C1 qu’il cohabite avec ses enfants et son épouse, précisant que celle-ci est sans revenus (revenus professionnels ou revenus de remplacement). Il bénéficie dès lors des allocations au taux cohabitant avec charge de famille.

Il apparaît, ultérieurement, que l’épouse a perçu des revenus professionnels et qu’elle a été, également, pour certaines périodes, au chômage ou à charge du secteur AMI.

L’ONEm décide, à l’issue de son enquête, d’exclure l’intéressé des allocations au taux charge de famille pour une période de près de 6 ans, le droit devant être limité au taux cohabitant. La récupération est également ordonnée et une sanction (exclusion pendant 8 semaines) est prononcée.

Décision du tribunal

Par jugement du 18 février 2014, le Tribunal du travail de Nivelles suit la position de l’ONEm en ce qui concerne le droit aux allocations au taux cohabitant, mais annule l’exclusion de 8 semaines, ramenant celle-ci à 6 semaines. L’indu est de près de 28.000 €.

Appel est interjeté, portant essentiellement sur la détermination de la catégorie familiale.

Décision de la cour

Le taux octroyé au travailleur ayant charge de famille vise celui qui cohabite avec un conjoint qui ne dispose ni de revenus professionnels ni de revenus de remplacement.

Les revenus professionnels (article 60 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991) sont ceux produits par l’activité professionnelle (en ce compris certains avantages légaux – salaire garanti, pécule de vacances, etc. – visés à l’article 46, §§ 1er et 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991). Une exception est prévue, étant qu’il n’y a pas revenus professionnels au sens de la réglementation si plusieurs conditions sont cumulativement réunies, à savoir (i) qu’une déclaration est faite lors de la demande d’allocations (ou lors du début de l’exercice de l’activité professionnelle), (ii) qu’il s’agit d’un travail salarié et (iii) que les montants perçus n’excèdent pas un plafond (indexé), actuellement de l’ordre de 569 €, à la condition que le conjoint n’ait pas de revenus de remplacement pour le mois considéré (sauf exception).

Les revenus de remplacement sont également définis dans la réglementation (article 61 de l’arrêté ministériel). Ils visent tous les revenus octroyés en vue de remplacer un revenu professionnel, la disposition visant notamment les allocations de chômage, les indemnités AMI et les allocations d’interruption de carrière. Entrent encore dans la définition (mais à la condition de dépasser un plafond actuellement de l’ordre de 454 €) les pensions, les indemnisations dans le secteur du risque professionnel (ainsi que les indemnités octroyées en application de la législation relative aux victimes de guerre).

La cour applique dès lors ces règles à la situation de l’intéressé, constatant que l’épouse a travaillé dans plusieurs agences d’intérim et a perçu, pour diverses périodes, des indemnités d’incapacité ainsi que des allocations de chômage, ces dernières au taux cohabitant.

Il en découle que, pour les mois où l’épouse de l’intéressé a bénéficié de ces revenus de remplacement (indemnités AMI ou allocations de chômage), celui-ci ne peut se voir reconnaître la qualité de bénéficiaire ayant charge de famille. La cour souligne que cette règle s’applique indépendamment du montant des indemnités et allocations elles-mêmes.

L’examen combiné des deux dispositions réglementaires amène en effet à la conclusion qu’en cas de perception d’indemnités d’incapacité et d’allocations de chômage, celles-ci doivent être prises en compte peu importe leur montant (contrairement aux pensions et autres situations mises sur le même pied) et que, pour l’application du seuil autorisé de revenus d’une activité salariée, il faut que le conjoint ne perçoive pas de revenus de remplacement.

L’intéressé ne pouvait dès lors se voir reconnaître la qualité de bénéficiaire ayant famille à charge.

Intérêt de la décision

Deux hypothèses sont prévues par l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 en cas de revenus perçus par le conjoint cohabitant d’un bénéficiaire d’allocations de chômage.

Les revenus professionnels du conjoint visent tous les revenus provenant de l’exercice de l’activité professionnelle, ainsi que d’autres – liés directement à cette activité – visés à l’article 46, §§ 1er et 2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant les montants considérés comme rémunération pour l’application de l’article 44 du même arrêté (qui interdit la perception d’allocations de chômage lorsque le bénéficiaire perçoit une rémunération). Il s’agit du salaire garanti, du salaire pour jour férié (ou jour de remplacement durant une période de chômage temporaire), du pécule de vacances, des rémunérations pour les périodes de vacances scolaires dans le cas des enseignants, de l’indemnité de rupture (hors indemnité pour dommage moral et indemnité octroyée en complément d’allocations de chômage, etc.). Relevons qu’en ce qui concerne les enfants, leurs revenus ne sont pas considérés comme revenus professionnels sous certaines conditions, énumérées à l’article 60, alinéa 2.

Les revenus de remplacement visés sont tous les revenus octroyés en vue de remplacer un revenu professionnel. Ceux-ci sont soit pris en considération sans égard aux montants perçus (allocations de chômage, indemnités AMI et allocation d’interruption de carrière) ou, s’ils dépassent un seuil mensuel (actuellement de 454,53 €), cette seconde hypothèse visant essentiellement les pensions, l’indemnisation de risque professionnel et les indemnités des victimes de guerre.

Comme le souligne la cour, la prise en considération des allocations de chômage et des indemnités d’incapacité de travail intervient de manière intégrale et non uniquement si elles dépassent un certain montant (le plafond n’existant que pour les pensions et rentes y assimilées au sens de cette disposition) et, par ailleurs, pour que les revenus professionnels non pris en compte soient admis, il ne faut pas que le conjoint ait perçu des revenus de remplacement.


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