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Cotisations O.N.S.S. : conditions d’exonération ou de réduction des sanctions civiles

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 22 mars 2016, R.G. 2013/AN/77

Mis en ligne le jeudi 29 septembre 2016


Cour du travail de Liège (division Namur), 22 mars 2016, R.G. 2013/AN/77

Terra Laboris

Par arrêt du 22 mars 2016, la Cour du travail de Liège (division Namur) reprend les hypothèses et conditions dans lesquelles un employeur peut obtenir l’exonération ou la réduction des cotisations de sécurité sociale, une condition essentielle étant que l’employeur ait préalablement payé toutes les cotisations sociales échues et remis les déclarations les concernant.

Les faits

Une société est en litige avec l’O.N.S.S. depuis de nombreuses années suite à des retards de paiement. Ceux-ci sont imputables à ses clients publics, étant diverses administrations communales, des intercommunales, la Région wallonne, etc.

Elle a dès lors été amenée à solliciter le remboursement de majorations et d’intérêts qu’elle a payés à l’Office. Plusieurs demandes d’exonération des majorations ont ainsi été introduites entre les années 2003 et 2010.

En juin 2010, l’Office a notifié une décision de refus, au motif que les cotisations échues n’étaient pas payées (un solde de l’ordre de 4.250 € subsistant). La société a cessé tout paiement à partir du troisième trimestre 2010.

En 2013, l’Office a fait droit à la demande de la société de levée des majorations et de l’indemnité forfaitaire, pour la période du troisième trimestre 1998 au deuxième trimestre 2004. Il a indiqué qu’aucune sanction civile n’avait été appliquée, ensuite, jusqu’au deuxième trimestre 2007. A l’époque, subsistait un très important arriéré de cotisations, de l’ordre de 170.000 €.

Une procédure est introduite et a confirmé la position de l’O.N.S.S.

Position des parties devant la cour

La position de la société appelante

La société considère que l’Office a commis une faute en ne répondant pas à sa demande d’exonération de majorations et intérêts, celle-ci étant justifiée par des circonstances exceptionnelles qualifiées de « proches de la force majeure ». Elle invoque l’exception d’inexécution, vu le silence de l’Office, situation qui l’a amenée à cesser ses paiements. La faute de l’administration est même constitutive d’un abus de droit et la responsabilité de l’Office peut dès lors être mise en cause.

La position de l’O.N.S.S.

L’Office signale que la société connaît d’autres retards de paiement, outre la procédure en cause. Par ailleurs, il fait valoir que la condition de paiement des cotisations en principal est un préalable à l’examen de la remise des majorations et intérêts et que cette remise n’est qu’une faculté.

Les montants dus étant par ailleurs bien supérieurs à ceux dont le remboursement est réclamé, l’Office réfute que la société ait pu faire valoir l’exception d’inexécution. Il conteste toute responsabilité et toute faute, ainsi que l’existence d’un éventuel abus de droit.

La décision de la cour

La cour se prononce essentiellement sur la demande de dommages et intérêts, dont le fondement est l’article 1382 du Code civil. Reprenant la doctrine (F. NEVEN et D. DE ROY, « Principes de bonne administration et responsabilité de l’O.N.S.S. », in F. NEVEN et S. GILSON (dir.), La sécurité sociale des travailleurs salariés. Assujettissement, cotisations, sanctions, Larcier, 2010, p. 546), elle rappelle que la responsabilité civile de l’O.N.S.S. s’apprécie par rapport à deux normes, étant d’une part qu’elle a une obligation générale de prudence et, d’autre part, qu’elle doit respecter les normes de droit qui imposent d’agir ou de s’abstenir de manière déterminée. L’O.N.S.S. est une autorité administrative et doit respecter les principes généraux de droit, dont le principe de bonne administration.

La cour reprend, eu égard à la faute spécifiquement visée, le mécanisme légal en cas de retard de paiement des cotisations de sécurité sociale. L’article 28, § 1er, de la loi du 27 juin 1969 impose de payer des majorations, ainsi qu’un intérêt de retard. Une exonération ou une réduction peut être demandée, sauf si l’employeur se trouve dans une situation visée à l’article 38, § 3octies, alinéa 1er, de la loi du 29 juin 1981.

Une hypothèse autorisée de renonciation est la force majeure dûment justifiée. Il peut par ailleurs être renoncé partiellement aux majorations et indemnités forfaitaires dans d’autres cas, étant lorsqu’il y a des circonstances exceptionnelles qui justifient le défaut de paiement des cotisations elles-mêmes ou des provisions, ou encore la remise tardive de la déclaration ou la déclaration inexacte.

Ces limitations peuvent être de 50% du montant des majorations et indemnités forfaitaires et 25% des intérêts. Il faut cependant que l’employeur ait préalablement payé toutes les cotisations sociales échues et remis les déclarations y afférentes.

Est également prévu le cas où l’employeur possède une créance certaine et exigible à l’égard de l’Etat ou de certaines autorités publiques, ainsi que celui où le Comité de gestion de l’O.N.S.S. a pris à l’unanimité une décision motivée sur l’existence de raisons impérieuses d’équité ou d’intérêt économique (national ou régional).

La cour en vient ensuite à la nature du pouvoir de l’O.N.S.S. sur la question. Il s’agit d’une compétence discrétionnaire, de telle sorte qu’il n’y a pas de droit subjectif dans le chef de l’employeur (la cour renvoyant à Cass., 30 mai 2011, n° C.10.0625.F et C.10.0169.N). Ne pouvant faire valoir un droit subjectif, la société ne peut donc conclure qu’il y a eu une faute.

Elle examine, ensuite, l’ensemble des circonstances visées par le texte, autorisant l’exonération ou la réduction. Elle constate qu’il n’y a pas force majeure et que la condition de paiement préalable de toutes les cotisations sociales échues n’est pas remplie (la société restant largement débitrice vis-à-vis de l’Office).

Elle conclut que l’Office ne pouvait en réalité exercer sa faculté de renonciation aux sanctions civiles.

Enfin, elle fait sur cette question un examen des chiffres, qui ne permettent pas de retenir un dommage dans le chef de la société.

Elle clôture par un rappel de la question du contrôle de la légalité des décisions de l’O.N.S.S., dont elle a déjà relevé le caractère discrétionnaire. Celui-ci exclut le pouvoir de substitution, le contrôle judiciaire étant un contrôle de légalité de la décision. Celui-ci impliquerait la possibilité du contrôle des décisions prises, mais non de l’absence d’autres décisions que la société reproche à l’Office de ne pas avoir prises.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège reprend en des termes très clairs les hypothèses dans lesquelles l’Office peut décider de l’exonération ou de la réduction des sanctions civiles en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de paiement des cotisations.

La cour y a rappelé qu’une demande peut être examinée par l’Office à la condition que l’employeur ne se trouve pas dans une des hypothèses visées à la loi du 29 juin 1981. Son article 38, § 3octies, alinéa 1er, vise en effet un ensemble de situations excluant cette possibilité pour l’employeur. Il s’agit notamment d’absence de Dimona, d’occupation de travailleurs étrangers (non ressortissants de l’E.E.E.), non titulaires d’un titre de séjour valable et d’une autorisation de travail, d’occupation de travailleurs dans des conditions contraires à la dignité humaine, etc.

La cour du travail rappelle, par ailleurs, l’étendue du contrôle judiciaire dans les hypothèses où l’administration bénéficie d’une compétence discrétionnaire.


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