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Exposition à l’amiante et indemnisation d’un ayant droit

Trib. trav. Liège (div. Marche-en-Famenne), 26 mai 2016, R.G. 15/13/A

Mis en ligne le vendredi 25 novembre 2016


Tribunal du travail de Liège (division Marche-en-Famenne), 26 mai 2016, R.G. 15/13/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 26 mai 2016, le Tribunal du travail de Liège (Division Marche-en Famenne) a eu à connaitre d’une demande introduite par un ayant droit au Fonds amiante, suite au décès de son conjoint, décès imputé à une maladie indemnisable dans ce cadre. Il rappelle que les pathologies résultant de l’exposition à l’amiante peuvent se développer après de nombreuses années.

Les faits

Une demande est introduite auprès du Fonds AMIANTE en octobre 2010 par un assuré social, l’intéressé ayant déposé un rapport médical confirmant l’exposition au risque. La profession exercée par celui-ci est celle de mécanicien pendant plus de trente-cinq ans au SPF Défense Nationale. Dans sa demande, l’intéressé précise ses conditions de travail et indique notamment avoir travaillé avec un compresseur dans un environnement d’éternit ondulé (panneaux de portes, toitures, etc.).

Malgré la reconnaissance de l’exposition à l’amiante pendant la période en cause, le Fonds rejette la demande au motif que l’intéressé n’était pas atteint du diagnostic visé (épaississements pleuraux). La conclusion du Fonds était dès lors que l’intéressé n’était pas atteint de la maladie pour laquelle la réparation était demandée.

Celui-ci décède en 2014 et sa veuve introduit à ce moment une deuxième demande. Elle vise une asbestose pleurale (des plaques pleurales ayant été constatées lors de la première procédure mais celles-ci n’étant pas indemnisées). Cette deuxième demande est refusée, au motif que l’époux n’était pas atteint d’une maladie indemnisée par le Fonds AMIANTE pour laquelle la réparation avait été demandée. Dans son rapport, le Fonds fait état d’une intervention chirurgicale et de complications post-opératoires multiples, l’intéressé étant atteint d’une BPCO.

D’autres éléments médicaux font cependant mention d’une asbestose.

Position des parties devant le tribunal

Le Fonds des maladies professionnelles considère qu’aucun recours n’a été introduit à l’encontre de la première décision et que l’épouse ne peut, par l’action qu’elle introduit, remettre celle-ci en cause, vu son caractère définitif.

L’intéressée considère pour sa part ne pas être liée par la décision rendue en 2011, l’autorité de chose jugée étant limitée dans la mesure où elle ne peut s’attacher qu’à ce qui en fait l’objet.

La position du tribunal

Le tribunal relève que l’exposition au risque n’est pas contestée et que l’épouse a la qualité d’ayant droit au sens de la législation.

La question est donc de vérifier la maladie professionnelle en cause, étant de savoir s’il y avait asbestose ou non, question à laquelle se joint une autre, sur le plan de la procédure, relative à la possibilité pour l’ayant droit d’introduire la nouvelle demande de reconnaissance après le décès, et ce pour la même maladie ou pour une autre.

Le tribunal rappelle, en droit, que le Fonds a été créé par la loi programme du 27 décembre 2006 et qu’il intervient dans les cas de mesothéliome, d’asbestose ou d’autres maladies à déterminer par arrêté royal, causées de façon déterminante par une exposition à l’amiante.

L’asbestose est, au sens de la réglementation, la fibrose pulmonaire provoquée par l’amiante. Sont assimilées à celle-ci, toujours dans le cadre réglementaire, les épaississements pleuraux diffus bilatéraux provoqués par celle-ci (art. 1 de l’arrêté royal du 11 mai 2007 portant exécution de la loi programme (I) du 27 décembre 2006 pour la partie relative aux maladies professionnelles).

Pour obtenir l’indemnisation légale (rente mensuelle forfaitaire ou capital en cas de décès), le demandeur doit apporter la preuve de l’exposition au risque de l’amiante selon les critères déterminés par la FMP, sauf l’hypothèse où il y a mesothéliome.

Le tribunal relève qu’en cas de décès, les ayants droit doivent introduire une demande dans un délai de six mois à compter de celui-ci, si la victime n’a pas introduit de demande en application de la loi. Pour le tribunal, le simple fait que la victime ait introduit plus de trois ans auparavant une première demande ne peut justifier l’écartement de celle de l’ayant droit. Les pathologies liées à l’amiante sont en effet susceptibles d’évoluer au fil du temps et le tribunal renvoie à la doctrine de P. DELOOZ et de D. KREIT, (« Les maladies professionnelles », 3e Ed., Larcier, Bruxelles, 2015, p. 361), qui font état d’une période allant jusqu’à quarante ans après l’exposition. Il est dès lors possible que lors de la première demande l’affection ait été bénigne et que l’état de santé se soit dégradé ultérieurement pour engendrer une affection plus grave, telle l’asbestose.

Pour le tribunal, l’appréciation qui a été faite lors de la première décision l’a été sur la base des constatations médicales de l’époque (plaques pleurales et non épaississements pleuraux). Il considère que ces pathologies ont pu évoluer défavorablement et qu’il faut dès lors recourir à une expertise aux fins de déterminer s’il y avait asbestose au moment de l’intervention.

La mission confiée à l’expert est de vérifier l’existence de la maladie et également de déterminer si le décès résulte des suites de celle-ci.

Intérêt de la décision

Dans ce jugement, le Tribunal du travail de Liège (Div. Marche-en Famenne) apporte une réponse logique à une première question, étant la recevabilité de la deuxième demande introduite en indemnisation.

L’article 120, § 2 de la loi prévoit en effet l’hypothèse du décès de la victime des suites de la maladie (étant le mesothéliome, l’asbestose ou les autres maladies déterminées par le Roi). La loi limite cependant les ayants droit qui peuvent faire valoir une demande, étant qu’ils doivent être à charge de celle-ci au moment du décès. Dans l’hypothèse où la victime n’a pas introduit de demande de son vivant, les ayants droit ont un délai de six mois à compter de celui-ci pour introduire leur demande propre (la date du décès devant être postérieure au 31 mars 2007).

Pour le tribunal, le simple fait que la victime ait introduit une demande auparavant (et n’ait pas fait de recours contre la conclusion du Fonds) ne peut justifier l’écartement de la demande de l’ayant droit. Il s’agit de deux demandes distinctes.

Le tribunal retient par ailleurs le caractère évolutif de la maladie qui a pu être contractée vu l’exposition au risque et vérifie, vu l’écoulement du temps, si une évolution de l’affection peut être constatée pour rentrer dans les critères de l’indemnisation légale.


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