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Le point sur la présomption d’assujettissement sur la base d’un travail à temps plein en cas de non respect des mesures de publicité prescrites en matière de travail à temps partiel

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 27 juin 2006, R.G. 7.805/2005

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Liège, sect. Namur, 27 juin 2006, R.G. 7.805/2005

TERRA LABORIS ASBL – Sandra CALA

Dans un arrêt du 27 juin 2006, la cour du travail de Liège précise la présomption applicable - avant la modification de l’article 22 ter de la loi du 27 juin 1969 par la loi-programme du 27 décembre 2004 - en cas de non-respect des formalités devant permettre d’exercer le contrôle sur les prestations à temps partiel. Si l’ONSS peut se prévaloir d’une présomption d’assujettissement à temps plein, celle-ci est cependant réfragable, l’employeur étant autorisé à prouver que son travailleur n’a pas travaillé à temps plein.

Les faits de la cause

Un contrôle est effectué sur un chantier par l’inspection de l’ONEM

A cette occasion, le gérant de la société déclare occuper un travailleur à raison de 20 heures par semaine.

L’horaire de travail n’est toutefois pas mentionné dans le contrat de travail et l’entreprise ne dispose pas de règlement de travail.

Le gérant est à nouveau entendu. Il accepte de régulariser la situation. Il précise que c’est en méconnaissance de la législation qu’il n’a pas respecté les mesures de publicité des horaires de travail des travailleurs à temps partiel et qu’il établira un avenant au contrat. Il signe ensuite un formulaire F.33

Plus d’un an après, l’ONSS adresse un extrait de compte. Celui-ci étant contesté par la société, l’ONSS répond qu’elle est tenue au paiement suite à la signature du formulaire F. 33.

La société écrit à l’ONSS, indiquant notamment avoir ignoré que le formulaire F. 33 concernerait une régularisation financière sur la base d’un temps plein.

L’ONSS maintient toutefois sa position et adresse un nouvel extrait de compte.

La société verse une certaine somme en mentionnant les références de cet extrait de compte.

L’ONSS lance citation en vue d’obtenir le paiement des cotisations sous déduction du montant versé par la société.

La décision du tribunal

Le tribunal considère qu’en signant le formulaire F.33, la société a été induite en erreur par le service d’inspection, qui n’a pas fourni une explication suffisante sur le fait que la présomption d’assujettissement sur la base d’un travail à temps plein était réfragable.

Quant au versement intervenu, l’imputation donnée n’est pas certaine, de sorte qu’il ne peut y avoir reconnaissance de dette et début d’exécution.

Le tribunal a fait droit à la demande d’enquêtes formulée par la société et divers témoins sont entendus.

L’ONSS est débouté de sa demande, le tribunal constatant que tant les enquêtes que le procès-verbal de l’ONEM confirment une occupation à temps partiel.

Moyens d’appel de l’ONSS

L’ONSS interjette appel considérant que :

  • la société a reconnu la dette en signant le formulaire F. 33 et en effectuant un paiement partiel ;
  • au surplus, les témoignages recueillis ne permettent pas de renverser la présomption.

Décision de la cour

Au niveau des principes, la cour rappelle :

  • les obligations qui pèsent sur l’employeur en cas d’occupation de travailleur à temps partiel au regard :
    • de l’article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 qui prévoit que le contrat de travail à temps partiel doit être conclu par écrit individuellement et mentionner le régime de travail à temps partiel et l’horaire convenu ;
    • des articles 157 et suivants de la loi-programme du 22 décembre 1989, qui organisent le contrôle des prestations des travailleurs occupés à temps partiel.
  • le prescrit de l’article 22 ter de la loi du 27 juin 1969, tel qu’en vigueur à l’époque, avant sa modification par la loi-programme du 27 décembre 2004. Dans cette mouture, l’article 22ter institue une présomption réfragable d’une occupation à temps plein en cas de non-respect par l’employeur des mesures de publicité qui doivent permettre le contrôle des prestations à temps partiel.
  • la preuve contraire que l’employeur doit apporter dans le cadre de cette présomption : la Cour de cassation a décidé dans un arrêt du 3 février 2003 que celle-ci « consiste à prouver que les travailleurs à temps partiel n’ont pas travaillé à temps plein dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein et non à prouver l’importance des prestations effectives dans le cadre d’un contrat à temps partiel ». Dès lors, la juridiction doit vérifier si le travailleur concerné a ou non travaillé dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel ou à temps plein.

La cour rejette le moyen de l’ONSS qui considère que la société ne peut être autorisée à apporter la preuve contraire dans la mesure où elle a reconnu la dette en signant le formulaire F.33 et en effectuant un paiement partiel.

La cour n’admet cependant pas la motivation du premier juge qui se fonde sur une erreur ou une absence d’information complète, retenant plutôt qu’en matière de sécurité sociale des travailleurs salariés, les parties peuvent toujours revenir sur une appréciation première sans qu’un aveu puisse être invoqué à leur égard.

La cour précise que l’aveu n’est pas admissible en toute matière et notamment lorsqu’il s’agit de droits fondés sur des dispositions d’ordre public, considérant ainsi que la reconnaissance de dette peut tout au plus interrompre la prescription mais qu’en aucun cas il ne peut constituer un aveu en matière d’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés.

La cour relève que dans le cas d’espèce la présomption de l’article 22 ter s’applique, retenant que l’horaire de travail n’est pas déterminable vu que le contrat de travail ne permet pas de déterminer les heures de travail et qu’il n’y avait pas à l’époque de règlement de travail.

La preuve contraire pour renverser cette présomption réfragable consiste pour la société à établir non pas que son ouvrier n’a travaillé que 20 heures pas semaine à raison des matinées du lundi au vendredi mais qu’il n’a pas travaillé à temps plein.

Pour la cour, cette preuve est apportée à suffisance de droit par les enquêtes ainsi que par l’audition du gérant et de l’ouvrier entendu lors du contrôle. La cour retient également qu’il ne peut être exigé que la preuve soit apportée pour tous les jours d’occupation.

Ainsi, la cour déclare l’appel de l’ONSS non fondé.

Intérêt de la décision

Cette décision est intéressante à plusieurs égards :

  • elle aborde la question des obligations à charge de l’employeur en matière d’occupation de travailleurs à temps partiel et leurs conséquences en matière d’assujettissement. Comme en droit du travail, il s’agit de faire respecter des mesures de publicité qui doivent permettre le contrôle des prestations des travailleurs ;
  • elle rappelle que l’aveu ne peut être retenu comme moyen de preuve en matière d’assujettissement à la sécurité sociale vu le caractère d’ordre public des dispositions en cause ;
  • enfin, elle reprend le mécanisme de la présomption d’assujettissement à temps plein avant la modification de l’article 22 ter de la loi du 27 juin 1969 par la loi la loi-programme du 27 décembre 2004, étant que :
    • en cas de non-respect des dispositions qui organisent le contrôle des prestations des travailleurs occupés à temps partiel, le travailleur est présumé avoir effectué le travail dans le cadre d’un travail à temps plein ;
    • cette présomption est réfragable, la preuve contraire pouvant être apportée par l’employeur ;
    • cette preuve contraire consiste non pas à prouver l’étendue des prestations réellement effectuées mais que le travailleur à temps partiel n’a pas effectué de prestations à temps plein dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein.

Précisons sur cette question que dans le cadre du nouvel article 22 ter, la présomption d’assujettissement est à présent irréfragable « sauf dans les cas d’impossibilité matérielle d’effectuer les prestations de travail à temps plein, cas constatés par les services d’inspection ».

Le texte actuel est ainsi plus restrictif mais ne manquera pas de donner lieu à débat : que faut-il entendre par « impossibilité matérielle d’effectuer les prestations de travail à temps plein » ? L’exigence de la constatation préalable de cette impossibilité devrait, à notre avis, aboutir à restreindre considérablement ces hypothèses.


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