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Accident du travail et salaire de base pour l’indemnisation de l’incapacité temporaire totale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 novembre 2016, R.G. 2015/AB/509

Mis en ligne le mardi 2 mai 2017


Cour du travail de Bruxelles, 7 novembre 2016, R.G. 2015/AB/509

Terra Laboris

Par arrêt rendu le 7 novembre 2016, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles en matière de fixation de la rémunération de base de l’incapacité temporaire de travail des travailleurs engagés à temps plein ou à temps partiel.

Les faits

Une employée d’une grande surface est victime d’un accident du travail sur le lieu du travail.

Elle expose, dans le cadre de la procédure qui sera initiée en vue de fixer les séquelles de l’accident, qu’elle était engagée dans le cadre de contrats de travail journaliers. Les jours où elle ne travaillait pas, elle était indemnisée dans le secteur chômage.

La décision du tribunal

Le tribunal doit déterminer la rémunération perçue dans les 365 jours préalables à l’accident. Dans la procédure devant le Tribunal du travail de Nivelles, l’intéressée demande que soit retenu le salaire à temps plein, eu égard aux prestations accomplies.

Le tribunal ne l’a pas suivie et l’intéressée interjette appel.

La décision de la cour

La cour constate dans son arrêt qu’elle avait presté une moyenne de 11,33 jours par mois pour l’année 2008, correspondant à 7 heures et 52 minutes par journée de travail.

De février à août 2009 (aucune prestation n’étant avérée pour janvier), la moyenne est de 12,14 jours par mois, soit 8 heures de travail par jour.

Au moment de l’accident, l’intéressée avait conclu un contrat pour une durée de 10 jours à raison de prestations de 8 heures par jour, et ce jusqu’au 8 septembre (veille de l’accident).

La situation est complexifiée par la production de plusieurs contrats pour une même journée, contrats conclus pour une durée d’une heure (!), et ce dans des lieux différents.

Pour le jour de l’accident, un autre contrat est produit, en deux moutures différentes, correspondant à une durée de prestation distincte.

Dans la déclaration d’accident, il est fait état d’un horaire de 6h00 à 14h00.

Après avoir effectué ces constats, la cour du travail retient, à partir d’indices tirés d’autres éléments du dossier, que, pour cette journée du 9 septembre 2009, la durée du travail était bien de 8 heures, la cour retenant la version indiquant cette prestation.

Ce point étant réglé, elle examine ensuite en droit la question de la détermination du salaire de base pour la période d’incapacité temporaire totale. L’intéressée doit dès lors être considérée comme travailleur à temps partiel ou comme travailleur à temps plein, eu égard aux prestations accomplies.

La cour rappelle que l’indemnité journalière accordée dans le cadre de l’incapacité temporaire partielle est de 90% de la rémunération quotidienne moyenne, et ce en vertu de l’article 22, LAT. Cette notion de rémunération quotidienne moyenne est précisée à l’article 40 comme étant la rémunération de base divisée par 365. La rémunération de base est celle à laquelle le travailleur a droit pour l’année qui a précédé l’accident, et ce sur la base de la fonction exercée dans l’entreprise au moment de celui-ci.

La période de référence sera considérée comme complète si le travailleur a effectué pendant toute cette période d’un an des prestations à temps plein.

Si la période d’occupation est plus courte, la rémunération de la période de référence manquante est reconstituée par une rémunération hypothétique, celle-ci étant fixée sur la base de la rémunération journalière moyenne de la personne de référence. En cas d’occupation à temps partiel, le mode de calcul de la rémunération de référence figure à l’article 37bis de la loi. Pour le calcul de l’incapacité temporaire de travail, la rémunération de base est fixée en fonction du salaire perçu uniquement, et ce sur la base du contrat auprès de l’employeur.

La cour rappelle encore que, pour la détermination du temps de travail, il est renvoyé à l’arrêté royal du 10 juin 2001 (qui a uniformisé les notions de temps de travail dans diverses réglementations de sécurité sociale). Le travailleur à temps plein est celui dont la durée contractuelle normale correspond à la durée de travail maximale en vigueur au sein de l’entreprise. Le travailleur à temps partiel est celui dont la durée de travail est en moyenne inférieure à celle-ci, le critère retenu étant celui de la personne de référence.

La question, en l’espèce, est de déterminer la durée contractuelle normale de travail. Pour la cour, s’appuyant sur les articles 9, 1°, et 10 de l’arrêté royal ci-dessus, il faut prendre en compte la durée normale de travail fixée par le contrat de travail et non, comme le demande l’assureur, extrapoler une durée moyenne de travail sur une période qui excède celle du contrat de travail. La cour renvoie ici à la jurisprudence de la Cour de cassation, en son arrêt du 10 mars 2014 (Cass., 10 mars 2014, n° S.12.0094.N).

Dans la mesure où, le jour de l’accident, l’intéressée était engagée pour 8 heures et qu’il s’agit de la durée journalière de travail maximale au sens de l’article 19 de la loi du 16 mars 1971, il y a bien un temps plein.

L’intéressée devait dès lors être considérée comme étant à temps plein pour l’indemnisation de son incapacité temporaire. C’est donc l’article 36, § 2, LAT qui s’applique et non l’article 37bis.

Surabondamment, la cour fait encore valoir que la succession de ces différents contrats peut être contraire à l’article 10 de la loi du 3 juillet 1978. Dans la mesure où l’intéressée ne conteste pas ce point, elle considère ne pas devoir soulever cette question, dans le cadre d’un examen d’office.

En conséquence, elle réforme le jugement, condamnant l’assureur à indemniser pour la période d’incapacité temporaire totale sur la base des règles fixées pour le travailleur à temps plein conformément à l’article 36, § 2, LAT.

Intérêt de la décision

Cet arrêt renvient très utilement sur l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 mars 2014, qui a fixé un principe important en combinant les définitions des données relatives au temps de travail au sens de l’arrêté royal du 10 juin 2001, ainsi que l’article 19, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, selon lequel la durée du travail ne peut excéder 8 heures par jour ni 40 heures par semaine. Il s’agissait également, dans cette espèce, d’un travailleur lié par un contrat journalier. Pour la Cour de cassation, dès lors que, le jour de l’accident, la durée du travail est de 8 heures, le travailleur doit être considéré comme un travailleur à temps plein. Il n’y a aucune base légale permettant de renvoyer à la durée hebdomadaire de travail moyenne contractuelle.

L’on ajoutera encore que l’espèce commentée porte sur l’indemnisation de l’incapacité temporaire du travailleur à temps partiel, pour lequel la cour rappelle qu’existe une disposition particulière, étant l’article 37bis de la loi. Dans le cadre de la réparation de l’incapacité permanente d’un tel travailleur, toutefois, s’agissant d’indemniser l’atteinte au potentiel économique, il faut suivre les règles habituelles sur le plan de la rémunération, l’allocation étant fixée sur la base d’un temps plein.

Ces règles n’ont pas dû être abordées ici, vu que la cour a retenu l’existence d’un temps plein, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.

L’on pourra encore relever à cet égard un jugement du Tribunal du travail du Hainaut (division Charleroi) du 7 octobre 2015 (R.G. 14/1.116/A), dans lequel cette jurisprudence a été appliquée à une hypothèse où le temps de travail journalier maximal conventionnellement applicable dans l’entreprise était inférieur à 8 heures.


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