Terralaboris asbl

Associé actif d’une société de personnes : obligation d’affiliation au statut social ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 décembre 2016, R.G. 2015/AB/853

Mis en ligne le mardi 2 mai 2017


Cour du travail de Bruxelles, 9 décembre 2016, R.G. 2015/AB/853

Terra Laboris

Dans un arrêt rendu le 9 décembre 2016, la Cour du travail de Bruxelles reprend les règles en la matière : aucune présomption légale d’exercice d’une activité n’existant pour la situation de l’associé actif, c’est à la caisse qu’il incombe d’établir l’exercice réel d’une activité susceptible d’entraîner son assujettissement au statut social des travailleurs indépendants.

Les faits

Madame N. est cofondatrice d’une société coopérative à responsabilité illimitée (secteur du nettoyage) depuis 2008. Elle est désignée en qualité de gérante, son mandat étant gratuit.

Elle s’affilie cependant auprès d’une caisse d’assurances sociales. Il s’agit d’une activité présentée comme étant exercée à titre complémentaire dans un premier temps. Par la suite, les cotisations correspondantes à une activité principale sont exigées par la caisse, qui lui réclame un montant de près de 10.000 euros pour une période de 13 trimestres.

Une procédure est introduite par l’intéressée.

Par jugement du 24 novembre 2014, le Tribunal du travail de Bruxelles conclut à l’absence d’exercice d’une activité professionnelle en tant que travailleuse indépendante pendant la période litigieuse et fait dès lors droit à la demande.

Appel est interjeté par la caisse.

La décision de la cour

Outre le rappel des principes relatifs à l’assujettissement au statut social, la cour va examiner en l’espèce plus spécifiquement la question des présomptions en la matière.

Elle renvoie à l’arrêté royal n° 38, dont l’article 3, § 1er, définit l’indépendant comme toute personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n’est pas engagée dans les liens d’un contrat de travail ou d’un statut.

Le critère est de rechercher si l’activité a un caractère professionnel, étant qu’elle doit être exercée dans ce but, même si, en réalité, aucun revenu n’est tiré de l’activité elle-même.

Pour les mandataires de société, il existe des présomptions.

La cour rappelle qu’elle doit statuer ici dans l’état de la réglementation avant l’entrée en vigueur de la loi du 25 avril 2014 et que, à cette époque, en vertu de la présomption contenue à l’article 3, § 1er, alinéa 4, de l’arrêté royal – présomption réfragable –, le mandataire de société peut prouver soit que son activité n’est pas habituelle, s’agissant par exemple d’une société dormante, soit qu’elle est exercée sans but de lucre. Ce deuxième critère doit être rencontré à la fois en droit et en fait.

Pour les associés actifs, il peut également y avoir assujettissement, selon la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle un associé dans une société de personnes à responsabilité limitée qui exerce une activité dans le but de faire fructifier le capital qui lui appartient en partie est considéré comme travailleur indépendant en cette qualité.

En l’espèce, l’intéressée a été désignée comme gérante. La cour constate cependant que ce mandat n’avait pas vocation à être rémunéré et que c’est à tort qu’il y a eu affiliation au statut social. Pour la cour, la matière relève de l’ordre public et une affiliation qui n’est pas légalement justifiée n’a pas de conséquences juridiques.

Pour ce qui est de sa qualité d’associée active, la cour constate que, pour la caisse, c’est à l’intéressée de prouver qu’elle n’a exercé aucune activité durant la période litigieuse. Elle corrige cependant cette manière de voir en rappelant que c’est la caisse elle-même qui a la charge de la preuve.

Il y a certes une présomption d’assujettissement sur la base du critère fiscal (critère qui ne pourra pas trouver à s’appliquer ici, vu l’absence de revenus), ou encore sur la base de l’existence d’un mandat (présomption qui a été renversée), mais il n’y a pas, comme le souligne l’arrêt, de présomption liée à la qualité d’associé actif. C’est dès lors à la caisse d’établir qu’une activité a été exercée, et ce dans le but de faire fructifier le capital. La seule existence du mandat n’est pas la preuve d’une activité habituelle et régulière.

Cette preuve n’étant pas rapportée en l’espèce, la cour décide de confirmer le jugement.

Intérêt de la décision

Dans ce bref arrêt – très clair –, la Cour du travail de Bruxelles rappelle une règle parfois négligée, étant que, si l’associé d’une société de personnes exerce une activité en vue de faire fructifier son capital et a ainsi la qualité d’associé actif, la preuve de l’exercice de l’activité elle-même doit être rapportée par la caisse, dans la mesure où la présomption liée au mandat de gérant n’existe pas pour la situation de l’associé actif lui-même.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be