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Crédit-temps et protection contre le licenciement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 janvier 2017, R.G. 2015/AB/882

Mis en ligne le jeudi 13 juillet 2017


Cour du travail de Bruxelles, 13 janvier 2017, R.G. 2015/AB/882

Terra Laboris

Dans un arrêt du 13 janvier 2017, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme de protection contre le licenciement dont bénéficie le travailleur en crédit-temps, la demande ayant été introduite dans le cadre de la C.C.T. 77bis. L’arrêt apporte des précisions sur le montant de l’indemnité elle-même.

Les faits

Un employé supérieur, engagé depuis janvier 2000, fait des demandes successives de crédit-temps, à partir de mars 2010. Il s’agit dans un premier temps d’une interruption de carrière complète, demandée avec effet au 1er avril pour une période de 6 mois. Celle-ci sera en fin de compte portée au 31 décembre 2012, des avenants successifs étant signés. L’intéressé exerce pendant cette période une mission de conseil d’un parti politique et siège d’ailleurs en tant que représentant de celui-ci au Conseil provincial.

Après la fin de cette période, un accord intervient encore entre les parties pour une suspension conventionnelle du contrat pour une période de 3 mois. Pendant celle-ci, la société met un terme au contrat, moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis. Le motif donné sur le C4 est une réorganisation.

Un litige va naître suite à cette rupture, l’intéressé demandant une très importante indemnité compensatoire de préavis complémentaire, vu un engagement figurant dans son contrat à cet égard. Il sollicite également, outre d’autres sommes, une indemnité de protection dans le cadre du crédit-temps, ainsi qu’une indemnité pour licenciement discriminatoire.

Le jugement rendu par le Tribunal du travail de Louvain ne fait que partiellement droit à sa demande. Aussi interjette-t-il appel, formant devant la cour les mêmes chefs de demande, dont seule est examinée ici la question de l’indemnité de protection dans le cadre de la C.C.T. 77bis, les autres postes étant plus factuels.

La décision de la cour

Sur le plan de la charge de la preuve, la cour rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 14 janvier 2008, n° S.07.0049.N), selon laquelle celle-ci repose sur l’employeur.

En l’espèce, il est constaté qu’au moment de la rupture, l’intéressé était toujours protégé contre le licenciement, étant que la période de suspension s’est terminée le 31 décembre 2012 et que, de ce fait, il ne pouvait être licencié avant le 1er avril 2013. Or, la décision est intervenue le 29 mars.

La procédure de vérification du motif doit dès lors se faire sur la base des principes dégagés par la Cour de cassation et énoncés dans la C.C.T.

La société fait valoir qu’il n’existait pas, dans l’entreprise, de fonction équivalente pouvant lui être assignée, et ce eu égard à sa conduite et à son attitude. Elle fait valoir des éléments négatifs dans le chef du travailleur pendant la période précédant la suspension du contrat, ainsi qu’au moment où la reprise allait devoir s’organiser.

Pour la cour, ces considérations ne peuvent correspondre à l’obligation de preuve du motif exigée. Pour ce qui serait d’une attitude négative avant la suspension des prestations, la cour rappelle qu’il faut un lien causal entre les faits et le licenciement et que les seuls éléments produits datent de mars 2009, étant 4 ans avant la rupture. Pour ce qui est d’une même attitude négative à l’approche de la reprise, la société reste très floue, et notamment sur la question de l’impossibilité de réaffecter l’employé dans une fonction équivalente. Elle rejette que l’investissement politique puisse en lui-même constituer la preuve de son désintérêt pour la poursuite du contrat de travail.

Une indemnité de protection est dès lors due par la société, indemnité fixée à 6 mois de rémunération, en vertu de l’article 20, § 4, de la C.C.T.

La cour en reprend le mode de calcul. Selon la doctrine (J. HERMAN, « Onderbreking van de beroepsloopbaan (tijdskrediet) », Aanwerven, tewerkstellen en ontslaan, O, 203-2610), le mode de calcul doit se faire comme pour l’indemnité de protection de maternité. Il faut dès lors prendre en compte les avantages acquis en vertu du contrat. La cour renvoie ici notamment à un arrêt de la Cour du travail de Gand du 10 septembre 2007 (Chron. Dr. Soc., 2009, p. 34). Elle fixe dès lors l’indemnité de protection sur la base de la rémunération de référence qu’elle a admise, par ailleurs, pour le complément d’indemnité compensatoire de préavis qu’elle a alloué.

Enfin, l’intéressé ayant également introduit une demande de protection dans le cadre de la loi anti-discrimination, la cour relève ici qu’il n’apporte pas les éléments requis permettant de faire présumer l’existence de celle-ci.

Intérêt de la décision

Le mécanisme de protection de la C.C.T. 77bis est actuellement clair, tant sur le plan de la charge de la preuve du motif (dans sa nature et son origine) que sur le montant de l’indemnité de protection elle-même.

Par « rémunération », il faut entendre celle issue de l’assiette de référence permettant de calculer l’indemnité compensatoire de préavis, la cour rappelant ici que l’indemnité de protection de maternité a le même sort.

La rémunération admise n’est dès lors pas limitée à la rémunération mensuelle contractuellement convenue mais doit inclure les avantages du contrat. Cette solution a le mérite d’aligner le montant de l’indemnité sur les autres indemnités de protection contre le licenciement allouées dans d’autres contextes.


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