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Maladie professionnelle et autorité de chose décidée

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 mars 2017, R.G. 2016/AB/910

Mis en ligne le vendredi 13 octobre 2017


Cour du travail de Bruxelles, 6 mars 2017, R.G. 2016/AB/910

Terra Laboris

Par arrêt du 6 mars 2017, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’autorité d’une décision administrative est limitée à ce qui a fait l’objet de la décision et qu’en l’occurrence, si une première décision a conclu à l’irrecevabilité d’une demande, ceci ne fait pas obstacle à ce qu’une nouvelle demande donne lieu à une décision nouvelle, qui en admettrait le bien-fondé.

Les faits

Une demande de reconnaissance de maladie professionnelle et d’indemnisation est introduite en 2007. Elle est déclarée irrecevable au motif que les pièces médicales nécessaires n’étaient pas jointes. L’intéressée ne conteste pas cette décision devant le tribunal, mais dépose ses pièces dans la foulée. Deux ans plus tard, la décision du Fonds intervient : il s’agit d’un refus, au motif de l’absence d’exposition au risque professionnel de la maladie.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui, par jugement interlocutoire, désigne un expert. Le rapport de celui-ci sera entériné (en réalité deux rapports) par jugement du 8 août 2016. La décision administrative est mise à néant et la maladie professionnelle (hernie discale L5-S7) est admise avec une incapacité temporaire totale de juin 2007 à novembre 2010, ainsi que des fluctuations ultérieures (avec un retour à 100% pour une bonne partie de l’année 2011). Un taux de 15% est reconnu depuis le 1er janvier 2012.

Appel est formé par FEDRIS sur l’imputabilité de deux périodes d’incapacité temporaire totale, ainsi que sur l’indemnisation (90% et non 100%).

La décision de la cour

Sur les demandes, la cour rappelle qu’aucun recours n’a été introduit contre la première décision, qui a conclu à l’irrecevabilité. La seconde demande a été considérée comme une nouvelle demande et celle-ci a donné lieu à une décision de refus, qui est l’objet de la contestation.

La question à trancher, pour ce qui est de la première période d’incapacité, est de savoir si celle-ci peut être indemnisée, dans la mesure où elle est antérieure à la décision de refus (seconde décision). La cour renvoie à la Charte de l’assuré social, qui, en son article 19, dispose que, après qu’une décision administrative a été prise concernant une demande d’octroi d’une prestation sociale, une nouvelle demande peut être introduite. Celle-ci ne peut être déclarée fondée qu’au vu d’éléments de preuve nouveaux, qui n’avaient pas été soumis antérieurement ou en raison d’une modification des textes. La nouvelle décision prendra cours le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel la demande nouvelle a été formée. Sur la base de cette disposition de la Charte, la période ne pourrait être prise en compte.

Une disposition particulière existe cependant dans le secteur des maladies professionnelles, étant celle relative aux 365 jours avant la date de la demande. En cas d’incapacité temporaire totale, celle-ci peut être admise pour une telle période précédant la date de la demande (article 34, alinéa 5, des lois coordonnées). L’intéressée se fonde sur cette disposition.

Ceci amène FEDRIS à plaider que, si la cour suivait ce point de vue, ceci reviendrait à mettre à néant la première décision de refus, alors qu’elle n’a fait l’objet d’aucun recours judiciaire dans le délai d’un an.

C’est la question de l’autorité de chose décidée en sécurité sociale et, pour la cour, FEDRIS entend conférer à sa première décision une portée qu’elle ne peut avoir. Rappelant la doctrine de C. BEDORET (C. BEDORET, « L’autorité de chose décidée en droit de la sécurité sociale ou quand la montagne accouche d’une souris… », R.D.S., 2010/1, p. 128), elle oppose au Fonds que l’autorité d’une décision administrative est limitée à ce qui a fait l’objet de la décision. La décision d’irrecevabilité n’est pas contredite par une décision ultérieure, qui, comme en l’espèce, s’avère fondée.

Sur les deux autres points, la cour tranche très rapidement, l’un étant le fruit d’une erreur matérielle, que les parties sont d’accord de corriger, et l’autre portant sur le taux de 100%, pour lequel la cour précise qu’il ne s’agit pas du montant de l’indemnisation mais du taux d’incapacité.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la cour du travail revient sur la notion d’autorité de la chose décidée de la décision administrative. Il ne s’agit pas de l’autorité de la chose jugée, mais de la portée d’une décision administrative qui n’a pas fait l’objet d’un recours judiciaire. Cette autorité existe mais est limitée à ce qui a fait l’objet de la décision. En l’occurrence, l’objet a été l’examen de la recevabilité et le Fonds y avait conclu par la négative.

La cour rappelle encore que les lois coordonnées comprennent une disposition spécifique en ce qui concerne le point de départ de l’incapacité de travail temporaire (totale ou partielle), qui peut dès lors remonter, selon l’article 34, alinéa 5, à 365 jours calendrier avant la date de la demande.

Au vu de la première décision rendue, l’on ne pourra par ailleurs que souligner l’importance de documenter la demande d’indemnisation avec l’ensemble des documents médicaux requis, permettant d’établir le diagnostic.


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