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Les décisions de l’Office national de sécurité sociale sont-elles soumises aux exigences de la Charte de l’assuré social ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er juin 2017, R.G. 2014/AB/687

Mis en ligne le lundi 11 décembre 2017


Cour du travail de Bruxelles, 1er juin 2017, R.G. 2014/AB/687

Terra Laboris

Dans un arrêt du 1er juin 2017, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’O.N.S.S. – à supposer qu’il ait la qualité d’institution de sécurité sociale au sens de l’article 2, 2°, de la Charte de l’assuré social - n’est pas une institution qui accorde ou refuse des prestations de sécurité sociale et ne rentre dès lors pas dans le champ d’application de la Charte.

Les faits

L’O.N.S.S. procède en 2007 à l’annulation de l’assujettissement d’un travailleur au régime général de la sécurité sociale des travailleurs salariés, au motif d’une occupation fictive. L’intéressé conteste avoir reçu cette décision, dont il n’apprendrait – selon lui – l’existence que dans le cadre de litiges ultérieurs intervenus suite à des décisions prises ensuite par l’ONEm, l’U.N.M.S. et l’I.N.A.M.I.

L’ONEm notifie ensuite de nouveau la décision en cause. L’intéressé forme alors un recours, mais en-dehors du délai de 3 mois. Le tribunal du travail déclare celui-ci tardif.

Appel est interjeté devant la cour.

La décision de la cour

La cour examine la question à la lumière de l’article 42 de la loi du 27 juin 1969 (modifié par l’article 33 de la loi-programme du 8 juin 2008). L’intéressé fait notamment valoir qu’il n’aurait pas compris la portée de la décision et que, par ailleurs, la motivation n’est pas conforme aux exigences de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation des actes administratifs, non plus qu’à la Charte de l’assuré social en ses articles 6 et 13.

L’O.N.S.S. considère pour sa part qu’il y a une motivation suffisante et que se pose en priorité un problème de recevabilité, dès lors que le recours a été introduit tardivement. Il considère qu’il n’y a pas lieu d’examiner la question de la motivation.

La cour relève qu’avant la loi du 8 juin 2008, il n’y avait pas de délai dans celle du 27 juin 1969 pour introduire ledit recours. L’article 33 du texte permet actuellement à l’O.N.S.S. de procéder à une nouvelle notification dans l’année suivant l’entrée en vigueur de l’article 32 de la loi aux fins de se mettre en conformité avec celle du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration (article 2, 4°). C’est ce qui a été fait par l’Office dans sa deuxième décision, qui a ainsi fait courir le délai de recours.

Notifiée le 7 octobre 2008, cette décision pouvait dès lors être contestée dans un délai de 3 mois courant à partir de ce jour. Dans la mesure où la décision notifiée contient les mentions des voies possibles de recours, de l’instance compétente pour en connaître, ainsi que des formes et délais à respecter, elle est conforme à la loi du 11 avril 1994.

La cour examine, ensuite, sa conformité avec la Charte de l’assuré social, étant, en premier lieu, si la décision doit être considérée comme une décision d’octroi ou de refus de prestations au sens de l’article 14. En effet, elle ne reprend pas l’ensemble des mentions exigées par la Charte.

Pour trancher la question, la cour s’interroge sur le champ d’application de la Charte de l’assuré social à la présente espèce, étant de savoir si l’O.N.S.S. peut être considéré comme une institution de sécurité sociale, l’article 2, 2°, visant les ministères, les institutions publiques de sécurité sociale, ainsi que tout organisme, autorité ou toute personne morale de droit public qui accorde des prestations de sécurité sociale.

Pour la cour, même à supposer que l’O.N.S.S. puisse être considéré comme une institution de sécurité sociale, il n’est pas une institution qui accorde ou refuse des prestations de sécurité sociale, de telle sorte que l’article 14 de la loi ne lui est pas applicable. Le délai de recours n’a dès lors pas pu ne pas courir, de telle sorte que l’introduction de celui-ci est tardive.

Dès lors que se pose un tel problème de recevabilité, il n’y a pas lieu d’examiner le fond, étant notamment les effets d’une éventuelle carence de la motivation.

L’arrêt tranche également une question de principe sur les dépens, l’Office ayant demandé la condamnation de l’intéressé au montant de 1.320 euros (affaire évaluable en argent). La cour rappelle que l’action de celui qui se prétend travailleur salarié et sollicite l’annulation de la décision par laquelle l’O.N.S.S. a supprimé son assujettissement d’office est une action relative aux droits et obligations des travailleurs salariés résultant des lois et règlements tels que visés à l’article 580, 1° et 2°, du Code judiciaire. En conséquence, il faut appliquer l’article 1017, alinéa 2, de ce code. Dans l’hypothèse d’une telle action, le montant de l’indemnité de procédure doit dès lors être fixé conformément à l’article 4 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007, soit, en l’occurrence, à 174,94 euros.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt rappelle que toute décision d’une institution de sécurité sociale n’est pas nécessairement soumise aux obligations de la Charte de l’assuré social, dans la mesure où elle doit émaner d’une institution qui accorde ou refuse des prestations de sécurité sociale, condition visée expressément à l’article 2, 2°, de la Charte de l’assuré social. Si l’institution en cause joue ce rôle, elle tombe sous le champ d’application de celle-ci. Pour ce qui est de l’O.N.S.S., tel n’est pas le cas, de telle sorte que, même si la décision ne contient pas toutes les mentions reprises à l’article 14, ceci est sans incidence sur l’écoulement du délai de recours, puisque la disposition en cause ne s’applique pas.

Sur le plan des dépens, l’arrêt rappelle qu’une telle action entre dans celles visées à l’article 580, 1° et 2°, du Code judiciaire et que le montant de l’indemnité de procédure doit en conséquence être fixé conformément à l’article 4 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007, renvoyant ici à un arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 1998 (F.97.0083.F) qui avait jugé que la condamnation aux dépens est, en règle, toujours prononcée à charge de l’Office national de sécurité sociale en cas de contestation portant sur le droit subjectif du travailleur à être assujetti à la législation relative à la sécurité sociale des travailleurs salariés.


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