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Procédure d’activation dans le cadre des allocations d’insertion : une mise au point

Commentaire de C. trav. Mons, 11 mai 2017, R.G. 2015/AM/455

Mis en ligne le lundi 18 décembre 2017


Cour du travail de Mons, 11 mai 2017, R.G. 2015/AM/455

Terra Laboris

Par arrêt du 11 mai 2017, la Cour du travail de Mons conclut qu’il faut distinguer, dans le cadre de la procédure d’activation, l’évaluation définitive prévue à l’article 59quater/3, § 1er, de l’arrêté royal du premier entretien d’évaluation prévu dans le cadre de cette procédure : la production de faux documents doit dès lors être envisagée selon que l’évaluation est définitive ou non et la jurisprudence de la Cour de cassation dans son arrêt du 19 novembre 2012 doit s’appliquer.

Les faits

Dans le cadre de la procédure d’activation de recherche d’emploi, une assurée sociale passe le premier entretien d’évaluation en novembre 2012. Il est positif. Elle devait dès lors bénéficier d’un délai de 16 mois avant d’être réévaluée. Cependant, à ce moment, elle a été soumise à la nouvelle procédure de suivi en matière d’allocations d’insertion, et ce eu égard à l’entrée en vigueur le 9 août 2012 de l’arrêté royal du 20 juillet 2012.

Une nouvelle évaluation intervient, concernant une période ultérieure de 7 mois (novembre 2012 – juin 2013), et celle-ci est négative, l’ONEm constatant d’ailleurs que certaines pièces ne sont pas authentiques (modification ou fabrication). Est également reproché à l’intéressée de postuler là où elle n’est pas qualifiée et toujours chez les mêmes employeurs.

Une décision d’exclusion de 39 semaines est dès lors prise, au motif d’usage de faux documents aux fins d’obtenir des allocations auxquelles l’intéressée n’avait pas droit.

Suite au recours introduit par celle-ci, le Tribunal du travail du Hainaut (division de Mons) annule la décision et la rétablit dans ses droits.

L’ONEm interjette appel sur l’incidence de l’utilisation de faux documents, étant que celle-ci a un impact sur l’évaluation définitive et sur l’exclusion qui peut intervenir.

La décision de la cour

La cour examine la question de l’usage de faux documents, eu égard à l’article 155, alinéa 1er, 1°, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Celui-ci prévoit une possibilité d’exclusion d’une période de 27 à 52 semaines en cas d’utilisation de documents inexacts par un chômeur aux fins de se faire octroyer de mauvaise foi des allocations auxquelles il n’a pas droit.

La cour constate que des documents sont manifestement falsifiés, étant des attestations d’employeurs qui ont été modifiées (visites d’employeurs à des moments dont il s’est avéré qu’elles étaient impossibles).

Ce point est dès lors considéré comme établi par la cour, qui pose, ensuite, la question de savoir si les documents ont été utilisés pour se faire octroyer de mauvaise foi des allocations auxquelles le chômeur n’a pas droit.

La question a été abordée dans un arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 2012 (Cass., 19 novembre 2012, n° S.11.0104.F), dont la cour cite de larges extraits, où celle-ci a conclu, de l’examen de l’article 155, alinéa 1er, 1°, ainsi que des articles 59quater, §§ 4 et 5, et 59quinquies, § 5, que le chômeur qui produit de fausses attestations de recherche d’emploi dans le cadre du premier examen ne fait pas usage de documents inexacts aux fins de se faire octroyer de mauvaise foi des allocations auxquelles il n’a pas droit, et ce dans la mesure où, au terme de ce premier entretien, il ne peut être privé des allocations.

L’ONEm fait cependant valoir en l’espèce que l’entretien en cause n’est pas celui visé à l’article 59quater, § 5, s’agissant des allocations d’insertion, et que la conclusion de l’entretien fait partie intégrante de l’évaluation définitive.

La cour reprend la procédure d’évaluation. Celle-ci découle notamment de l’article 59quater/1, § 6, de l’arrêté royal, qui contient une obligation d’information (nouvelle convocation ultérieure et possibilité de se faire assister lors de cette évaluation définitive). L’article 59quater/3, § 1er, fixe les conditions de la convocation, celle-ci devant intervenir dans le mois qui suit l’évaluation non-concluante. Elle va permettre de vérifier les démarches effectuées de manière autonome depuis la date de la réception d’une lettre d’information, étant la lettre visée à l’article 59ter/1. C’est alors que la possibilité d’exclusion existe si l’évaluation définitive est négative.

La cour retient dès lors que, pour aboutir à une telle conclusion, il faut notamment que la lettre d’information ait été adressée au chômeur. C’est un élément essentiel de la nouvelle procédure d’activation. Elle a un caractère primordial et incontournable. Ceci se déduit notamment d’éléments très précis figurant dans la réglementation, étant que, si cette formalité est court-circuitée, toute décision ultérieure est viciée. La lettre permet d’assurer l’effectivité du droit à l’assurance chômage du travailleur visé à l’article 36. La cour souligne encore que c’est la date de réception de la lettre d’information qui est le point de départ de la période d’évaluation. A défaut, cette période est indéterminable.

En outre, pour les chômeurs qui passent d’un régime à l’autre, étant de la procédure classique de recherche active d’emploi à la nouvelle, cette obligation d’information est d’ailleurs reprise dans l’arrêté royal lui-même, qui en précise la portée. Si l’évaluation définitive – négative – peut conduire à une mesure d’exclusion, l’évaluation de l’article 59quater/1, § 4, ne concerne quant à elle que les efforts fournis depuis la date d’admission aux allocations d’insertion : aucune information n’est à ce moment communiquée.

La cour en conclut que les deux évaluations sont différentes. Pour la solution à donner au litige, il n’y a pas lieu de s’écarter de la jurisprudence de la Cour de cassation. En conséquence, la sanction basée sur l’article 155 de l’arrêté royal (exclusion pendant 39 semaines) est annulée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt donne une solution logique à une question posée à notre avis pour la première fois. Dans son arrêt du 19 novembre 2012, la Cour de cassation avait eu à trancher la question de la production de faux documents dans le cadre de la procédure ordinaire d’activation.

Dans le cas d’espèce tranché par la Cour du travail de Mons, il s’agissait non de la procédure classique, mais du passage à la procédure mise sur pied par l’arrêté royal du 20 juillet 2012 modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (M.B., 30 juillet 2012). Celui-ci a inséré les articles 59bis/1 et suivants dans la réglementation. Il contient des dispositions spécifiques pour les jeunes travailleurs visés à l’article 36 de l’arrêté royal, étant des nouvelles règles de procédure pour les bénéficiaires des allocations d’insertion.

Le point fait par la Cour du travail de Mons dans son arrêt du 11 mai 2017 est dès lors important pour la matière.


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