Terralaboris asbl

Cumul interdit de prestations de sécurité sociale et obligations de la Charte de l’assuré social

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 27 juillet 2017, R.G. 2015/AB/525

Mis en ligne le jeudi 15 février 2018


Cour du travail de Bruxelles, 27 juillet 2017, R.G. 2015/AB/525

Terra Laboris

Par arrêt du 27 juillet 2017, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les obligations des bénéficiaires de pension eu égard aux règles de limitation de cumul, étant qu’en cas de reprise du travail, l’information doit être donnée à l’institution de sécurité sociale et que, si un cumul non autorisé est découvert ultérieurement, le constat suffit à entraîner la récupération, quelle que soit la bonne foi ou l’ignorance de la loi que voudrait invoquer l’assuré social.

Les faits

Un litige surgit entre une assurée sociale et l’O.N.P. (SPF Pensions) en 2013, ce dernier lui réclamant, suite à un cumul de prestations, un indu de l’ordre de 27.000 euros. L’intéressée vivait avec son époux jusqu’au décès de ce dernier en 2006. Elle avait déclaré une cessation d’activité professionnelle en 2003. Au décès, la pension de retraite au taux ménage a été convertie en pension de survie (80% de la pension de retraite accordée au conjoint sur la base du taux ménage). Elle avait, cependant, repris une activité professionnelle entre 2004 et 2006, et ce l’insu de l’O.N.P. Elle perçut également des allocations de chômage.

Le croisement des données de pension et des données SIGEDIS (banque de données interne au SPF Pensions, qui rassemble les informations concernant la carrière professionnelle dans le secteur privé), fit apparaître le cumul. Suite à une enquête, le début celui-ci fut fixé à la date d’octroi de la pension de survie. L’O.N.P. informa dès lors l’intéressée, en novembre 2012, du constat opéré et lui signala qu’elle pouvait opter pour le paiement de la pension ou pour celui de la prestation sociale, selon le choix le plus avantageux pour elle. Si elle optait pour le paiement de la pension, l’O.N.P. signalait exiger la preuve du remboursement des prestations en cause afin de poursuivre celui de la pension elle-même.

Suite à ce courrier, l’intéressée renonça aux allocations de chômage pour le futur mais rien ne fut décidé par elle pour le passé.

Intervint alors une décision de révision de la pension de survie et l’O.N.P. notifia un indu.

L’intéressée fut déboutée du recours introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles, et ce par jugement du 27 avril 2015, jugement dont elle interjette appel.

La décision de la cour

La cour constate, après avoir rappelé la chronologie des faits, l’existence d’un cumul entre la pension de survie et les prestations sociales, cumul non contesté et par ailleurs non autorisé.

Les conditions de récupération de l’indu sont dès lors rencontrées.

La cour relève que la bonne foi est à cet égard sans incidence sur la récupération, de même que l’éventuelle ignorance de la loi, ou encore l’absence de volonté de fraude.

Se pose cependant une question à propos du délai de prescription, que l’intéressée entend faire fixer à 6 mois. La cour rappelle que le délai est de 3 ans et que celui-ci découle de la réalisation du fait matériel constaté, délai qui, par ailleurs, a été valablement interrompu par un courrier recommandé.

L’appelante tentant par ailleurs de faire reconnaître la responsabilité des institutions de sécurité sociale (à la fois l’O.N.P., l’ONEm et la CAPAC), la cour examine cet argument, constatant cependant que, lorsque l’intéressée a repris une activité professionnelle en 2004, elle n’a pas informé l’O.N.P., ni à ce moment ni ultérieurement. Or, elle avait signé un formulaire 74 explicite à cet égard. Elle ne s’est dès lors pas comportée comme une personne normalement prudente et diligente, alors qu’elle savait ou aurait dû savoir (vu son expérience passée) qu’il y avait des informations à donner à l’O.N.P. Par ailleurs, la cour ne constate aucun manquement dans le chef de celui-ci, l’examen du dossier lors du décès du mari ayant été opéré normalement. De même, des modifications dans les règles de cumul étant intervenues à partir de janvier 2007, l’intéressée a été informée de celles-ci, comme l’ensemble des bénéficiaires d’une pension de survie, ainsi que des démarches à effectuer, et elle n’a rien entrepris.

La cour relève en conclusion qu’il n’y a pas d’erreur de l’institution au sens de l’article 17, alinéa 2, de la Charte de l’assuré social et, enfin, que le délai entre l’annonce d’un cumul (novembre 2012) et les décisions administratives (février 2014) elles-mêmes ne constitue pas un délai anormal. La cour relève encore que, vu la situation de fait (perception d’allocations de chômage auxquelles il n’a en fin de compte pas été renoncé pour la période considérée), l’intéressée a par ailleurs pu voir celles-ci valorisées dans le calcul du maintien de sa pension de retraite à ses 65 ans, étant que des droits ont été acquis pour la période correspondante.

La cour conclut dès lors à l’absence de faute ou d’erreur qui permettrait de venir corriger l’appréciation du constat de cumul non autorisé.

L’Office faisant à titre reconventionnel une demande de remboursement, et ce par voie de conclusions, la cour l’accueille, constatant que, même si celle-ci devait être considérée comme une demande nouvelle, elle est recevable au niveau de l’appel.

Intérêt de la décision

Le fond de l’affaire porte sur un cumul non autorisé de plusieurs prestations de sécurité sociale.

La cour a ici relevé – outre les éléments de fait permettant de conclure à la réalité d’un cumul non autorisé – que dans une telle situation le comportement de l’assuré social doit être examiné, dans la mesure où il invoque la Charte de l’assuré social et, particulièrement, d’une part son article 17, § 2, aux fins d’obtenir une non-rétroactivité de la décision ou, de l’autre, un défaut d’information, qui serait un manquement à l’article 3 du texte et permettrait d’entraîner la reconnaissance de la responsabilité de l’institution de sécurité sociale.

En réalité, en la matière, une obligation était mise à charge de l’assurée sociale dès le départ (étant une obligation d’information en cas de reprise d’une activité professionnelle, information qui, si elle n’est pas sanctionnée directement, va néanmoins devoir être retenue contre l’intéressée, puisque, n’ayant elle-même pas rempli son obligation, elle ne peut exiger de l’institution de sécurité sociale qu’elle ait fourni de son côté une information immédiate et automatique).

La cour relève que le Ministère public avait pour sa part retenu dans son avis que les institutions de sécurité sociale ne sont pas tenues de suivre « à la trace » tous les assurés sociaux. C’est dès lors par le croisement des données O.N.P. et SIGEDIS que le constat a été opéré et, dans la procédure de récupération, la cour a encore relevé que ni la bonne foi ni l’ignorance de la loi ne peuvent intervenir en faveur de l’assuré social en cas de constatation d’un tel indu.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be