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Eléments permettant de définir la commission paritaire compétente

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 juin 2017, R.G. 2014/AB/1.040

Mis en ligne le vendredi 23 février 2018


Cour du travail de Bruxelles, 28 juin 2017, R.G. 2014/AB/1.040

Terra Laboris

Dans un arrêt du 28 juin 2017, la Cour du travail de Bruxelles retient comme indice important dans la détermination de la commission paritaire compétente le chiffre d’affaires de l’entreprise, eu égard aux divers types d’activités exercées, ainsi que la structure du personnel.

Les faits

Suite à une enquête de l’Inspection des lois sociales, l’activité d’une société a été définie comme étant relative à la préparation pré-postale du courrier publicitaire (ou routage). Un avis a dès lors été demandé à la Direction générale des Relations collectives de Travail aux fins de déterminer la commission paritaire compétente. Pour les ouvriers, c’est la C.P. n° 140.03 (transport routier et logistique pour compte de tiers) qui a été retenue, la 226 (commerce international, transport et logistique) l’étant pour les employés.

Une contestation a surgi, la société ne partageant pas la conclusion de la Direction générale des Relations collectives.

L’O.N.S.S., suivant celle-ci, adresse un relevé de cotisations rectificatif, ce qui entraîne un litige, porté devant le Tribunal du travail de Bruxelles.

Pour la société, demanderesse, il s’agit avant dire droit d’enjoindre à l’O.N.S.S. de conserver provisoirement l’ancien indice et de permettre de poursuivre la communication des DmfA comme précédemment tant que la décision définitive ne sera pas intervenue. Sur le fond, elle demande que soit retenue, pour les ouvriers, la C.P. n° 100.

Il est fait droit par le tribunal à la demande avant dire droit. Quant au fond, cependant, dans un deuxième jugement, sont retenues les C.P. 130 pour les ouvriers et 218 pour les employés.

Appel est interjeté par la société, qui persiste à considérer qu’elle doit relever, pour les ouvriers, de la C.P. n° 100. L’O.N.S.S. demande la confirmation du jugement, introduisant par ailleurs un appel incident en paiement de cotisations de l’ordre de 68.000 euros.

La décision de la cour

La cour reprend le cadre juridique. Le ressort d’une commission paritaire est déterminé, en règle, par l’activité principale (sauf autres critères retenus dans l’arrêté d’institution). En l’espèce, il avait initialement été retenu que la société relevait de la commission paritaire de la logistique. La sous-commission paritaire n° 140.03 définit ce qu’il faut entendre par « activités logistiques », étant les activités de réception, stockage, pesage, conditionnement, etc., de matières premières, de biens ou de produits aux différents stades de leur cycle économique, sans que ne soient produites de nouvelles matières premières, biens ou produits semi-finis ou finis.

La cour retient que l’appartenance de l’entreprise à cette sous-commission paritaire n’est pas soutenue, étant entendu qu’elle n’exerce pas d’activités logistiques, ni de manière principale ni de manière exclusive.

Le débat porte sur la question de savoir si la société doit dépendre de la C.P. n° 130, compétente pour l’imprimerie.

Il s’agit, selon l’arrêté royal d’institution, de viser les entreprises s’occupant de composition, impression (ces activités étant décrites) ou de travaux de finition des produits fabriqués ci-dessus, ou encore de clicherie, galvanoplastie, reliure, etc.

La cour examine dès lors dans quelle mesure elle peut rentrer dans ces critères. Pour ce, des documents spécifiques ont été demandés en vue d’objectiver l’activité principale de l’entreprise (données comptables et évolution du personnel). Il en résulte, pour la cour, que le chiffre d’affaires est exercé essentiellement par des activités de routage (travail de mise sous enveloppe), d’affranchissement (activité de trading réalisée auprès de différents services postaux) et de personnalisation (activité de création consistant à personnaliser des documents physiques et digitaux) dans le cadre d’une opération de marketing.

Les deux premières activités ne relèvent pas de l’imprimerie. La troisième touche au marketing d’une part et comprend des travaux d’impression de l’autre (travaux sous-traités). La cour examine dès lors les membres du personnel affectés à divers types d’activités, les postes du chiffre d’affaires (en lien ou non avec l’activité d’impression), pour conclure que celles-ci sont en définitive marginales dans le chiffre d’affaires global. La ventilation du chiffre d’affaires n’est pas comparable à celle d’une société qui s’occupe principalement d’imprimerie. Tout en retenant que le chiffre d’affaires n’est pas le seul critère pertinent pour déterminer la réalité de l’activité principale, il s’agit néanmoins d’un indice important.

Examinant par ailleurs la structure habituelle des entreprises du secteur, la cour constate qu’elles ont en général un tiers d’employés et deux tiers d’ouvriers, proportion qui est inversée dans le cas de la société en cause. Cet élément confirme également que l’on ne peut aller dans le sens de l’appartenance au secteur de l’imprimerie.

La cour en conclut que l’activité principale de la société est la communication, le marketing et la gestion de bases de données. Elle assure un service à ses clients (gestion des flux de documents, internes ou externes). Ces activités dépassent de très loin les activités habituelles d’imprimerie, de telle sorte que l’entreprise ne peut relever de cette commission paritaire. La cour retient dès lors l’appartenance à la C.P. n° 100.

La demande de l’O.N.S.S. visant au recouvrement des cotisations est dès lors rejetée.

Intérêt de la décision

Cette affaire illustre la difficulté de déterminer de manière certaine la commission paritaire dont peut dépendre une entreprise.

Un premier avis a été donné par la Direction générale des Relations collectives du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, mais cet avis ne lie pas le juge.

Les juridictions du travail sont dès lors compétentes pour déterminer, sur la base des éléments du dossier et à partir du critère général de l’activité principale de l’entreprise, de quelle commission paritaire celle-ci relève.

En l’occurrence, l’on notera les deux critères retenus par la cour, essentiellement, étant le chiffre d’affaires produit par les diverses activités de l’entreprise et la structure générale du personnel (ouvriers-employés) eu égard au profil des entreprises du secteur.


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