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Rémunération de base de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité de sécurité d’emploi dans le secteur bancaire

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Mons), 16 octobre 2017, R.G. 16/543/A

Mis en ligne le vendredi 23 février 2018


Tribunal du travail du Hainaut, division Mons, 16 octobre 2017, R.G. 16/543/A

Terra Laboris

Par jugement du 16 octobre 2017, le Tribunal du travail du Hainaut (division Mons) examine les conditions d’octroi de l’indemnité spéciale de sécurité d’emploi dans le secteur bancaire, en cas de licenciement pour motifs disciplinaires ou professionnels.

Les faits

Un employé du secteur bancaire, engagé depuis 2008, est convoqué à un entretien « de fonctionnement » en février 2015 avec son supérieur hiérarchique. Il connaît ultérieurement une période d’incapacité de travail et, pendant celle-ci, il reçoit une seconde invitation, émanant cette fois du directeur régional, pour « décider de la suite » de sa carrière.

Entre-temps, il a contacté la personne de confiance, par courriel, se plaignant de harcèlement moral. La personne de confiance estime ne plus pouvoir intervenir, au motif que la plainte serait devenue formelle. Un échange de courriels intervient pendant la suite de la période d’incapacité de travail et, quelques jours plus tard, la banque licencie l’intéressé moyennant paiement d’une indemnité.

L’organisation syndicale à laquelle l’intéressé est affilié demande les motifs de licenciement au sens de la C.C.T. n° 109, motifs que la banque donne dans le délai. Elle se réfère à des problèmes d’ordre professionnel, considérant que beaucoup d’efforts ont été faits pour lui permettre de développer normalement son activité, mais en vain.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail du Hainaut (division Mons) en paiement de diverses sommes, s’agissant de demander une rectification de l’indemnité d’éviction versée ainsi que l’indemnité de protection dans le secteur bancaire, un bonus, une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable ainsi qu’une indemnité de protection liée au dépôt d’une plainte pour harcèlement moral et, enfin, des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

La décision du tribunal

Le tribunal examine en premier lieu le complément d’indemnité d’éviction, rappelant que la rémunération à prendre en considération pour le calcul de celle-ci comprend non seulement la rémunération en cours, mais également les avantages acquis en vertu du contrat. Ceci n’inclut pas les indemnités de frais. Sont ainsi pris en compte en l’espèce l’usage privé du véhicule de société, du GSM, ainsi que les éco-chèques.

Pour ce qui est de l’indemnité de protection, prévue dans la convention collective de travail sectorielle, le tribunal rappelle la procédure mise en place et la sanction en cas de non-respect, étant une indemnité forfaitaire dépendant de l’ancienneté. Celle-ci est considérée dans le texte comme non cumulable avec toutes autres indemnités de protection légales ou conventionnelles, mais non avec l’indemnité de rupture prévue dans la loi du 3 juillet 1978.

En l’occurrence, la procédure n’a pas été respectée. Il est en effet exigé, lorsque l’employeur envisage de licencier un travailleur pour manquements disciplinaires ou professionnels, de l’inviter par écrit (courrier, mail ou fax) à un entretien. Celui-ci doit avoir lieu dans les 8 jours calendrier suivant l’invitation. Le travailleur doit être informé par écrit de la possibilité de se faire assister par un délégué syndical de son choix. L’entretien doit permettre d’informer le travailleur des raisons qui ont abouti à ce que l’employeur envisage le licenciement. Si, en outre, des actions ont été entreprises en vue d’éviter celui-ci, elles sont mentionnées pendant l’entretien.

La convocation (invitation) a en l’espèce été adressée, mais la condition relative à l’entretien n’est pas remplie. Le tribunal constate qu’il y a eu un entretien téléphonique, mais celui-ci n’est pas conforme à la convention collective. Reprenant la définition générale du terme « inviter », le tribunal considère qu’il s’agit de prier quelqu’un de venir en un lieu ou d’assister ou de participer à quelque-chose. En outre, il est fait référence à un écrit, et le délégué syndical peut assister le travailleur, ce qui est peu compatible avec un entretien téléphonique.

En outre, et de manière plus déterminante, la convention collective impose de donner, au cours de l’entretien, non seulement les raisons du licenciement, mais cette disposition doit avoir un effet utile, étant qu’elle doit permettre au travailleur d’avoir une chance de conserver son emploi, l’entretien ayant pour but la sécurité de l’emploi dans les entreprises du secteur. Il y a dès lors non-respect de la procédure.

Pour ce qui est de la base de calcul de l’indemnité de protection, celle-ci est fonction du « salaire courant ». Pour le tribunal, il faut donc se référer à la notion générale de rémunération, étant la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat de travail et ceci inclut les avantages acquis en vertu du contrat, à l’exception du double pécule de vacances (le tribunal renvoyant à C. trav. Bruxelles, 8 décembre 2010, R.G. 2009/AB/52.474).

Pour ce qui est du licenciement manifestement déraisonnable et du licenciement abusif, le tribunal rejette ces deux chefs de demande au motif, pour le premier, que, eu égard à l’existence d’une procédure spéciale au niveau sectoriel, la C.C.T. n° 109 ne trouve pas à s’appliquer et, pour le deuxième, que n’est pas prouvée l’existence d’une faute dans le licenciement, non plus que celle d’un préjudice distinct.

Le tribunal réserve également certains développements à la protection contre le licenciement, organisée à l’article 32nonies de la loi du 4 août 1996, et rappelle la procédure de l’arrêté royal du 10 avril 2014 relatif à la prévention des risques psychosociaux au travail (articles 16, 17 et 37).

En l’espèce, il y a certes eu un courrier recommandé envoyé par l’employé, mais celui-ci a été adressé à la personne de confiance et ne peut valoir demande d’intervention psychosociale formelle.

Enfin, sur la question du bonus, le travailleur reste en défaut de démontrer que le montant qu’il réclame est la contrepartie du travail fourni pendant cette période, le tribunal reprenant les conditions d’octroi du bonus et rappelant qu’aucune disposition légale n’interdit de prévoir que le droit à une rémunération (ou partie de celle-ci) s’acquiert au fur et à mesure des prestations effectuées et dans la mesure où les prestations sont effectivement accomplies.

Intérêt de la décision

La rémunération à prendre en considération pour l’indemnité d’éviction doit, comme le rappelle le jugement, avoir la même assiette que celle de l’indemnité compensatoire de préavis, étant qu’elle doit couvrir à la fois la rémunération en cours et les avantages acquis en vertu du contrat. Sont dès lors exclus uniquement les frais, à considérer comme tels, puisque les indemnités de frais ne constituent pas de la rémunération lorsqu’elles visent à rembourser des frais supplémentaires réellement supportés par le travailleur dans l’exercice de son activité professionnelle.

Il en va de même pour le calcul de l’indemnité de protection dans le secteur bancaire, le tribunal précisant que, par « salaire courant », il faut se référer à la notion générale de rémunération. Il est renvoyé à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 8 décembre 2010 sur la question, où était rappelée la procédure à suivre dans le secteur bancaire en application de la convention collective du 2 juillet 2007. La cour y avait précisé la notion de « manquements professionnels » dans le cadre de celle-ci et avait, sur la question du « salaire courant », considéré qu’en l’absence de définition particulière dans le texte, il fallait se référer à la notion générale de rémunération, étant la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat, incluant ainsi les avantages acquis. La base est dès lors la même que pour l’indemnité compensatoire de préavis.


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