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Etendue du contrôle judiciaire sur les mesures ordonnées par l’Inspection du travail

Commentaire de Prés. Trib. trav. Liège, 18 septembre 2017, R.F. 17/13/C

Mis en ligne le jeudi 15 mars 2018


Prés. Tribunal du travail de Liège, 18 septembre 2017, R.F. 17/13/C

Terra Laboris

Dans une ordonnance rendue le 18 septembre 2017 par le Président du Tribunal du travail de Liège, il est rappelé que le contrôle judiciaire du maintien de mesures ordonnées par l’Inspection du travail en matière de bien-être porte non seulement sur la légalité de celles-ci, mais aussi sur l’opportunité de ce maintien.

Les faits

Une société exploitant une aciérie électrique tombe en faillite. La curatelle demande à une société spécialisée d’effectuer des travaux d’enlèvement de l’amiante découverte sur le site. Le Contrôle du bien-être informe dès lors la curatelle qu’il effectuera une visite, et ce dans le cadre d’un avertissement notifié conformément à l’article 21 C.P.S.

Près d’un mois plus tard, la curatelle engage un travailleur intérimaire (précédemment occupé par la société elle-même). Le Contrôle du bien-être réagit en enjoignant au curateur de cesser tout travail sur le site. Un procès-verbal est dressé et la fiche de poste de travail du travailleur intérimaire (prévue à l’arrêté royal du 15 décembre 2010 fixant des mesures relatives au bien-être au travail des intérimaires) est demandée.

Les curateurs introduisent alors une procédure devant le Président du tribunal du travail, demandant que soient levées les mesures figurant dans l’injonction du Contrôle du bien-être. La demande est fondée sur l’article 2 de la loi du 2 juin 2010 comportant des dispositions de droit pénal social. Sont visés les articles 43 à 49 du C.P.S.

La décision du Président du tribunal

Le Président du tribunal rappelle l’étendue des pouvoirs des inspecteurs sociaux en matière de santé et de sécurité, tels qu’énoncés aux dispositions visées. Ceux-ci portent sur les mesures de prévention adéquates (article 43) et sur des interdictions particulières (article 44). Elles permettent également aux inspecteurs sociaux d’ordonner d’adopter des mesures particulières (article 45), de cesser le travail (article 46) ou d’évacuer (article 47). Enfin, est également possible l’apposition de scellés (article 48), et des mesures peuvent être prises à l’égard des travailleurs indépendants (article 49).

Parmi les mesures de prévention visées à l’article 43, les inspecteurs sociaux peuvent ordonner, dans le cadre de la prévention de menaces pour la santé ou la sécurité des travailleurs et afin de remédier à des nuisances constatées, que des modifications nécessaires soient apportées dans un délai à déterminer par eux ou immédiatement si le danger apparaît comme étant imminent.

Il importe peu, comme le relève le Président du tribunal, que les personnes à l’encontre desquelles les mesures sont décidées soient l’employeur (ou une personne assimilée) ou non.

Les dispositions de la loi du 4 août 1996 s’appliquent non seulement à l’employeur, mais elles peuvent également viser le maître d’œuvre chargé du contrôle de l’exécution ainsi que des personnes auxquelles il aurait confié des missions (conformément à l’article 14 de la loi). Par ailleurs, les dispositions en cause constituent la transposition de la Directive-cadre 89/931/CE du Conseil du 12 juin 1989, dont l’objectif premier est l’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs.

Sur le plan du contrôle judiciaire, il est renvoyé à un arrêt inédit de la Cour du travail de Bruxelles du 17 janvier 2013 (C. trav. Bruxelles, 17 janvier 2013, R.G. 2012/CB/13), qui a rappelé que le contrôle judiciaire du maintien des mesures ordonnées par les inspecteurs sociaux porte – au-delà du simple contrôle de la légalité de celles-ci – sur l’opportunité de leur maintien. C’est le texte de l’article 2, § 1er, de la loi du 2 juin 2010 comportant des dispositions de droit pénal social.

Il y a lieu de protéger en conséquence la santé du travailleur intérimaire susceptible d’être exposé à l’amiante. Pour le Président, l’injonction apparaît adéquate, proportionnée et respecte les dispositions légales.

La demande est dès lors rejetée.

Se pose enfin la question des dépens, s’agissant d’une demande qui n’est pas évaluable en argent. Est retenu le montant de base applicable aux affaires « classiques » et, hors champ d’application de l’article 4 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007, sont retenus comme critères le fait que des questions de principe ont été soulevées et que le traitement de l’affaire a été relativement complexe, l’Auditorat du travail étant par ailleurs intervenu à diverses reprises.

Intérêt de la décision

Ce type d’affaire n’est pas fréquent, s’agissant de l’application de l’article 2 de la loi du 2 juin 2010 comportant des dispositions de droit pénal social et visant les recours contre les mesures de contrainte prises par les inspecteurs sociaux. La loi prévoit la possibilité pour toute personne qui estime que ses droits sont lésés, notamment par les mesures prises en exécution des articles 31, 37 et 43 à 49 (ces derniers étant visés en l’espèce), d’introduire un recours auprès du Président du tribunal du travail. L’action doit être formée et instruite selon les formes du référé et le Ministère public doit être entendu.

Comme l’a relevé l’ordonnance, le Président du tribunal du travail exerce un contrôle portant sur la légalité des mesures en cause. Son contrôle porte également sur l’opportunité du maintien de celles-ci.

La levée qui peut être ordonnée peut être totale, partielle ou assortie de conditions. La décision du Président du tribunal est exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution.

L’on notera encore que ces dispositions valent également pour les saisies et mises sous scellés.


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