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Prestation minimale de pension : la norme du Règlement n° 1408/71 CEE

Commentaire de C.J.U.E., 7 décembre 2017, Aff. n° C-189/16 (ZANIEWICZ-DYBECK c/ PENSIONSMYNDIGHETEN)

Mis en ligne le vendredi 30 mars 2018


Cour de Justice de l’Union européenne, 7 décembre 2017, Aff. n° C-189/16 (ZANIEWICZ-DYBECK c/ PENSIONSMYNDIGHETEN)

Terra Laboris

Dans un arrêt du 7 décembre 2017, la Cour de Justice, saisie d’une affaire suédoise, rappelle la définition de la prestation minimale de sécurité sociale dans sa jurisprudence ainsi que les règles des articles 46, 47 et 50 du Règlement n° 1408/71.

Les faits

Une citoyenne polonaise a quitté la Pologne en 1980 pour s’installer en Suède, ayant une carrière professionnelle de 19 ans en Pologne. Elle y ajoutera 23 ans de travail en Suède.

A l’âge de 65 ans, elle demande le bénéfice d’une pension garantie. L’institution suédoise effectue un calcul au prorata, conformément au Règlement n° 1408/71. Pour ce qui est du montant de base, celui-ci est fixé à partir des revenus acquis en Suède, montant qui a été multiplié par la durée maximale d’assurance pour la pension garantie. Le montant est de l’ordre de 13.000 euros. La caisse conclut au rejet de la demande, au motif que le plafond de ressources pour l’attribution de la pension garantie est dépassé.

Pour l’Office des Pensions (qui a succédé à la caisse), les périodes d’assurance accomplies dans un Etat membre autre que la Suède ont donné droit à une pension de la part de cet Etat. Dans la mesure où la pension garantie présente un caractère complémentaire, le fait de calculer cette pension sans application des règles de l’article 47 du Règlement aboutirait à une surcompensation dès lors que des périodes d’assurance existent dans un autre Etat membre. Il y a lieu d’affecter une valeur de pension moyenne à ces périodes (accomplies dans l’autre Etat) afin de leur donner une valeur qui ne soit pas inférieure à celles accomplies en Suède.

La décision de la Cour suprême administrative

Pour la Cour suprême, la méthode utilisée par l’Office des Pensions, conformément à l’article 46, § 2, sous a), du Règlement est d’attribuer à chaque période d’assurance accomplie dans l’autre Etat membre une valeur de pension fictive correspondant à la valeur moyenne de pension des périodes accomplies en Suède, celle-ci venant en déduction de la pension garantie et indépendamment du point de savoir si l’intéressée a travaillé ou non pendant la période envisagée.

Dans cette démarche, s’il y a eu travail et, en conséquence, un droit à pension supérieur à la valeur de la pension fictive, le travailleur est avantagé. Dans l’hypothèse inverse, s’il n’a pas travaillé dans l’autre Etat ou qu’il a acquis une pension inférieure à la valeur de la pension fictive calculée par l’institution suédoise, il est désavantagé. Il y a, en conséquence, une incertitude quant à la manière dont il convient de calculer la pension garantie : la question est de savoir si les périodes d’assurance accomplies dans un autre Etat membre doivent se voir attribuer une valeur de pension fictive correspondant à la valeur moyenne des périodes accomplies en Suède.

Les questions posées

La Cour suprême pose dès lors deux questions tirées des articles 47, § 1er, sous d) et 46, § 2, du Règlement n° 1408/71, demandant si l’article 47, § 1er, sous d) implique qu’il est possible d’attribuer aux périodes d’assurance accomplies dans un autre Etat membre une valeur correspondant à la valeur moyenne des périodes accomplies en Suède lorsque l’institution procède à un calcul au prorata conformément à l’article 46, § 2. En cas de réponse négative, elle pose la question de savoir si l’institution peut, dans son calcul, tenir compte des pensions de retraite perçues dans un autre Etat membre sans que cela n’entre en conflit avec les dispositions du Règlement.

La décision de la Cour de Justice

La Cour répond à la première question que le Règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 46, § 2, non plus que l’article 47, § 1er, sous d), dans l’hypothèse du calcul par l’institution compétente d’un Etat membre d’une prestation minimale telle que la pension garantie. Il faut calculer la prestation conformément à l’article 50 du Règlement et à la législation nationale.

Pour arriver à sa conclusion, la Cour a rappelé les articles 45, 46 et 47 du Règlement et souligne que, selon le Gouvernement suédois, la pension garantie vise à assurer à ses bénéficiaires un niveau de vie raisonnable en leur garantissant un revenu minimum qui dépasse le montant qui leur serait acquis s’ils percevaient uniquement la pension de retraite fondée sur le revenu, lorsque ce montant se révèle être trop faible, voire nul. La pension garantie constitue ainsi la couverture de base de la pension de retraite du régime général suédois (considérant 44).

Il y a prestation minimale au sens de l’article 50 lorsque la législation de l’Etat de résidence comporte une garantie spécifique qui a pour objet d’assurer aux bénéficiaires de prestations de sécurité sociale un revenu minimal qui dépasse le niveau des prestations auquel il pourrait prétendre sur la base des seules périodes d’affiliation et de leurs cotisations. La prestation en cause a ce caractère de prestation minimale et relève de l’article 50.

Sur la seconde question, qui porte sur le point de savoir si le Règlement s’oppose à une législation d’un Etat membre qui prévoit que, lors du calcul d’une prestation telle que celle en l’espèce, l’institution compétente doit tenir compte de l’ensemble des pensions de retraite effectivement perçues dans un ou plusieurs Etats membres, la Cour rappelle que la prestation minimale doit être calculée conformément à l’article 50 et à la législation nationale pertinente.

En vertu du droit suédois, lors du calcul de la pension garantie, il faut prendre en considération les pensions de retraite perçues dans d’autres Etats de l’Union. Cet article vise les hypothèses où les carrières des travailleurs ont été relativement brèves, de sorte que le montant total des prestations dues par les Etats en cause n’atteint pas un niveau de vie raisonnable et que la prestation due par l’Etat de résidence doit être augmentée, en vertu de l’article 50, d’un supplément égal à la différence entre la somme des prestations dues par les différents Etats en cause et la prestation minimale elle-même.

Lors du calcul du droit à la prestation minimale comme en l’espèce, l’article 50 prévoit spécifiquement la prise en compte du montant effectif des pensions que l’intéressée perçoit dans un autre Etat membre. Le Règlement ne s’oppose dès lors pas à la législation examinée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de Justice est l’occasion pour la haute juridiction de rappeler plusieurs arrêts importants de sa jurisprudence et, spécifiquement, la définition donnée à la « prestation minimale » au sens de l’article 50 du Règlement n° 1408/71, dans ses arrêts BROWNING (C.J.U.E., 17 décembre 1981, Aff. n° C-22/81) et TORRI (C.J.U.E., 30 novembre 1977, Aff. n° C-64/77), le premier ayant circonscrit la notion de prestation minimale et le second ayant jugé que, en vertu de l’article 50, la prestation due doit être augmentée d’un supplément égal à la différence entre la somme des prestations dues par les différents Etats et la prestation minimale elle-même.

L’arrêt rappelle encore en préambule l’absence d’harmonisation en matière de sécurité sociale, ainsi que sa jurisprudence constante selon laquelle les Etats membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, étant entendu que, dans l’exercice de cette compétence, ils doivent respecter le droit de l’Union.


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