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Qui peut renverser la présomption d’exposition au risque de maladie professionnelle dans le secteur public ?

Commentaire C. trav. Liège (div. Liège), 19 octobre 2017, R.G. 2016/AL/410

Mis en ligne le jeudi 26 avril 2018


Cour du travail de Liège, division de Liège, 19 octobre 2017, R.G. 2016/AL/410

Terra Laboris

Par arrêt du 19 octobre 2017, la Cour du travail de Liège (division Liège) rappelle que seul l’organisme employeur peut tenter de renverser la présomption légale d’exposition au risque de maladie professionnelle dans le secteur public et non le service médical.

Les faits

Une ouvrière au service d’un C.P.A.S. de la région liégeoise introduit en mai 2014 une demande de maladie professionnelle pour maladie de la liste (atteinte aux tendons, gaines tendineuses et insertions musculaires et tendineuses des membres supérieurs). Elle a travaillé comme repasseuse depuis près de 8 ans pour le C.P.A.S.

Pour le Fonds des Maladies Professionnelles (actuellement FEDRIS), il n’y avait pas exposition au risque de la maladie professionnelle pendant tout ou partie de la période au cours de laquelle l’intéressée appartenait à une des catégories visées. Le C.P.A.S. a, en conséquence, pris une décision de rejet.

Une procédure a été introduite par la travailleuse, qui dépose un dossier médical confirmant la lésion d’une part et le lien de causalité entre l’affection et les mouvements répétitifs de repassage de l’autre.

Le recours a été introduit contre le C.P.A.S. et, en cours d’instance, FEDRIS a fait intervention volontaire, contestant aussi bien la maladie que l’exposition au risque.

Le C.P.A.S. a quant à lui fait défaut.

La décision du tribunal

Par jugement du 15 avril 2016, le tribunal a rappelé l’existence de la présomption légale, s’agissant du secteur public. Cette présomption est celle contenue à l’article 5, alinéa 2, de l’arrêté royal du 21 janvier 1993, soulignant que la présomption peut être renversée par le C.P.A.S. mais non par FEDRIS. Le C.P.A.S. ayant fait défaut, il a désigné un expert avec une mission bien précise, dans laquelle il retient que la demanderesse est présumée avoir été exposée au risque de la maladie professionnelle visée.

L’expertise n’a pas été mise en mouvement, FEDRIS ayant interjeté appel. Il considère que c’est à tort que le tribunal a constaté l’impossibilité pour lui de renverser la présomption légale. Il demande en conséquence la réformation du jugement sur cette base.

La décision de la cour

La cour ne se prononce que sur cette question précise, étant le renversement de la présomption d’exposition au risque professionnel de la maladie visée à l’article 5, alinéa 2, de l’arrêté royal du 21 janvier 1993, relatif à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles en faveur de certains membres du personnel appartenant aux administrations provinciales et locales. La cour renvoie à la doctrine en matière (D. KREIT et P. DELOOZ, Les maladies professionnelles, Larcier, 2015, p. 310), rappelant qu’il s’agit de la doctrine la plus autorisée. Elle a précisé qu’il appartient à l’organisme employeur de démontrer que l’agent n’a pas été exposé au risque de la maladie. Seul celui-ci et non le service médical est à même de tenter de démontrer que le service accompli par la victime ne l’exposait pas au risque de la maladie.

La cour considère dès lors que c’est à bon droit que le premier juge a conclu que seul le C.P.A.S. pouvait renverser la présomption, et non l’appelant.

En outre, celui-ci a fait dans la cause une intervention volontaire conservatoire, c’est-à-dire qu’il ne prétend pas à un droit propre, qu’il ne soumet pas au juge une prétention personnelle, mais appuie celle d’une partie. Or, le C.P.A.S. n’apporte aucun élément permettant de renverser la présomption légale. La cour relève encore l’absence de toute pièce probante ou d’analyse technique. Le litige étant d’ordre médical, il y a lieu à expertise et l’affaire est renvoyée devant le premier juge, à cette fin.

Intérêt de la décision

La distinction entre le régime probatoire du secteur public et celui du secteur privé est régulièrement rappelée. Une fois rapportée la preuve de l’existence d’une maladie figurant sur la liste, le travailleur du secteur public bénéficie d’une double présomption : (i) une présomption réfragable d’exposition au risque professionnel de celle-ci, cette présomption valant pour tout travail effectué au sein d’un organisme public, et (ii) une présomption irréfragable de causalité entre la maladie et l’exposition au risque professionnel de celle-ci.

La question a été examinée dans un arrêt de la Cour du travail de Mons du 14 novembre 2013 (C. trav. Mons, 14 novembre 2013, R.G. 2012/AM/430 – précédemment commenté), à propos de l’arrêté royal du 5 janvier 1971. Le droit pour l’employeur public de prouver que le travailleur n’a pas été exposé au risque professionnel de la maladie avait été confirmé par la cour du travail à cette occasion, étant que celui-ci peut établir qu’il n’y a pas eu exposition à un risque de vibrations mécaniques suffisante en intensité et en durée pour entraîner le risque professionnel de contracter ladite maladie (maladie de la liste). La question de la possibilité pour le service médical de renverser la présomption s’était également posée dans cette affaire, la Cour du travail de Mons ayant rappelé que le rôle du S.S.A. (actuellement MEDEX) est purement médical et se limite à fixer un pourcentage d’invalidité permanente résultant de la maladie professionnelle.

Dans l’arrêt commenté du 19 octobre 2017, l’examen de la cour porte sur l’arrêté royal du 21 janvier 1993 relatif à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles en faveur de certains membres du personnel appartement aux administrations provinciales et locales. Le personnel des C.P.A.S. est visé par ce texte.


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