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Révision d’une décision administrative au sens de la Charte de l’assuré social

Commentaire de Trib. trav. Tournai (div. Mouscron), 9 janvier 2018, R.G. 13/171/A et 13/535/A

Mis en ligne le vendredi 15 juin 2018


Tribunal du travail de Tournai (division Mouscron), 9 janvier 2018, R.G. 13/171/A et 13/535/A

Terra Laboris

Dans un jugement rendu le 9 janvier 2018, le Tribunal du travail de Tournai (division Mouscron) admet que constitue une décision de révision au sens de l’article 17, alinéa 2, de la Charte de l’assuré social la décision prise octroyant des prestations AMI (en l’occurrence trop élevées), décision n’ayant manifestement pas fait l’objet d’un écrit et n’ayant pas a fortiori été notifiée à l’assuré social. Pour le tribunal, la décision existe bel et bien du fait de l’octroi de la prestation.

Les faits

Un organisme assureur AMI réclame à une affiliée un montant de l’ordre de 9.500 € au titre d’indu. La décision a été prise en novembre 2012 et concerne la période du 1er novembre 2010 au 30 septembre 2012.

Le litige est relatif à la situation familiale, l’intéressée ayant fait parvenir à deux reprises les formulaires de renseignements demandés, ceux-ci étant cependant incorrectement complétés. Elle a néanmoins envoyé les pièces justificatives concernant essentiellement les allocations de chômage perçues par son conjoint. Est notamment jointe une attestation de la caisse de chômage reprenant le montant journalier brut. Les mentions incorrectes visent la prise en compte des plafonds légaux applicables.

Ces déclarations ont été transmises à l’organisme assureur en octobre 2010 et octobre 2011. Malgré qu’il ait été en possession des pièces confirmant la situation exacte, celui-ci a continué à payer les indemnités d’incapacité à l’épouse à un taux qui s’est avéré erroné ultérieurement.

En octobre 2012, une nouvelle déclaration est transmise, présentant toujours les mêmes caractéristiques (formulaire incorrectement complété mais reprise exacte du montant des revenus de remplacement perçus, ainsi que communication d’une attestation de la caisse de paiement des allocations de chômage).

Sur la base de cette troisième déclaration, l’organisme assureur a alors fait une appréciation correcte du dossier et a revu les indemnités dues à l’intéressée.

Il a pris la décision litigieuse le 14 novembre 2012.

Les décisions du tribunal du travail

Le tribunal du travail a rendu un premier jugement le 13 juin 2017, demandant aux parties d’examiner l’application au litige de l’article 17 de la Charte de l’assuré social, le tribunal signalant dans cette première décision que les paiements erronés apparaissaient avoir été effectués en dehors de toute décision. Il posait également la question d’un manquement de la mutuelle à son obligation d’information.

Dans le jugement du 9 janvier 2018, le tribunal vide sa saisine, déplorant cependant que les parties n’aient pas identifié la décision originaire qui a fait l’objet d’une révision, l’organisme assureur considérant pour sa part que les paiements avaient été opérés en dehors de toute décision. Aucun écrit n’est en effet produit, alors que l’arrêté royal du 3 juillet 1996, portant exécution de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994, impose celui-ci en ses articles 245quinquies et suivants.

La Charte de l’assuré social définit en son article 2 (8°) la décision comme étant l’acte juridique unilatéral de portée individuelle émanant d’une institution de sécurité sociale et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs assurés sociaux.

Pour le tribunal, les décisions ont bien été prises en l’espèce, puisque le dossier a été examiné et que l’organisme assureur l’a instruit en vue de déterminer les droits de l’intéressée. Ces actes juridiques existent donc, même à défaut d’écrit communiqué à celle-ci. Il y a en conséquence lieu d’appliquer l’article 17, alinéa 2, de la Charte, de telle manière que la décision querellée, du 14 novembre 2012, est une décision de révision au sens de celle-ci.

En application de son article 17, alinéa 2, dès lors qu’une erreur a manifestement été commise par l’organisme assureur, qui n’a pas tenu compte de tous les renseignements utiles et n’a réagi adéquatement que lors de la réception du troisième formulaire, la réduction des prestations sociales ne peut intervenir que pour l’avenir, à savoir à partir du 1er du mois suivant la notification de la nouvelle décision.

Cette règle connaît une exception non rencontrée en l’espèce, étant l’hypothèse où l’assuré social savait ou devait savoir qu’il n’avait pas ou plus droit à l’intégralité de la prestation octroyée. Aucun élément ne permet en effet de dire que l’intéressée aurait su ou aurait dû savoir qu’elle n’avait pas droit à ce qu’elle recevait. L’erreur de calcul est intervenue dans la mesure où une rémunération de référence erronée a été prise en compte, ce que l’assurée sociale ne pouvait savoir.

Intérêt de la décision

L’article 17, alinéa 2, de la Charte ne peut être invoqué qu’en présence d’une décision de révision d’une décision antérieure. En l’occurrence – et ceci a justifié pour le tribunal la nécessité d’une réouverture des débats –, la première décision, prise en vue de l’octroi des indemnités, n’a pas pu être produite. L’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi coordonnée prévoit cependant de manière expresse (articles 245quinquies et suivants), sous la rubrique « Décisions de nature administrative », l’obligation pour l’institution de sécurité sociale de notifier la décision prise. Toute décision de nature administrative sur le droit aux indemnités doit en effet être communiquée au titulaire ou à son représentant, et ce par lettre ordinaire dans le délai de 7 jours civils suivant la date à laquelle la décision a été prise. Elle doit également contenir les mentions visées à l’article 14, 5° et 6°, de la Charte.

Est par ailleurs expressément prévu que la communication d’une décision conformément à la procédure ci-dessus ne constitue pas une notification au sens de l’article 7 de la même Charte. D’autres obligations sont mises à charge de l’organisme assureur, notamment s’il y a un calcul d’indemnité.

Doivent cependant faire l’objet d’une notification par lettre recommandée et reprendre les mentions visées à l’article 14 de la Charte les décisions négatives prises en exécution de l’article 88, alinéa 3, de la loi coordonnée ainsi que celles prises par le Comité de gestion en application des articles 101 et 102 de la même loi et de l’article 22 de la Charte.


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