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Violence au travail : résolution judiciaire et indemnisation

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Tournai), 19 janvier 2018, R.G. 17/393/A

Mis en ligne le vendredi 31 août 2018


Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai), 19 janvier 2018, R.G. 17/393/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 19 janvier 2018, le Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai) a fait droit à une demande de résolution judiciaire, demande introduite suite à des violences physiques intervenues dans le cadre de la relation de travail et dont était responsable l’administrateur-délégué de la société employeur. Si celle-ci est prononcée, les circonstances dans lesquelles le licenciement est intervenu (suite aux violences) ne sont pas de nature à permettre l’octroi de l’indemnité prévue par la CCT n° 109, le motif du licenciement devant être vérifié.

Les faits

Une demande de résolution judiciaire du contrat de travail est introduite devant le tribunal par un membre du personnel d’un home, qui a été victime de coups et blessures volontaires portés par l’administrateur délégué de la société, également époux de la directrice, ainsi que d’insultes de la part de leur fils (également occupé dans l’institution). L’intéressée a été incapacité de travail et la prévention de coups et blessures volontaires a été retenue par le Tribunal de première instance du Hainaut siégeant en matière correctionnelle.

Elle est, depuis lors, en incapacité de travail. Elle a, après les faits en cause, été licenciée moyennant préavis à prester de 10 mois et 12 semaines.

Elle voit dans le licenciement matière à postuler le paiement d’une indemnité sur pied de la CCT n° 109, au motif de licenciement manifestement déraisonnable. Les faits de violence au travail étant établis, elle sollicite par ailleurs l’octroi de l’indemnité forfaitaire de 6 mois, l’auteur se trouvant dans une relation d’autorité vis-à-vis d’elle.

Sur les prétentions de la demanderesse, la société considère ne pas avoir commis de faute suffisamment grave pour entraîner la résolution judiciaire, constatant également que l’intéressée ne donne aucune explication sur des griefs contenus dans la lettre de licenciement relatifs à son attitude. Elle conteste qu’il y ait eu harcèlement, relevant notamment que l’intéressée n’a pas déposé de plainte en ce sens ni introduit de procédure en référé.

La décision du tribunal

Le tribunal est ainsi saisi de trois chefs de demande, le premier étant de déterminer s’il y a un manquement grave aux obligations de l’employeur permettant de prononcer la résolution judiciaire du contrat. Le tribunal constate à cet égard qu’un jugement a été rendu par le Tribunal de première instance du Hainaut, qui est explicite. Des blessures ont en effet été infligées à l’intéressée (rougeurs au niveau du thorax), blessures dûment constatées par des collègues.

La condamnation pour coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité de travail justifie à elle-seule la résolution judiciaire du contrat aux torts de la société, et ce quelles que soient l’origine et les circonstances de la discussion entre parties. Il y a incontestablement manquement aux articles 16 et 20 de la loi du 3 juillet 1978.

Le tribunal poursuit, sur le plan de la réparation, qu’il ne peut, dans cette hypothèse de résolution judiciaire, être question de dommages et intérêts sur la base du droit commun. Cependant, l’indemnité compensatoire de préavis peut être considérée comme un bon moyen d’évaluation de ce dommage.

Pour ce qui est du licenciement manifestement déraisonnable, le tribunal rappelle à juste titre que les circonstances du licenciement n’entrent pas en ligne en compte. Il est uniquement vérifié si les motifs sont ou non en lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur, ou encore les nécessités relatives au fonctionnement de l’entreprise, critères déjà existants dans le cadre de l’examen du licenciement comme l’autorisait l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978. Le tribunal relève que le critère de l’employeur « normal et raisonnable » est par contre neuf, étant qu’il a « fait son apparition » par la CCT n° 109. L’employeur est libre de déterminer ce qui est raisonnable et a le choix entre différentes alternatives de gestion.

Lors du licenciement, des motifs ont cependant été donnés, étant des commentaires que la demanderesse avait faits auprès de résidents ou de tiers, essentiellement. Ces griefs avaient été contestés immédiatement par le conseil de l’intéressée, qui avait ainsi fait valoir que le licenciement était lié aux faits de violence. Aucune preuve des éléments ci-dessus n’étant apportée, le tribunal fait droit à la demande et accorde le maximum de l’indemnisation, et ce au motif qu’aucune preuve des griefs vantés n’est produite.

Enfin, il considère qu’est également fondée la demande formée sur pied de l’article 32decies, § 1er, de la loi du 4 août 1996, vu l’agression physique dont l’intéressée a été victime. Il relève que celle-ci n’a pas à prouver l’ampleur du dommage à réparer et que celui-ci n’a d’ailleurs pas été réclamé dans la procédure pénale. Vu la relation d’autorité entre les parties, il alloue l’indemnité forfaitaire de 6 mois.

La résolution judiciaire est dès lors prononcée et le dispositif du jugement reprend l’ensemble des condamnations à charge de la société (d’autres postes mineurs figurant également).

Intérêt de la décision

Les faits en l’espèce sont certes particuliers, puisqu’il y a violence avérée sur les lieux du travail et que la chose a été confirmée par une décision (définitive) du Tribunal de première instance siégeant en matière correctionnelle, qui a retenu les coups et blessures.

Dans sa décision, le tribunal arrive rapidement à la conclusion logique que ces faits justifient la résolution judiciaire du contrat aux torts de la société. Ils ne sont cependant pas de nature à appuyer la demande d’indemnisation pour licenciement manifestement déraisonnable, le tribunal rappelant à juste titre qu’est visé dans le cadre de la convention collective de travail uniquement le motif du licenciement.

L’on notera encore qu’aucun élément de preuve n’étant fourni quant à l’existence des griefs, cet élément a été considéré par le tribunal suffisant pour allouer le maximum de la fourchette de l’indemnisation.


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