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Temps partiel et non-respect des mesures légales de publicité

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 janvier 2018, R.G. 2016/AB/799

Mis en ligne le lundi 3 septembre 2018


Cour du travail de Bruxelles, 17 janvier 2018, R.G. 2016/AB/799

Terra Laboris

Par arrêt du 17 janvier 2018, la Cour du travail de Bruxelles reprend les éléments à charge de l’employeur, sur le plan de la preuve de l’impossibilité matérielle pour les travailleurs de travailler à temps plein, dans le cadre du renversement de la présomption légale découlant du non-respect des mesures de publicité des horaires.

Les faits

Une entreprise de nettoyage prestant pour des sociétés importantes du secteur de la distribution fait l’objet de contrôles des mesures de publicité des horaires pour ses travailleurs à temps partiel.

Dans son audition, le gérant apporte des explications sur les régimes de travail mais ne peut produire aucun document de dérogation aux horaires fixes appliqués dans l’entreprise depuis 2009.

Un rapport est établi à l’intention de l’O.N.S.S., constatant des infractions chez plusieurs clients, à savoir sur le lieu de travail des intéressés. Les faits ont donné lieu à la rédaction d’un Pro Justitia, ainsi que d’autres faits relatifs à l’absence de Dimona.

La liste des infractions est longue et, suite à la transmission de ce dossier, l’O.N.S.S. réclame des cotisations sociales calculées sur la base de prestations à temps plein, en application de l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969. Une procédure est introduite par l’Office, demandant paiement des cotisations.

La décision de la cour

En ce qui concerne le fond du litige, la cour rappelle le principe en la matière : l’article 157 de la loi du 22 décembre 1989 impose à l’employeur de conserver une copie des contrats de travail à temps partiel à l’endroit où le règlement de travail doit pouvoir être consulté. Depuis sa modification par la loi du 26 juin 1996, cette disposition impose des mesures particulières en cas d’horaires de travail variables ainsi que l’obligation d’afficher un avis dans les locaux de l’entreprise avant le commencement de la journée de travail à l’endroit visé par la loi, afin de permettre de déterminer individuellement l’horaire de travail de chaque travailleur. Existe également une obligation de conservation.

Depuis sa modification par la loi-programme du 27 décembre 2004, la présomption d’exercice d’un travail à temps plein peut être renversée dans les cas d’impossibilité matérielle d’effectuer de telles prestations de travail, les cas étant constatés par les services d’inspection.

La cour rappelle l’arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2008 (n° S.08.0014.N), selon lequel la présomption s’applique non seulement au moment où le défaut de publicité est constaté, mais aussi à toute la période de l’occupation irrégulière.

Reste à examiner les possibilités de renversement de la présomption légale, étant les cas dans lesquels il y a impossibilité matérielle de travailler à temps plein. La cour renvoie aux travaux préparatoires pour viser certaines hypothèses (étudiant employé durant le week-end et qui suit des cours en semaine et travailleur effectuant plusieurs temps partiels chez des employeurs différents). Dès lors, se pose la question de l’étendue de la preuve à rapporter par l’employeur et, sur ce point, c’est l’arrêt du 3 février 2003 qui est invoqué par la cour du travail (Cass., 3 février 2003, n° S.02.0081.N), étant que l’employeur ne doit pas prouver l’étendue des prestations réellement effectuées dans le cadre du contrat à temps partiel, mais bien que le travailleur n’a pas effectué des prestations à temps plein dans le cadre d’un contrat à temps plein.

En l’espèce, les arguments de la société ne convainquent pas la cour, l’employeur invoquant l’impossibilité d’afficher les horaires en un endroit facilement accessible et l’impossibilité matérielle pour les travailleurs de prester à temps plein (au motif que les clients n’accepteraient pas la présence de nettoyeurs pendant les heures d’ouverture au public).

Elle rappelle que, s’il entend renverser la présomption, l’objet de la preuve à charge de l’employeur est de permettre à l’Inspection sociale de vérifier si des travailleurs à temps partiel ne sont pas occupés clandestinement en dehors des horaires prévus (répression du travail clandestin). Du fait du non-respect du mécanisme légal de publicité, la surveillance est rendue plus difficile, d’où l’exigence d’une preuve qualifiée de « assez lourde », étant qu’il n’y a pas eu de travail en dehors des horaires prévus ou, à tout le moins, que les travailleurs à temps partiel n’ont pas presté à temps plein dans le cadre d’un contrat à temps plein.

En l’espèce, les éléments produits ne permettent pas d’atteindre cet objectif.

La cour renvoie encore à un arrêt qu’elle a rendu le 25 novembre 2009 (C. trav. Bruxelles, 25 novembre 2009, R.G. 51.113), où elle a jugé que les contrats de travail produits après le contrôle de même que les comptes individuels ne suffisent pas à renverser ladite présomption. Il en va de même des déclarations de l’employeur au secrétariat social et à l’O.N.S.S. ensuite, celles-ci pouvant être inexactes.

La présomption n’étant pas renversée, le jugement est confirmé.

Intérêt de la décision

Ce petit rappel des principes effectué par la cour du travail renvoie très utilement à plusieurs décisions de la Cour de cassation. L’on rappellera à cet égard l’importante précision donnée par celle-ci quant à la preuve à apporter par l’employeur qui se prévaudrait de l’impossibilité matérielle de travailler à temps plein : s’il ne doit pas prouver l’étendue exacte des prestations réellement effectuées dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel, il doit cependant établir que ses travailleurs n’ont pas effectué de prestations à temps plein dans le cadre d’un contrat à temps plein.

Les exemples donnés dans les travaux préparatoires sont connus et reflètent fidèlement les cas visés : il faut constater l’impossibilité matérielle en l’espèce d’être à plusieurs endroits en même temps.


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