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La réglementation chômage et l’absence de consultation préalable du Conseil d’Etat : encore un arrêté royal modificatif écarté, cette fois concernant l’exclusion pour chômage de longue durée (article 80)

Commentaire de C. trav. Liège, 26 avril 2007, R.G. 33.216/05

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Liège, 26 avril 2007, R.G. 33.216/05

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Par arrêt du 26 avril 2007, la Cour du travail de Liège déclare illégal l’arrêté royal du 22 novembre 1995, qui avait raccourci la durée maximale de chômage permettant l’application de l’exclusion pour chômage de longue durée. Encore une fois, c’est l’absence de motivation de l’urgence pour la dispense de l’avis de la section législation du Conseil d’Etat qui est en cause.

Les faits

Mme M., bénéficiaire d’allocations de chômage, est avertie, par lettre du 8 août 2003 de l’ONEm, de ce que, la durée de son chômage allant atteindre 48 mois, soit 1,5 fois la durée moyenne régionale de chômage pour sa catégorie d’âge et son sexe, son droit aux allocations allait être suspendu.

Elle introduit un recours auprès de la commission administrative nationale (CAN), faisant valoir des efforts exceptionnels et continus. Ce recours est rejeté.

Le 7 janvier 2004, l’ONEm lui notifie que son droit aux allocations sera suspendu à partir du 1er juin 2004, au motif de chômage de longue durée.

Elle introduit un recours à l’encontre de cette décision.

Le Tribunal déclare le recours fondé, retenant l’illégalité de l’arrêté royal du 22 novembre 1995, qui a réduit la durée maximale de chômage autorisant l’application de l’article 80 (suspension pour chômage de longue durée) de 2 à 1,5 fois la moyenne régionale.

L’ONem interjette appel de la décision, contestant la méconnaissance de la notion d’urgence retenue par le Tribunal.

La décision de la Cour

La Cour est amenée à statuer sur la légalité de l’arrêté royal du 22 novembre 1995 qui a modifié l’article 80 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, eu égard au fait que cet arrêté n’a pas été soumis à l’avis du Conseil d’état, au motif de l’urgence.

Pour la Cour, le rôle du juge consiste à vérifier, non l’opportunité de l’urgence, mais si celle-ci a été justifiée à suffisance dans le préambule, le contrôle judiciaire portant sur le respect, par le Roi, de la notion légale d’urgence (vérification de l’absence d’excès ou de détournement de pouvoir). Elle rappelle que les motifs invoqués doivent être réels et pertinents.

En l’espèce, la motivation de l’urgence contenue dans le préambule, invoquait la nécessité « de prendre le plus rapidement possible les mesures nécessaires permettant d’assurer, dans les délais prévus, les objectifs sociaux et budgétaires fixés par le Gouvernement, notamment dans le cadre du plan pluriannuel pour l’emploi…, ainsi que d’informer sans délai les administrations chargées de l’exécution de ces mesures afin qu’elles puissent adapter à temps les procédures administratives ainsi que les travailleurs et les chômeurs concernés afin qu’ils puissent faire valoir leurs nouveaux droits ».

Examinant cette motivation, la Cour estime que la seconde partie (information rapide à l’administration et aux assurés sociaux) concerne la nécessité d’une publication rapide du nouvel arrêté et revient à motiver l’urgence par l’urgence.

Quant à la première partie, la Cour relève que l’ONEm lui-même ne peut donner de précision temporelle sur les mesures budgétaires de l’époque mais admet que ce type de mesures connaît un cheminement préparatoire (élaboration) fort long, ce que la Cour retient comme un élément démentant l’urgence invoquée.

La Cour estime en conséquence que l’urgence n’est pas établie, entraînant l’illégalité de l’arrêté royal (omission d’une formalité substantielle) et l’écartement de son application aux faits.

C’est donc la durée maximale de deux fois la moyenne régionale qui s’applique (formulation antérieure de la disposition), laquelle ne permet pas de fonder la suspension litigieuse.

Intérêt de la décision

Outre l’analyse de la motivation, cet arrêt peut utilement être invoqué actuellement par les chômeurs encore visés par l’article 80 et qui feraient l’objet d’un avertissement sur la base d’une durée de chômage dépassant une fois et demi la moyenne régionale mais non deux fois. L’illégalité de l’arrêté royal du 22 novembre 1995 impose en effet un retour à la règle antérieure, étant la limite de 2 fois la durée moyenne régionale.


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