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Conditions d’exercice d’un mandat politique

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 février 2018, R.G. 2015/AB/883

Mis en ligne le jeudi 15 novembre 2018


Cour du travail de Bruxelles, 9 février 2018, R.G. 2015/AB/883

Terra Laboris

Par arrêt du 9 février 2018, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les termes de la loi du 19 juillet 1976 instituant un congé pour l’exercice d’un mandat politique : le travailleur peut bénéficier d’un congé d’un maximum de 2 jours par semaine et celui-ci peut être pris à raison de demi-journées.

Les faits

Une employée du secteur privé, engagée comme « Senior Consultant » à temps plein et à durée indéterminée, est élue en 2012 aux élections communales. Une dizaine de jours après l’élection, elle confirme qu’elle a besoin d’un congé politique pour assumer la charge d’échevin à partir du mois de décembre. Celui-ci est de 2 jours au maximum par semaine. L’intéressée prestant en clientèle, elle précise en avoir discuté avec le client, qui n’y verrait pas d’inconvénient.

Elle prête alors serment en qualité d’échevine, début décembre, et, quelques jours plus tard, la société lui transmet un projet d’avenant à son contrat de travail, lui demandant ses « derniers » commentaires. L’intéressée répond en précisant les moments de la semaine où elle s’absenterait.

Un avenant « final » est rédigé par la société. L’intéressée signale alors que celui-ci n’est pas nécessaire, le congé politique étant régi par la loi. L’employeur signale que le SPF lui a conseillé de procéder de la sorte. Les parties ne s’entendent, semble-t-il, pas sur les termes de cet avenant et l’intéressée refuse de le signer, refus pour lequel des explications lui sont demandées. Elle est alors licenciée moyennant un préavis de 3 mois, le tout intervenant en l’espace de 3 semaines. La rupture est fondée sur le refus de signer l’avenant sans aucune explication et celui d’exercer le congé politique à raison de 2 jours par semaine mais à concurrence de demi-journées. La société fait également valoir le manque d’égards envers l’employeur, vu l’absence de réponse circonstanciée.

L’employée fait alors successivement plusieurs courriers, informant chaque fois de son absence pour l’exercice de son congé politique. Le contrat se termine comme annoncé, après 3 mois, le C4 faisant état d’un « désaccord (refus signature avenant pour congé politique) ».

Une procédure est introduite en mars 2014, concernant une indemnité de protection ainsi que pour ce qui est du calcul de l’indemnité compensatoire de préavis.

La cour est saisie de l’appel de l’employeur, qui a été condamné à un solde d’indemnité de préavis ainsi qu’à l’indemnité de protection (en sus d’autres sommes à caractère habituel).

La décision de la cour

Sur l’indemnité de protection, la cour rappelle les dispositions pertinentes de la loi du 19 juin 1976, l’article 4bis, § 1er, prévoyant le droit pour le travailleur qui remplit notamment le mandat d’échevin de s’absenter du travail pendant un maximum de 2 jours par semaine. La procédure d’avertissement est contenue à l’article 5, dont la cour rappelle que la notification qu’elle prévoit a pour seul but de fixer le moment à partir duquel le candidat bénéficie de la protection légale. Le droit à celle-ci existe même si le travailleur n’a pas fait part à son employeur de sa candidature à un mandat public. La jurisprudence majoritaire est, selon la cour, établie en ce sens, renvoyant à plusieurs décisions (dont C. trav. Liège, 15 septembre 1987, Chron. Dr. Soc., 1989, p. 112).

Dès qu’il est informé, l’employeur ne peut accomplir un acte tendant à mettre fin unilatéralement à la relation de travail. Seuls peuvent être admis des motifs étrangers au fait que le travailleur est candidat. Cette protection se prolonge dans les 3 mois après l’élection et, en cas d’élection, pendant toute la durée du mandat et les 6 mois qui suivent.

La cour constate que l’intéressée a été licenciée pendant la période de protection légale et que la société doit dès lors apporter la preuve des motifs qu’elle a invoqués – ce qu’elle ne fait pas. Les motifs sont au contraire en lien étroit avec la cause de la protection en ce qui concerne les modalités du congé. Dès lors, que la loi prévoit un « maximum » de 2 jours, le travailleur ne doit pas prendre 2 jours par semaine (à supposer que ça ne soit pas nécessaire) et il peut le faire à raison de demi-jours. La discussion entre les parties est ainsi en lien avec l’exercice du congé politique.

La cour confirme dès lors le jugement en ce qu’il a retenu le lien entre le licenciement et le congé politique.

Pour ce qui est de l’indemnité complémentaire compensatoire de préavis, le licenciement est intervenu en mars 2013, soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 décembre 2013. Celle-ci ne vaut que pour l’avenir, de telle sorte que les effets de l’article 82, § 3, de la loi du 3 juillet 1978 ont été maintenus jusqu’à cette date.

Il faut en conséquence évaluer le préavis en fonction des critères en vigueur à l’époque. La cour prend donc en considération l’âge de l’intéressée, son ancienneté, sa rémunération et aboutit à un délai de 4 mois, délai qui était susceptible de lui permettre de retrouver un emploi équivalent.

Enfin, l’employée avait introduit une demande incidente, dans la mesure où les rémunérations mensuelles avaient été amputées du montant du loyer payé par la société à une société de leasing pour les journées pendant lesquelles elle exerçait son congé politique. Le premier juge n’avait que partiellement fait droit à la demande de l’intéressée et celle-ci conteste la chose.

Pour la cour, il faut faire une lecture a contrario de l’article 3 de la loi du 19 juillet 1976, étant que l’échevin, travailleur salarié, n’a pas droit au maintien de sa rémunération lors et à concurrence des jours de congé politique qu’il prend. S’il y a suspension partielle et à concurrence de ces journées, l’on doit procéder à une réduction proportionnelle de la rémunération et ceci touche les avantages en nature.

L’intéressée n’ayant pas protesté sur cette question au cours des discussions intervenues, la cour retient que la somme de 300 euros (sur la base de la rémunération de référence de l’indemnité compensatoire de préavis) doit servir pour ce poste également, et ce pour la réduction proportionnelle de l’avantage rémunératoire. La société peut donc procéder à la retenue, mais uniquement à concurrence du montant.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles reprend deux questions importantes, pour les hypothèses d’exercice d’un mandat politique. La première concerne les modalités de prise et d’exercice du congé lui-même : la loi prévoit un maximum de 2 jours et n’exclut pas la prise de demi-jours.

Dès lors que la protection existe, l’employeur doit établir un motif étranger. Pour l’appréciation de celui-ci, l’on peut renvoyer aux autres matières contenant une protection analogue, étant que le motif doit être sans rapport ou lien avec l’exercice du mandat politique ou, de manière générale, avec la cause de la protection.


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