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Titres-services : rappel des conditions d’exercice

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 mars 2018, R.G. 2016/AB/1.110

Mis en ligne le vendredi 21 décembre 2018


Cour du travail de Bruxelles, 28 mars 2018, R.G. 2016/AB/1.110

Terra Laboris

Par arrêt du 28 mars 2018, la Cour du travail de Bruxelles reprend les principales conditions d’exercice de l’activité de titres-services, dans le cadre de l’arrêté royal du 12 décembre 2001, dont la limitation des activités autorisées à l’aide à domicile de nature ménagère.

Les faits

Une enquête est initiée par l’ONEm auprès d’une société de titres-services. La société a, selon le résultat de celle-ci, commis six infractions, qui lui sont notifiées, le courrier précisant qu’elle peut être entendue dans ses moyens de défense. Il s’agit essentiellement du non-respect de la règle des 60% (étant que 60% des travailleurs nouvellement engagés doivent être des chômeurs complets indemnisés ou des bénéficiaires du revenu d’intégration), la non-correspondance entre les heures déclarées à l’O.N.S.S. et les titres-services transmis pour remboursement, l’absence d’enregistrement des activités, le remboursement de titres pour des activités non couvertes (dame de compagnie), l’absence de contrat pour certains travailleurs et le retard dans les déclarations Dimona.

La décision de l’ONEm, prise après audition de la gérante, poursuit la récupération de la quote-part utilisateur et de l’intervention fédérale de 3374 titres-services qui ont été remboursés, soit un montant de l’ordre de 73.000 euros.

La société introduit un recours devant le tribunal du travail, qui le rejette par jugement du 7 novembre 2016. Elle est, ainsi, appelante devant la cour du travail.

La décision de la cour

La cour rappelle le cadre légal, reprenant successivement les dispositions de la loi du 20 juillet 2001 visant à favoriser le développement de services et d’emplois de proximité, le mécanisme applicable (étant que les travailleurs doivent être liés à la société par un contrat de travail spécifique), les obligations particulières auxquelles sont soumises les entreprises de titres-services et le mécanisme de financement, étant le paiement par l’utilisateur d’un titre-service par heure prestée correspondant à la prestation, et l’intervention, ensuite, de la société émettrice aux fins de remboursement.

Est également prévu un mécanisme de contrôle, qui permet à l’ONEm de récupérer entièrement l’intervention et le montant d’acquisition des titres-services s’ils ont été indûment accordés. L’entreprise a un délai de 30 jours pour le remboursement.

La cour précise que ce mécanisme n’instaure pas une sanction, mais prévoit que les titres indus doivent être remboursés. Conformément aux règles en matière de récupération de l’indu, l’autorité qui poursuit le remboursement doit établir le paiement ainsi que le caractère indu de celui-ci (la cour du travail renvoyant à sa propre jurisprudence, étant C. trav. Bruxelles, 26 avril 2017, R.G. 2015/AB/1.187).

Enfin, sur le plan des principes, elle rappelle que le juge a un pouvoir de pleine juridiction, c’est-à-dire avec pouvoir de substitution. La compétence de l’ONEm n’est pas une compétence discrétionnaire. Si la preuve du paiement indu est rapportée, le juge ne dispose cependant d’aucun pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’ordonner ou non le remboursement.

La cour en vient ensuite à l’examen des infractions reprochées à la société.

En ce qui concerne plus particulièrement les activités non autorisées dans le cadre des titres-services, un élément essentiel de ce système est la limitation des activités aux activités d’aide à domicile de nature ménagère, telles que définies par la réglementation. Cette limitation est nécessaire, vu l’importance de la subvention accordée par les pouvoirs publics, et ce aux fins de ne pas fausser la concurrence pour les autres activités.

Il est constaté que, pour une personne, qui a été auditionnée, celle-ci effectuait des tâches de dame de compagnie et qu’elle prestait par ailleurs pour deux sociétés de titres-services. En l’espèce, la société visée semblait être dans l’ignorance du système organisé par l’intéressée et il semble qu’une rupture conventionnelle soit intervenue immédiatement qu’elle a été informée du fait.

La cour retient que l’autre société n’a pas été interrogée et que restent des zones d’ombre dans les faits qui lui sont présentés. Il en résulte que rien ne permet d’imputer à la société ni les irrégularités constatées par la décision de l’ONEm ni celles retenues par le tribunal. La demande de restitution est rejetée, l’indu n’étant pas démontré.

La cour accueille, en conséquence, l’appel, qui est partiellement fondé, le jugement étant confirmé pour le surplus.

Intérêt de la décision

La jurisprudence en la matière n’est pas abondante.

La décision est rendue dans le cadre de la loi du 20 juillet 2001 visant à favoriser le développement de services et d’emplois de proximité et de l’arrêté royal du 12 décembre 2001 concernant les titres-services.

L’activité visée par ce système concerne l’aide à domicile de nature ménagère, qui a une définition stricte, pouvant s’agir d’activités réalisées au lieu de résidence de l’utilisateur ou en dehors de celui-ci. La disposition contient une énumération, qui semble exhaustive. La justification est la volonté du législateur de ne pas fausser la concurrence en ce qui concerne d’autres activités. La tentation est cependant forte et l’on retiendra que, dans un arrêt du 24 mars 2015, la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, div. Liège, 24 mars 2015, R.G. 2014/AL/286 – précédemment commenté) avait également eu à connaître d’un recours contre une décision du type de celle à la base du présent recours.

En l’espèce, une société avait une autre activité, situation qui n’est pas interdite. La société doit cependant solliciter l’agrément pour les travaux ou services de proximité. Elle doit, dans cette hypothèse, créer en son sein une section sui generis, qui s’occupe spécifiquement de ceux-ci.

Dans l’affaire tranchée par la Cour du travail de Bruxelles, une règle de base est rappelée, étant que 60% des travailleurs nouvellement engagés par ces sociétés doivent être des chômeurs complets indemnisés ou des bénéficiaires du revenu d’intégration. Le non-respect de celle-ci peut donner lieu à un avertissement, ce qui a été constaté par la cour.

Les sanctions « lourdes » concernent les activités non autorisées dans le cadre des titres-services. La Cour du travail de Bruxelles a rappelé dans son arrêt que la limitation à certaines activités (étant les activités d’aide à domicile de nature ménagère ci-dessus) est strictement nécessaire compte tenu de l’importante de la subvention accordée par les pouvoirs publics.

L’on notera que, dans la présente espèce, où une autre activité était exercée par un membre du personnel, il semblait s’agir davantage d’une initiative de celui-ci que d’une modalité d’organisation du travail de l’employeur…

Rappelons encore qu’un arrêté royal du 25 octobre 2011 (entré en vigueur le 16 novembre 2011) a modifié les règles en matière de sanctions.


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