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Indemnité perçue dans le cadre du décret wallon du 15 juillet 2008 : rémunération au sens de la réglementation chômage ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 avril 2018, R.G. 2015/AB/1.142

Mis en ligne le vendredi 21 décembre 2018


Cour du travail de Bruxelles, 18 avril 2018, R.G. 2015/AB/1.142

Terra Laboris

Par arrêt du 18 avril 2018, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, dans le cadre de ce système de formation (le décret mettant sur pied des structures d’accompagnement à l’autocréation d’emplois), l’indemnité perçue à la sortie est une indemnité de formation professionnelle et non une rémunération au sens de la réglementation chômage. Elle ne peut dès lors intervenir pour le calcul de l’indemnité journalière.

Les faits

Une bénéficiaire d’allocations de chômage exerce une activité provisoire (photographe), pour laquelle elle a rempli toutes ses obligations vis-à-vis de l’ONEm, eu égard aux dispositions de l’article 130 de l’arrêté royal organique.

Elle conclut un contrat de formation professionnelle avec le FOREm et une ASBL en 2011 et celui-ci aura finalement une durée de 13 mois. Une convention d’accompagnement est signée avec l’ASBL en charge de sa formation professionnelle et elle obtient une dispense de pointage pour une partie de la période. Elle va bénéficier, pour la durée de la convention, d’un montant de 13.000 euros, que lui verse l’ASBL. Cette somme correspond au produit de l’activité économique mise en situation pendant cette formation et, pour l’ASBL, il s’agit de revenus d’indépendant.

L’intéressée est alors entendue par l’ONEm au motif du dépassement du montant de référence (article 130), et une décision est notifiée, réduisant le montant de l’allocation et récupérant la différence par rapport à ce qui a été perçu.

Une procédure est introduite devant le tribunal du travail, qui déboute l’assurée sociale.

Appel est dès lors interjeté.

La décision de la cour

Le siège de la matière figure dans le décret du Parlement wallon du 15 juillet 2008, relatif aux structures d’accompagnement à l’autocréation d’emplois.

La cour en reprend le texte, qui vise la formation professionnelle de stagiaires dans le cadre de structures d’accompagnement à l’autocréation d’emplois (SAACE). Cette structure a pour objet social principal l’accompagnement, le conseil, le suivi et, le cas échéant, la mise en situation de demandeurs d’emploi ayant pour objectif le développement d’une activité économique en vue de créer leur propre emploi.

La cour reprend le texte du décret, soulignant l’article 5, 10°, selon lequel l’agréation d’organismes en tant que SAACE suppose notamment de proposer et d’organiser une mise en situation réelle des porteurs des projets qu’elle accompagne. Ceux-ci doivent remplir une série de missions (démontrer sa capacité à organiser la mise en situation, tenir une comptabilité analytique par porteur de projet, etc.).

Pour la cour, la spécificité de ce programme est ainsi de proposer une formation professionnelle dans laquelle les demandeurs d’emploi vont effectivement réaliser la mise en situation économique réelle de leur projet d’activité économique (10e feuillet).

Elle en vient alors au statut du stagiaire, qui est de trois types possibles, étant (i) celui du stagiaire au sens de l’arrêté du Gouvernement wallon du 8 février 2002 relatif à l’octroi de certains avantages aux stagiaires qui reçoivent une formation professionnelle, (ii) celui de candidat entrepreneur conformément à l’article 80, 2°, de la loi du 1er mars 2007 portant des dispositions diverses (si la SAACE est organisée par une coopérative d’activités agréée par le fédéral) et (iii) celui de travailleur, pour autant que la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail soit respectée.

L’examen de la convention tripartite signée par l’intéressée, l’ASBL et le FOREm prévoit que le contrat de formation est un contrat spécifique et qu’il ne peut être assimilé à un contrat de travail. Son objet est de procurer une action de formation ou d’insertion intitulée « formation en création d’entreprise ». Une convention bipartite est également signée avec l’ASBL, précisant les obligations des deux parties. Celle-ci prévoit notamment que le chiffre d’affaires réalisé progressivement, diminué des charges directes ou indirectes liées à l’activité du candidat créateur, fera l’objet d’une gratification exceptionnelle (somme versée à la sortie) en cas de bénéfice à la sortie. Aucune somme, hormis les dépenses liées à l’investissement du projet, ne sera versée pendant la durée de la formation. C’est dans ce cadre qu’à l’issue de la période couverte, l’intéressée a perçu un montant correspondant à la recette dégagée par son projet.

Pour la cour, il faut qualifier ce montant. Il s’agit de savoir si c’est une indemnité de formation au sens de l’article 19, alinéa 1er, de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991, qui prévoit que les avantages accordés au chômeur dans le cadre d’une formation professionnelle ne sont pas considérés comme rémunération au sens de l’article 46, § 1er, de l’arrêté royal.

Pour la cour, les éléments de l’espèce permettent de conclure qu’il y a une formation professionnelle impliquant la réalisation concrète d’une activité économique supervisée par un comité de validation (composé d’experts et notamment d’un représentant du FOREm). Pour l’ONEm, il s’agirait de disqualifier ce contrat en activité économique « pure et simple », aux fins de l’application des articles 48 et 130 de l’arrêté royal organique.

Vu les éléments du dossier, et notamment la dispense accordée par l’ONEm sur la base de l’article 91 de l’arrêté royal, dispense prévue si le chômeur suit une formation professionnelle, la cour conclut qu’une mise en situation réelle telle que prévue par le décret, même si elle implique la réalisation d’un chiffre d’affaires, n’est pas une activité accessoire au sens de l’article 48 de l’arrêté royal, dans la mesure où elle a été exercée en conformité avec le décret. Il s’agit d’une formation professionnelle au sens de l’article 27, 6°, de l’arrêté royal.

La cour ajoute qu’elle ne pourrait par ailleurs être qualifiée de « tremplin indépendant » dès lors que cette mesure est intervenue après les faits examinés.

Elle relève encore que, dans le cadre d’une formation professionnelle, les avantages pouvant être obtenus sont repris de manière particulièrement large, ne s’agissant pas de ceux versés par le FOREm et n’étant par ailleurs pas plafonnés dans l’arrêté royal. La cour considère en conclusion que – indépendamment de son montant – l’indemnité versée est un avantage obtenu dans le cadre de cette formation. Elle réforme, en conséquence, le jugement.

Intérêt de la décision

Le décret du Parlement wallon du 15 juillet 2008 fait l’objet de peu de jurisprudence.

Le mérite de l’arrêt est d’avoir rappelé le mécanisme mis en place par celui-ci, étant la mise sur pied d’une structure d’accompagnement à l’autocréation d’emplois, permettant à terme, et après avoir mis les demandeurs d’emploi en situation, de développer une activité économique en vue de créer leur propre emploi.

Etant mis en situation réelle, et devant tester l’activité économique (organisée en tant que couveuse d’entreprises ou en tant que coopérative d’activités), la structure d’accueil peut conclure plusieurs types de convention avec les intéressés, qui seront stagiaires, soit candidats entrepreneurs, soit travailleurs au sens de la loi du 3 juillet 1978.

Les conditions strictes mises par le décret ayant été respectées tout au long du projet, la cour n’a pu que conclure, après son examen minutieux de la situation, à une formation professionnelle au sens de l’article 19 de l’arrêté ministériel.

Etant mis en situation réelle, le candidat créateur a, en l’espèce, réalisé un produit économique suite à l’activité exercée et, pour la cour, celui-ci, quel que soit son montant (aucun plafond n’existant dans la réglementation), ne peut être visé par la notion de rémunération, au sens de la réglementation chômage.


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