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L’apport de connaissances de gestion de base à une activité commerciale est-il compatible avec les allocations de chômage ?

Commentaire de C. trav. Mons, 16 mai 2018, R.G. 2017/AM/210

Mis en ligne le lundi 7 janvier 2019


Cour du travail de Mons, 16 mai 2018, R.G. 2017/AM/210

Terra Laboris

Par arrêt du 16 mai 2018, la Cour du travail de Mons rappelle la jurisprudence constante en la matière : en cas d’apport de connaissances de gestion de base à un tiers, il n’est pas possible de bénéficier des allocations de chômage dans la mesure où cet apport, réalisé aux fins de permettre à celui-ci d’exercer une activité commerciale, implique en lui-même l’exercice de l’activité en question.

Les faits

Lors de son inscription au chômage temporaire, un travailleur indique sur le document C1 à remplir qu’il n’exerce pas d’activité accessoire ni n’offre d’aide à un indépendant.

Deux ans et demi plus tard, un membre de sa famille ouvrant un restaurant, une convention est conclue, par laquelle l’intéressé accepte un mandat dans le cadre de cette activité, la convention précisant que l’aide est apportée à titre gratuit. Il s’affilie cependant à une caisse d’assurances sociales pour travailleurs indépendants en qualité d’« aidant préposé à la gestion à titre complémentaire ». La période concernée durera dix mois.

Il est convoqué, peu avant la cessation, par le bureau de chômage, aux fins de donner des explications dans la mesure où il est bénéficiaire d’allocations de chômage temporaire et où l’activité n’a jamais été déclarée en tant qu’activité accessoire.

Dans le cadre de son audition, il précise ne pas avoir exercé cette activité, s’agissant d’un « prête-nom » pour le membre de sa famille.

La décision de l’ONEm, consécutive à celle-ci, prononce l’exclusion des allocations pour la période concernée et contient une sanction de quatre semaines au motif qu’avant le début de l’activité incompatible avec le droit aux allocations, la case correspondante de la carte de contrôle n’a pas été noircie. Pour l’ONEm, dans sa motivation, l’activité est susceptible d’être intégrée dans le courant des échanges économiques, situation incompatible avec l’octroi des allocations. Il s’agit d’un travail au sens de l’article 45 de l’arrêté royal organique.

Une procédure est initiée par l’intéressé devant le Tribunal du travail du Hainaut (division de Mons).

La décision du tribunal

Le tribunal constate que l’apport de l’intéressé dans l’activité portait sur les connaissances de gestion de base. Le tribunal sursoit à statuer pour permettre au demandeur de préciser à quelle date il a cessé d’apporter ses connaissances et a cessé d’être chargé de la gestion générale. Il confirme la décision de l’ONEm pour la période écoulée (deux décisions ayant en réalité été prises, la seconde portant sur la période postérieure à celle de l’exclusion). Il réduit cependant la sanction à une semaine.

Le demandeur interjette appel.

Position des parties devant la cour

Pour l’appelant, le premier juge a à tort considéré qu’il avait apporté ses connaissances de gestion de base et qu’il exerçait effectivement la fonction correspondante. Il plaide qu’il s’était uniquement agi de rendre service et que le mandat était gratuit. Pour le surplus, il avait été dispensé du paiement de cotisations provisoires de début d’activité et contestait l’effectivité de toute aide quelconque apportée. Pour ce qui est de la décision d’exclusion prise par l’ONEm pour la période à venir, il confirme avoir mis un terme à toute activité à partir de la fin de la période de la première exclusion de l’ONEm.

Quant à l’ONEm, il sollicite confirmation du jugement, sauf en ce que celui-ci a ramené la sanction de quatre semaines à une semaine. Il demande également le maintien de l’exclusion pour la période à venir.

La décision de la cour

Pour la cour, il faut vérifier si les articles 44 et suivants de l’arrêté royal organique ont été respectés.

Elle reprend les dispositions en cause et rappelle que la notion de travail reprise à l’article 45 vise deux sortes d’activités. Si elle est exercée pour compte propre, l’activité incompatible avec les allocations de chômage est celle qui est susceptible d’être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services et qui n’est pas limitée à la gestion des biens propres. Cependant, si elle est exercée pour compte d’un tiers, il faut vérifier si elle procure à la personne au chômage une rémunération ou un avantage matériel de nature à contribuer à sa subsistance ou à celle de sa famille.

Les règles sont assouplies par l’article 48, qui contient les conditions d’exercice de l’activité accessoire. Parmi celles-ci, l’obligation de déclaration est primordiale, puisqu’elle permet d’assurer l’effectivité du contrôle.

La cour rappelle également que les conditions sont cumulatives et que, s’il n’est pas satisfait à l’une d’entre elles, le chômeur est susceptible de perdre le droit aux allocations.

Appliquant ces principes à l’espèce tranchée, elle souligne en premier lieu l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants pendant la période de dix mois, et ce en qualité d’aidant. L’intéressé s’est ainsi vu confier la gestion générale de l’activité, le membre de sa famille exploitant celle-ci (restaurant) le faisant en personne physique.

Le caractère gratuit de l’aide n’est pas contesté. Il y a cependant activité exercée et, pour la cour, il s’agit d’une activité pour compte propre. Sur le fait que celle-ci a consisté essentiellement en l’apport de connaissances de gestion de base, la cour rappelle les exigences posées par la loi du 10 février 1998 à cet égard (loi-programme pour la promotion de l’entreprise indépendante), étant que les connaissances de gestion de base doivent être prouvées et que celles-ci doivent l’être par le chef d’entreprise, par son conjoint ou par la personne physique qui exerce effectivement la gestion journalière. La cour souligne ce dernier point. Il en découle que l’intéressé doit être considéré comme ayant assuré cette gestion de manière effective. Il était d’ailleurs légalement tenu d’exercer celle-ci du fait de l’apport des connaissances de base. Il y a dès lors activité effective, qui n’était pas limitée à la gestion des biens propres.

La première décision de l’ONEm est confirmée et le remboursement également.

Pour ce qui est de la demande incidente de l’ONEm, la cour confirme cependant la réduction de la sanction à une semaine, et ce eu égard à l’absence d’antécédents et à la circonstance que l’intéressé avait une activité salariée, le bénéfice des allocations de chômage l’étant à titre temporaire.

Enfin, pour ce qui est de la seconde décision, portant sur la période à venir, elle est annulée dans la mesure où l’intéressé avait mis un terme à l’activité en cause.

Intérêt de la décision

Il est régulièrement constaté que, pour « rendre service » (ainsi que plaidé en la présente espèce) ou pour d’autres motifs, un bénéficiaire d’allocations de chômage permet à un tiers d’exercer une activité exigeant une inscription au registre du commerce et de l’artisanat afin de remplir les conditions légales, eu égard aux exigences en matière de connaissances de gestion de base. La loi du 10 février 1998 permet, comme l’a rappelé la cour, que celles-ci soient établies soit par le chef d’entreprise indépendant, soit par son conjoint, ou encore par un tiers, qui sera alors la personne qui exerce effectivement la gestion journalière.

La jurisprudence en la matière est constante, ce dernier arrêt en apportant encore la confirmation : du fait des conditions posées par la loi du 10 février 1998, il y a automatiquement exercice d’une activité incompatible avec le bénéfice des allocations de chômage. La circonstance, en l’espèce, que la comptabilité de l’entreprise était effectuée par un tiers est indifférente.


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