Terralaboris asbl

Allocations, primes, indemnités et cotisations de sécurité sociale : le point sur les exclusions prévues à l’article 30 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 25 avril 2018, R.G. 2017/AB/118

Mis en ligne le mardi 12 février 2019


Cour du travail de Bruxelles, 25 avril 2018, R.G. 2017/AB/118

Terra Laboris

Dans un arrêt rendu le 25 avril 2018, la Cour du travail de Bruxelles reprend les conditions mises par l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pour que puissent être exonérées de cotisations de sécurité sociale les allocations de foyer ou de résidence ou allocations et indemnités de toute nature dont bénéficient certains travailleurs, étant ceux pour lesquels l’application de la loi est limitée au régime d’assurance obligatoire AMI.

Les faits

Après enquête au sujet du respect de la réglementation, l’O.N.S.S. adresse au SIAMU un rapport de contrôle, considérant qu’il y a lieu de soumettre aux cotisations de sécurité sociale les allocations forfaitaires de garde payées au personnel.

Une procédure est introduite par l’Office (à l’époque O.R.P.S.S.) devant le Tribunal du travail de Bruxelles. La demande est rejetée, par jugement du 21 décembre 2016.

Le litige est dès lors porté devant la cour, sur la question de savoir si cette allocation forfaitaire de garde est de la rémunération au sens de l’article 30, § 1er, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969.

Position des parties devant la cour

L’O.N.S.S., appelant, demande à la cour de retenir le caractère rémunératoire de celle-ci et de condamner le SIAMU au paiement des cotisations de sécurité sociale.

Ce dernier demande la confirmation du jugement qui lui a donné gain de cause, modulant, toutefois, sa position eu égard à l’introduction de nouvelles modalités d’octroi pendant la période considérée. Il conclut également à la prescription d’une partie de la demande.

La décision de la cour

La cour retient, en premier lieu, qu’une modification est intervenue dans le texte de l’article 30 de l’arrêté royal.

Le texte initial (en vigueur jusqu’au 31 décembre 1990) disposait que, pour les travailleurs pour lesquels l’application de la loi est limitée au régime d’assurance obligatoire AMI, il n’est tenu compte, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ni de l’allocation de foyer ou de résidence ni des allocations et indemnités de toute nature dont bénéficient les intéressés. Depuis le 1er janvier 1991, il est prévu, pour les mêmes catégories de travailleurs, au contraire, qu’il est « également tenu compte pour le calcul des cotisations, des allocations, primes et indemnités de toute nature dont les intéressés bénéficient ». Des exceptions sont prévues, couvrant notamment les allocations, primes et indemnités autres (que celles visées précédemment), dont les modalités d’octroi ont été fixées au plus tard le 1er août 1990 et qui, à la date d’entrée en vigueur de la modification réglementaire, n’étaient pas soumises aux cotisations sociales.

En l’espèce, le SIAMU versait des primes de garde pour des prestations du week-end et de nuit, et ce en vertu d’un texte antérieur à la date de référence, le 1er août 1990, et celles-ci échappaient aux cotisations de sécurité sociale. Cependant, le 1er janvier 2007, certains changements sont intervenus, en ce qui concerne ces primes. Pour le SIAMU, ces changements n’affectent pas la règle de l’article 30, § 2, 4° (exception vue ci-dessus), celui-ci soulignant que le texte n’interdit pas que la réglementation évolue pour autant qu’il n’en résulte pas un avantage supplémentaire pour les travailleurs. L’objectif de l’arrêté royal est, pour lui, la neutralité budgétaire et les dispositions adoptées devant être interprétées restrictivement.

Pour l’O.N.S.S., cependant, les primes versées ne sont plus des primes correspondant à la définition ci-dessus, de telle sorte que l’exonération ne peut plus valoir.

La décision de la cour

La cour examine l’évolution du statut administratif et pécuniaire du personnel opérationnel du SIAMU. Elle constate que les dispositions en vigueur étaient effectivement appliquées avant la date butoir du 1er août 1990. Le statut a cependant été modifié avec effet au 1er janvier 2007 et les règles d’octroi ont été remplacées. Les allocations pour prestations du week-end et de nuit ont été remplacées par des allocations de garde, spécifiquement visées à la section 3 du statut. La cour constate que des changements importants sont intervenus non seulement sur l’intitulé mais également sur le montant des allocations et leurs conditions d’octroi. Ces changements ont été décidés après le 1er août 1990, de telle sorte que l’on ne peut plus considérer que les modalités d’octroi étaient fixées avant cette date. Pour la cour, l’exonération ne se justifie plus.

La cour répond encore à des arguments complémentaires invoqués par le SIAMU, à propos de la neutralité budgétaire, constatant qu’il n’est pas établi que celle-ci a été garantie de manière systématique.

Elle en vient, après avoir conclu à l’obligation de payer les cotisations, au maintien de l’exonération pour une partie des primes (différence entre l’allocation payée sur les bases nouvelles et anciennes), considérant que celle-ci n’est pas fondée. Quant à la prescription, la cour la retient, pour une partie de la demande (premier trimestre 2007), dans la mesure où le rapport de contrôle envoyé en 2009 n’a pas eu d’effet interruptif, n’étant notamment pas envoyé par recommandé.

Enfin, sur la suspension du cours des intérêts, elle revient à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 18 mars 2013, n° S.12.0069.F), où celle-ci a considéré que la juridiction du travail ne peut dispenser le débiteur de cotisations des intérêts échus avant l’introduction de la procédure de recouvrement, dans la mesure où le créancier peut agir en recouvrement de sa créance aussi longtemps que celle-ci n’est pas atteinte par la prescription.

Le fait pour l’Office d’avoir interrompu celle-ci à diverses reprises n’est pas en soi abusif. Par ailleurs, en application de la jurisprudence rendue à propos de l’article 6, C.E.D.H., la cour reprend la règle selon laquelle cette disposition ne vaut qu’à partir du moment où la procédure judiciaire a été engagée. En l’espèce, elle s’est poursuivie sans retard depuis cette date. Le délai raisonnable n’a ainsi pas été dépassé et il n’y a pas lieu d’accorder une suspension du cours des intérêts.

Intérêt de la décision

La modification introduite par l’arrêté royal du 19 novembre 1990 est entrée en vigueur le 1er janvier 1991 a inversé la règle précédente, étant qu’elle pose le principe de la prise en compte des allocations, primes et indemnités de toute nature perçues, sauf exclusion de certains postes. Il s’agit des indemnités accordées pour les charges réelles qui doivent être supportées, qui ne peuvent être considérées comme normales ou qui sont indissociables de la fonction, de l’allocation de foyer ou de résidence, de certains sommes et certains avantages visés dans l’arrêté royal lui-même et des allocations, primes et indemnités autres que celles reprises à la même disposition, mais à deux conditions, étant que les modalités d’octroi devaient être fixées au plus tard le 1er août 1990 par des dispositions légales, réglementaires ou statutaires et que, d’autre part, lors de l’entrée en vigueur de la modification du texte, elle n’étaient pas elles-mêmes soumises aux cotisations sociales (et aux majorations).

L’on notera encore que, depuis un arrêté royal du 19 décembre 2014, est également visée par l’exclusion la prime d’opérationnalité et de prestations irrégulières visée au statut pécuniaire du personnel opérationnel des zones de secours.

Les exceptions sont dès lors restrictives et la liste limitative.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be