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Prime de compensation AViQ : la position de la Cour de cassation

Commentaire de Cass., 26 novembre 2018, n° S.18.0051.F

Mis en ligne le mardi 26 mars 2019


Cour de cassation, 26 novembre 2018, n° S.18.0051.F

Terra Laboris

Par arrêt du 26 novembre 2018, la Cour de cassation rejette un pourvoi introduit contre l’arrêt de la Cour du travail de Liège (division Namur) du 20 mars 2018, qui avait admis que la prime de compensation prévue par le Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé restait due en cas de prise en charge du coût salarial de la personne handicapée par un tiers (en l’occurrence la Communauté française).

Les faits

L’affaire concerne une institutrice maternelle qui souffre d’une maladie rhumatismale grave entraînant d’importantes difficultés de mobilité. L’établissement où elle est occupée a demandé une prime de compensation AViQ (prime destinée à couvrir le coût salarial des mesures prises pour lui permettre d’assumer ses fonctions).

Un litige a surgi avec l’Agence, qui considérait que la prime ne doit pas être versée, au motif que le coût salarial de la personne handicapée est pris en charge par la Communauté française dans le cadre de subventions-traitements. Il s’agit, pour elle, d’une intervention dans le coût salarial de la personne handicapée et non dans celui de la personne qui l’aide ou la remplace.

La décision de la Cour du travail de Liège (division Namur) du 20 mars 2018

La cour du travail a rappelé le fondement de cette intervention : il s’agit de compenser le coût supplémentaire éventuel de mesures qu’une entreprise doit prendre pour permettre au travailleur handicapé d’assumer ses fonctions si ce coût supplémentaire est lié au handicap. Elle a considéré qu’il ne s’agissait pas de diminuer le coût salarial de l’occupation d’un travailleur handicapé, mais bien de prendre en charge au moins partiellement l’ajustement des conditions de travail de celui-ci, et ceci peut inclure l’embauche de personnel supplémentaire.

Pour la Cour, il n’est pas exigé que le coût salarial soit pris en charge par l’employeur et, en conséquence, la prime est également due si la rémunération du travailleur handicapé fait l’objet d’une subvention-traitement.

L’AViQ s’est pourvue en cassation contre cette décision.

Le pourvoi

Le pourvoi considère qu’il y a violation du Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé (codifié par l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2013) en ses articles 1069, 1112 et suivants, ainsi que spécialement 1116 et 1123.

L’AViQ considère que la subvention de la Communauté française – tout comme d’autres interventions, de quelque nature que ce soit, visant à la prise en charge du coût salarial du travailleur – fait obstacle à l’octroi de la prime de compensation, en tout ou en partie. Dans l’hypothèse où cette intervention couvre tout le coût salarial, le montant de la prime est égal à zéro, puisque, dans ce cas, le salaire du travailleur handicapé n’est pas pris en charge par l’employeur, qu’il s’agisse d’ailleurs d’un employeur privé ou d’un employeur public. L’Agence fait valoir que la prime de compensation correspond à une fraction du coût salarial (dans la définition donnée à l’article 1069 du Code wallon) et que ce coût salarial ne peut être entendu comme l’ensemble des dépenses qui incombent à l’employeur pour l’emploi d’un salarié, y compris le coût supplémentaire éventuel des mesures que l’entreprise prend pour permettre au travailleur handicapé d’assumer ses fonctions. Elle considère également qu’en vertu de l’article 1123, alinéas 1er et 2, du Code, la prime de compensation ne peut être cumulée avec des interventions publiques, celle-ci étant calculée sur le coût salarial restant à charge de l’employeur après déduction des interventions.

La décision de la Cour

La Cour reprend les articles dont la violation est alléguée. Il s’agit des articles 1112, alinéa 1er, 1116, alinéa 1er, 1123 et 1069, 7°, du Code.

Elle conclut, après ce rappel, que, lorsque sa rémunération est, via le mécanisme de la subvention-traitement, payée au travailleur handicapé par une autorité qui n’est pas son employeur, ce paiement ne constitue pas une intervention publique diminuant le coût salarial sur lequel doit être calculée la prime de compensation revenant à l’employeur qui prend des mesures pour permettre à ce travailleur d’assumer ses fonctions.

Le pourvoi est dès lors rejeté.

Intérêt de la décision

La cour du travail avait essentiellement retenu, dans son arrêt du 20 mars 2018 (précédemment commenté), que le mécanisme d’intervention n’exigeait pas la prise en compte par l’employeur du coût salarial. Elle avait ainsi implicitement considéré que l’article 1123 du même Code ne faisait pas obstacle à l’octroi de la prime en cas de subvention-traitement. Cet article dispose que la prime n’est cumulable ni avec la prime à l’intégration visée à la section 5 du même chapitre du Code ni avec l’intervention dans la rémunération et les charges sociales accordées aux employeurs en exécution de la C.C.T. n° 26 concernant le niveau de rémunération des personnes handicapées occupées dans un emploi normal (alinéa 1er) et que l’employeur qui bénéficie d’autres interventions publiques que celles qui sont visées ci-dessus peut se voir octroyer la prime, mais celle-ci doit être calculée sur le coût salarial restant après déduction de celle-ci (alinéa 2). Il impose également que le coût salarial soit justifié par une copie de la déclaration à l’O.N.S.S. (alinéa 4).

La Cour de cassation confirme, dans son arrêt du 26 novembre 2018, que l’hypothèse de la prise en charge du coût salarial dans le cadre de subventions-traitements n’est pas visée à l’article 1123 du Code, dans la mesure où ce paiement ne constitue pas une intervention publique au sens de cette disposition. Il n’y a dès lors pas lieu de diminuer le coût salarial sur lequel la prime doit être calculée et bénéficier à l’employeur qui prend des mesures pour permettre au travailleur handicapé d’assumer ses fonctions.

Rappelons encore que, pour la cour du travail, tous les employeurs sont, par ce système, placés dans une situation comparable et même parfaitement identique du point de vue des dépenses à consentir pour l’adaptation du poste d’un travailleur handicapé et que la position de l’Agence induirait des différences de traitement non autorisées entre travailleurs handicapés, selon que leur rémunération est subventionnée ou non.


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