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Cumul de sommes versées dans le cadre d’un contrat de formation-insertion avec des allocations de chômage

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Huy), 18 janvier 2019, R.G. 16/1.065/A

Mis en ligne le jeudi 12 septembre 2019


Tribunal du travail de Liège (division Huy), 18 janvier 2019, R.G. 16/1.065/A

Terra Laboris

Par jugement du 18 janvier 2019, le Tribunal du travail de Liège (division Huy) examine les montants pouvant être cumulés avec des allocations de chômage, dans l’hypothèse de la faillite d’une société survenue alors qu’un contrat de formation-insertion est en cours et que le travailleur a d’une part pu bénéficier des allocations de chômage et d’autre part reçu une indemnisation suite au dépôt de sa déclaration de créance.

Les faits

M. D., né en 1971, a conclu un contrat de formation-insertion en entreprise le 18 mai 2015 entre une société sise en Région wallonne et le FOREm. Ce contrat couvrait la période du 21 mai au 11 novembre 2015.

Suite à la fermeture de l’entreprise qui l’employait (faillite), l’intéressé devait bénéficier d’une indemnité payée par le Fonds de Fermeture des Entreprises, pour la période du 11 novembre 2015 (date de la rupture) au 13 avril 2016.

Il a, après la faillite, bénéficié des allocations de chômage.

Le 17 août 2016, l’ONEm a pris une décision d’exclusion pour cette période, en application des articles 44, 46 et 47 de l’arrêté royal organique. Il a également décidé de récupérer les allocations perçues.

Un recours est introduit contre la décision de l’ONEm, qui a pour effet de priver M. D. du paiement des fonds versés par le Fonds de Fermeture. Il estime que ces indemnités ont un caractère moral et ne compensent pas une perte de rémunération.

La décision du tribunal

Le tribunal examine, à partir des articles 46, 47 et 169 de l’arrêté organique, les éléments de l’espèce. Il s’agit de vérifier si l’indemnité annoncée peut avoir un caractère rémunératoire au sens de l’article 46 et de contrôler le respect du mécanisme repris à l’article 47, qui vise l’octroi d’allocations provisoires. L’article 169 vise quant à lui la récupération de l’indu, cette disposition prévoyant des cas particuliers (limitation du montant de la récupération en cas de bonne foi et hypothèse de la suspension irrégulière du contrat de travail). Parmi ces dernières, figurent les situations de faillite ou de fermeture d’entreprise, qui entraînent l’intervention du Fonds de Fermeture.

S’agissant d’un contrat de formation-insertion, le tribunal reprend les dispositions pertinentes du décret du 18 juillet 1997 (décret relatif à l’insertion de demandeurs d’emploi auprès d’employeurs qui organisent une formation permettant d’occuper un poste vacant). Est prévu, dans le cadre de ce texte, le paiement au stagiaire (qui reste inscrit comme demandeur d’emploi et continue le cas échéant à bénéficier d’allocations de chômage ou d’insertion, ou encore du R.I.S.) de diverses primes et indemnités (prime d’encouragement et indemnité pour frais de missions à charge de l’employeur, ainsi qu’indemnité pour frais de déplacement et indemnité de compensation, à charge du FOREm).

Dans le cadre de ce type d’engagement, l’employeur a une série d’obligations, reprises à l’article 8, dont celle d’occuper le stagiaire consécutivement au contrat de formation-insertion dans les liens d’un contrat de travail pour une durée au moins égale à celle du contrat (cet engagement devant intervenir dans la profession apprise et dans le respect des conventions collectives applicables). Il doit également augmenter son effectif du personnel par cet engagement.

En l’espèce, l’entreprise est tombée en faillite pendant l’exécution du contrat de formation-insertion et le tribunal constate que, le travailleur ayant introduit une demande d’indemnisation relative à la prime d’encouragement du mois d’octobre 2015, à des dommages et intérêts couvrant les primes d’encouragement jusqu’à la fin du contrat et à des dommages et intérêts également pour violation de la clause de garantie d’emploi, il a perçu deux montants nets, l’un au titre de « salaires + indemnités » et l’autre au titre d’« indemnité de transition et préavis ».

Pour le tribunal, il faut assimiler la rupture du contrat formation-insertion en entreprise à la rupture d’un contrat de travail. Il est dès lors logique que le Fonds ait remboursé à l’ONEm le poste « dommages et intérêts pour violation de la clause de garantie d’emploi », s’agissant d’un dommage matériel et non d’un dommage moral. Le préjudice subi est l’absence de poursuite du contrat P.F.I., qui aurait de toute façon donné lieu à un paiement d’allocations de chômage augmenté des primes d’encouragement. La possibilité de conserver les allocations en plus des dommages et intérêts couvrant ces mêmes montants n’est, pour le tribunal, « certainement pas l’intention du législateur ».

Par ailleurs, peu importe que les allocations de chômage perçues pour la période du 12 novembre 2015 au 13 avril 2016 soient qualifiées d’allocations provisoires ou d’allocations classiques, elles ne sont pas dues pendant la période couverte par une indemnité ou des dommages et intérêts (à l’exception de l’indemnité pour dommage moral de la rupture du contrat de travail, et ce en vertu de l’article 7, § 12, de l’arrêté royal du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs).

Cette même disposition prévoit que, si le travailleur n’a pas perçu l’indemnité ou les dommages et intérêts auxquels il a droit (non perception en tout ou en partie), il peut, à titre provisoire, bénéficier des allocations s’il s’engage à remplir des conditions, énumérées dans le texte (réclamation à l’employeur, remboursement, informations de l’ONEm et cession à celui-ci à concurrence des allocations accordées à titre provisoire). En cas de faillite ou de liquidation de l’entreprise, la même disposition prévoit que les mandataires, les curateurs et les liquidateurs ont, relativement à la cession de créance visée, les mêmes obligations que l’employeur.

En conséquence, c’est à bon droit que l’indemnité pour ce poste revient à l’ONEm. Celui-ci a, pour la période litigieuse, payé des allocations de chômage de l’ordre de 5.660 euros. En application de l’article 169, alinéa 5, vu la bonne foi de l’intéressé, le montant de la récupération peut être limité au montant brut des revenus non cumulables avec les allocations de chômage. Dans la mesure où les montants fixés au titre de réparation du préjudice matériel pendant la période en cause sont fixés à 3.125 euros, il ne doit rembourser que ce montant et non ce qui excède celui-ci.

Enfin, pour ce qui est des primes d’encouragement, celles-ci sont cumulables avec les allocations de chômage, s’agissant d’indemnités comprises par le tribunal comme couvrant un dommage moral, étant un encouragement moral à échapper au chômage.

En conclusion, le tribunal confirme l’exclusion du bénéfice des allocations de chômage, mais uniquement pour le montant couvert par les dommages et intérêts qui avaient été réellement payés dans le cadre de la fermeture d’entreprise.

Intérêt de la décision

La question posée au tribunal du travail, dans cette espèce, est celle du cumul entre des allocations de chômage et des montants perçus à l’issue d’un contrat ayant pris fin pour cause de faillite. La spécificité de l’espèce est qu’il s’agissait d’un contrat de formation-insertion en entreprise, organisé par le décret wallon du 18 juillet 1997, qui prévoit que le travailleur a la qualité de stagiaire, restant inscrit comme demandeur d’emploi et continuant à bénéficier le cas échéant d’allocations de chômage, d’insertion ou du R.I.S. Diverses indemnités ou primes sont prévues par le décret, à charge, pour certaines, de la société qui l’a engagé et, pour d’autres, du FOREm.

Le Fonds de Fermeture ayant versé à la fois une prime d’encouragement telle que prévue par le décret ainsi que des dommages et intérêts pour violation de la clause de garantie d’emploi, se pose la question du cumul de ces montants perçus avec des allocations de chômage.

Le tribunal règle la question en distinguant d’une part les montants pouvant être considérés comme réparant un préjudice moral et, d’autre part, ceux qui sont venus au titre de réparation d’un préjudice matériel. Il faut en effet rappeler que les sommes versées aux stagiaires dans le cadre de ce contrat de formation-insertion constituent des primes ou indemnités non soumises aux cotisations de sécurité sociale.

Pour ce qui est des primes d’encouragement, il s’agit, pour le tribunal, d’un « encouragement moral à échapper au chômage ». Le montant alloué à ce titre est arrêté à la rupture, étant le dernier jour de prestation. Par contre, les dommages et intérêts versés au titre de « violation de la clause de garantie d’emploi » ne peuvent être cumulés avec les allocations de chômage, s’agissant, pour le tribunal, d’un préjudice matériel.


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