Terralaboris asbl

Reprise d’une activité partielle en cours de congé post-natal : maintien du droit aux indemnités ?

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Mons), 6 mars 2019, R.G. 15/1.906/A et 15/2.701/A

Mis en ligne le jeudi 31 octobre 2019


Tribunal du travail du Hainaut (division Mons), 6 mars 2019, R.G. 15/1.906/A et 15/2.701/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 6 mars 2019, le Tribunal du travail du Hainaut (division Mons) rappelle que l’objectif du repos prénatal et post-natal, régi par la loi coordonnée le 14 juillet 1994, est la protection de la maternité et qu’aucune disposition ne prévoit qu’en cas de reprise limitée d’une activité, il est mis fin à la période de repos post-natal.

Les faits

Pendant son repos de maternité, du 20 décembre 2014 au 27 mars 2015, Madame A. a bénéficié d’indemnités dans le secteur assurance maternité. L’organisme assureur signale en avril 2015 avoir été informé d’une reprise du travail en février, soit avant la fin du congé. Madame A. a en effet presté en tant qu’enseignante pendant sept journées, à raison de trois heures par jour, auprès d’une haute école. Son activité principale a cependant été arrêtée pendant la période du repos de maternité.

L’organisme assureur prend dès lors une décision de récupération d’un montant de l’ordre de 2.500 euros.

Un recours est formé devant le tribunal du travail, la demanderesse sollicitant une limitation de la récupération aux journées pendant lesquelles elle a effectivement presté.

Une seconde procédure a été introduite par la mutuelle, qui demande la condamnation de l’intéressée à lui rembourser le montant de l’indu, qu’elle a fixé à la somme ci-dessus.

La procédure

Le tribunal a rendu un premier jugement le 2 mai 2018, joignant les affaires et ordonnant une réouverture des débats.

Il demande à la mutuelle de préciser, vu l’article 117, alinéa 1er, de la loi du 14 juillet 1994, quelle(s) disposition(s) de celle-ci dérogerai(en)t dans son titre V à l’article 101 figurant dans le titre IV de la loi, qui justifierai(en)t l’inapplicabilité de cet article à l’assurance maternité.

Il demande également que la mutuelle s’explique sur la motivation de la décision de récupération, eu égard d’une part à l’article 115, alinéa 1er, de la loi (selon lequel les périodes de repos visées à l’article 114 ne peuvent être retenues qu’à la condition que la titulaire ait cessé toute activité ou interrompu le chômage contrôlé) et, d’autre part, à son courrier du 16 novembre 2015 adressé à l’auditorat du travail, dans lequel elle considérait que les articles 100 et 101 de la loi coordonnée ne concernent pas le repos de maternité.

Enfin, le tribunal demande que la mutuelle s’explique sur l’existence d’une possible discrimination, au cas où l’article 101 ne s’appliquerait pas aux travailleuses en repos de maternité.

Le jugement du 6 mars 2019

Le tribunal rappelle les dispositions de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 régissant l’assurance maternité. Il s’agit des articles 111 et suivants.

La travailleuse bénéficie, en vertu de l’article 113, pour chaque jour ouvrable des périodes de protection de la maternité d’une prestation dite « indemnité de maternité ». Cette indemnité concerne, en vertu de l’article 114, le repos prénatal et le repos post-natal. La définition de ceux-ci est donnée, ainsi que leur durée. Il est également prévu, dans la disposition légale, que la titulaire doit remettre à son organisme assureur un certificat médical concernant la date normale de l’accouchement, qui doit intervenir à la fin de la période du repos prénatal. Si l’accouchement intervient après cette date, le congé prénatal est prolongé à due concurrence. Le congé post-natal peut également être prolongé, et ce à concurrence de la période pendant laquelle la titulaire a continué le travail (ou le chômage contrôlé), de la sixième à la deuxième semaine incluse précédant l’accouchement (ou de la huitième à la deuxième en cas de naissances multiples).

Ces périodes ne peuvent être retenues qu’à la condition que la titulaire ait cessé toute activité, l’article 115 prévoyant cependant que cette condition ne s’applique pas pendant la période au cours de laquelle il a été fait usage de la faculté visée à l’article 114 (non-prise de la totalité du congé prénatal avant l’accouchement), ainsi que pendant la période de prolongation du repos post-natal, et ce à concurrence des périodes pendant lesquelles la travailleuse a exercé un travail durant une période de protection de la maternité (visée à l’article 114bis) ou repris un travail adapté durant une incapacité de travail (avec renvoi à l’article 100, § 2), et ce de la sixième semaine (ou de la huitième semaine en cas de naissances multiples) à la deuxième semaine y incluse précédant l’accouchement.

La question se pose dès lors de la reprise eu égard à ces dispositions. Le tribunal rappelle que, pour l’organisme assureur, en reprenant son activité professionnelle, l’intéressée a clôturé son congé de maternité, alors que celle-ci estime que le remboursement ne doit concerner que les journées où elle a presté.

Le tribunal reprend la ratio legis, étant qu’en prévoyant un congé prénatal et un congé post-natal, la loi a pour objectif la protection de la maternité. Aucune disposition ne prévoit qu’en cas de reprise limitée d’une activité, il doit être mis fin au congé post-natal. L’exclusion du bénéfice des indemnités ne peut dès lors être décidée que pour les journées où l’intéressée a exercé une activité professionnelle.

Le tribunal renvoie à un arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 22 juillet 2010, R.G. 8.842/09), celle-ci ayant rappelé que l’objectif essentiel des dispositions du chapitre IV de la loi est de garantir l’état de santé de la mère et, à défaut de sanction dans le texte qui tendrait à supprimer le droit aux indemnités pendant la période de protection – et ce en dépit du but spécifique poursuivi –, cette suppression ne se justifie que pour les seuls jours d’activité. Il s’agissait en l’espèce d’une juge sociale ayant été amenée à siéger à des audiences pendant son congé post-natal. Vu l’attestation du tribunal du travail confirmant les dates de celles-ci, la récupération a été limitée, dans cet arrêt de la Cour du travail de Liège, à quatre indemnités journalières.

Le tribunal fait sienne cette jurisprudence.

Il considère également que, s’il fallait considérer que l’exercice, même partiel, d’une activité au cours du repos post-natal met fin à cette période de repos, il faudrait appliquer l’article 101 de la loi coordonnée, qui prévoit en son § 2 que, dans une hypothèse de reprise non autorisée, le titulaire est tenu de rembourser les indemnités d’incapacité qu’il a perçues pour les jours ou pour la période durant lesquels il a accompli le travail non autorisé.

Le tribunal rappelle qu’il n’est pas dérogé, en ce qui concerne la protection de la maternité, aux titres I, II, IV, VI à IX et XII de la loi. L’article 101 fait partie du titre IV et doit s’appliquer dès lors qu’aucune disposition n’y déroge dans le titre V.

Enfin, il ordonne la réouverture des débats aux fins que soit produit un décompte des indemnités.

Intérêt de la décision

L’analyse de cette question de droit ne nous semble pas fréquente.

La question posée est de savoir si, par la reprise d’une activité partielle (qui en l’espèce n’est pas l’activité habituelle), la bénéficiaire du repos post-natal mettrait ainsi un terme à celui-ci, ce qui n’ouvrirait dès lors plus le droit aux indemnités correspondantes.

Le tribunal a rappelé la finalité de la protection de la maternité, qui est de garantir la santé de la mère. Il a constaté qu’aucune disposition ne permet de considérer que l’exercice d’une activité pendant le repos post-natal entraînerait la suppression des indemnités, renvoyant pour ce à un arrêt de la Cour du travail de Liège, qui lui-même a rappelé les propos du Ministre des Affaires sociales dans son intervention du 8 janvier 2002, en ce qui concerne l’objectif essentiel des dispositions du chapitre IV de la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

Pour la cour du travail, vu l’absence de sanction, il y a lieu de faire application de la règle d’interdiction de cumul et le tribunal fait également le détour par l’article 101 de la loi coordonnée relative à la reprise d’une activité non autorisée, qui aboutit au même résultat.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be