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Soins de santé prodigués à l’étranger : hauteur des remboursements

Commentaire de Cass., 20 mai 2019, n° S.17.0031.F

Mis en ligne le vendredi 13 décembre 2019


Cour de cassation, 20 mai 2019, n° S.17.0031.F

Terra Laboris

Dans un arrêt du 20 mai 2019, la Cour de cassation reprend les termes des articles 136, § 1er, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 et 294, §§ 1er, 13°, et 2 de l’arrêté royal d’exécution de la loi, qui règlent la hauteur des remboursements pouvant être exigés de la sécurité sociale belge en cas de soins prodigués à l’étranger.

Objet du recours

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Liège du 16 janvier 2007 (non disponible sur Juridat).

Il s’agit de vérifier les termes de l’article 136, § 1er, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994, en ce que cette disposition a chargé le Roi de déterminer les conditions dans lesquelles les prestations qu’elle prévoit peuvent être accordées lorsque les prestations de santé ont été fournies en-dehors du territoire belge. En exécution de cette disposition, l’arrêté royal du 3 juillet 1996 (portant exécution de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994) prévoit que les prestations de santé fournies en-dehors du territoire national sont accordées au bénéficiaire qui reçoit des prestations de santé programmées dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat appartenant à l’Espace économique européen.

L’objet du pourvoi est de déterminer le montant du remboursement des soins de santé exposés dans ce cadre.

La décision de la Cour

La Cour rappelle les dispositions applicables et spécifiquement l’article 294, § 1er, 13°, de l’arrêté royal d’exécution de la loi du 14 juillet 1994, qui pose le principe que les prestations de santé fournies en-dehors du territoire national sont accordées au bénéficiaire qui reçoit des prestations de santé programmées dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat appartenant à l’Espace économique européen. Ce remboursement est cependant soumis à des conditions fixées à la même disposition, en son § 2, 1°, qui exige (i) qu’elles aient été données soit par une personne autorisée légalement à exercer l’art de guérir dans le pays où elles sont données, soit dans un établissement hospitalier présentant les garanties médicales suffisantes ou qui est agréé par les autorités du pays où il est situé et (ii) que le bénéficiaire ait déjà payé ces frais au moment de la demande de remboursement.

Par ailleurs, la même disposition, en son alinéa 4, dispose que le remboursement des prestations de santé ne peut jamais dépasser le montant des frais réellement engagés. Il sera effectué par les institutions belges de sécurité sociale jusqu’à hauteur des coûts qu’elles auraient pris en charge si des soins de santé avaient été dispensés sur le territoire belge.

Par ailleurs, la Directive n° 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé frontaliers a été transposée à la fois par l’article 136, § 1er, de la loi coordonnée et par l’article 294 de son arrêté d’exécution en ses §§ 1er, 13°, et 2, 1° et 4°. Il s’agit d’assurer, par ces dispositions, le droit au remboursement (ou au paiement direct par l’Etat membre d’affiliation) des soins de santé transfrontaliers jusqu’à hauteur des coûts que l’Etat aurait pris en charge si ces soins de santé avaient été dispensés sur son territoire, sans que le remboursement excède les coûts réels des soins de santé reçus.

Pour la Cour de cassation, il ressort de ces dispositions, ainsi que des travaux préparatoires, que celles-ci n’ont pas mis en œuvre la faculté, laissée à l’Etat membre par l’article 7, § 4, alinéa 2, de la Directive, de rembourser davantage que le montant qui aurait été pris en charge si les soins avaient été dispensés sur son territoire.

Il en résulte qu’il ne peut être considéré que l’article 294 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 a mis cette faculté en œuvre et que, par conséquent, la mutualité peut être condamnée à rembourser à l’assuré social la totalité (sous la seule réserve de l’intervention personnelle du patient) du coût des soins de santé transfrontaliers litigieux, même si ce coût excède « les tarifs de la nomenclature belge ».

L’arrêt qui avait jugé autrement est, dès lors, cassé.

Intérêt de la décision

La question de la prise en charge de soins à l’étranger a fait l’objet de plusieurs décisions importantes, dont un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 9 octobre 2014 (C.J.U.E., 9 octobre 2014, n° C-268/13, PETRU c/ CASA JUDEŢEANĂ DE ASIGURĂRI DE SĂNĂTATE SIBIU et CASA NAŢIONALĂ DE ASIGURĂRI DE SĂNĂTATE – précédemment commenté).

Outre la question générale récurrente dans ce contentieux relative au refus d’autorisation préalable, est intervenue à diverses reprises la question de la force majeure en cas de soins programmés à l’étranger.

Relevons à cet égard un arrêt de la Cour du travail de Liège (division Liège) du 8 décembre 2015 (R.G. 2014/AL/645 – précédemment commenté), qui a admis la possibilité de non-respect de la procédure préalable, en cas de force majeure.

La question cruciale gravite autour de cette notion d’autorisation préalable permettant de se faire soigner à l’étranger et la cour y a rappelé l’application de la théorie générale de la force majeure dans cette matière – comme dans les autres matières de la sécurité sociale.

L’arrêt commenté, rendu par la Cour de cassation, porte sur le point spécifique de la hauteur du remboursement par les institutions de sécurité sociale belge. Celles-ci ne seront tenues qu’en concurrence des montants qu’elles eussent dû rembourser, pour les soins en cause. Le montant présenté, correspondant aux soins prodigués à l’étranger, n’est pas le montant du remboursement.


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