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Une institutrice maternelle est-elle exposée à un risque accru de contracter une maladie infectieuse ?

Commentaire de C. trav. Mons, 22 mai 2007, R.G. 19.797

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Mons, 22 mai 2007, R.G. n° 19.797

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Les faits

Une institutrice maternelle a obtenu son écartement pendant sa grossesse ainsi que la période d’allaitement en raison du risque de contamination par cytomégalovirus. Elle introduit une demande auprès du Fonds des maladies professionnelles afin d’obtenir l’indemnisation pour écartement du milieu nocif de travail (affection figurant sur la liste).

Le Fonds rejette la demande, au motif que l’intéressée entre dans le champ d’application de la loi du 3 juillet 1967. Il transmet la demande de l’intéressée à la Communauté française.

L’organisme assureur de l’intéressée introduit également une demande en ce sens auprès de la Communauté française. Celle-ci prend, 6 mois plus tard, la décision de renvoyer l’intéressée vers son organisme assureur, qui doit la prendre en charge pendant la durée de l’écartement.

L’institutrice introduit un recours devant le tribunal du travail de Charleroi.

La position du tribunal

Le premier juge considère la demande fondée, sur la base de l’article 19 de l’arrêté royal du 5 janvier 1971, qui dispose que le membre du personnel menacé par une maladie professionnelle qui, faute de pouvoir être affecté à d’autres tâches, accepte de s’abstenir temporairement de toute activité pouvant encore l’exposer aux risques de cette maladie et de cesser temporairement les fonctions qu’il exerce, conserve la rémunération qui lui est due en vertu de son contrat de travail ou de son statut.

Il condamne en conséquence la Communauté française à payer la rémunération relative à la période d’écartement.

La position des parties en appel

La Communauté française fait valoir que le cytomégalovirus n’est pas repris dans la liste des maladies professionnelles établie par l’arrêté royal du 28 mars 1969. Pour considérer celui-ci comme maladie professionnelle, la demanderesse originaire a dès lors la charge de la preuve que cette maladie trouve sa cause déterminante et directe dans l’exercice de sa profession, c’est qu’elle resterait en défaut de faire.

Elle relève que le risque de contracter le cytomégalovirus, qui est une maladie transmissible par les voies respiratoires, comme une simple grippe ou par la salive, n’est nullement majoré pour raison professionnelle chez les enseignants, même en milieu maternel.

Enfin, elle fait valoir que la demande n’a pas été correctement introduite auprès du service compétent selon les exigences de l’arrêté royal du 5 janvier 1971.

Quant à l’intimée, elle conclut, naturellement, à la confirmation du jugement.

La position de la Cour

Sur l’introduction de la demande, la Cour confirme que c’est à bon droit que le premier juge a considéré que celle-ci devait être reçue et traitée par la Communauté française, mais que l’arrêté royal du 5 janvier 1971 ne prévoit pas de sanction de déchéance dans l’hypothèse où celle-ci n’a pas été adressée au service désigné par l’autorité.

Sur le fond, la Cour rappelle que l’article 2 de la loi du 3 juillet 1967 définit les maladies professionnelles comme étant celles qui sont reconnues comme telles en exécution de la législation relative à la réparation des dommages causés par les maladies professionnelles. Sont donc concernées celles reprises sur la liste (arrêté royal du 28 mars 1969), celles faisant l’objet d’une convention internationale obligatoire mais également, conformément à l’article 30bis des lois coordonnées, celles qui, tout en ne figurant pas sur la liste, trouvent leur cause déterminante et directe dans l’exercice de la profession.

L’intéressée ayant, initialement, visé le code 1.404.03 (autres maladies infectieuses du personnel s’occupant de prévention, soins, assistance à domicile ou travaux de laboratoire et autres activités professionnelles dans des institutions de soins où un risque accru d’infections existe), cette demande ne peut aboutir, une école maternelle ne pouvant être considérée comme institution de soins.

Par contre, dans le cadre des conditions de l’article 30bis, la Cour rappelle que le lien de causalité exigé entre l’exercice de la profession et la maladie ne requiert pas que cet exercice soit la cause exclusive de celle-ci. Elle rappelle l’important arrêt de la Cour de cassation du 2 février 1998 sur la question (Pas., 1998, 58).

Analysant les risques liés au cytomégalovirus, ainsi que la manière dont il est contracté, la Cour constate qu’il s’agit d’un virus qui se transmet par toutes les sécrétions corporelles et en particulier par les urines et la salive des jeunes enfants. Une institutrice maternelle étant amenée à être en contact avec celles-ci (changement des couches, …), il y a risque accru de contracter ce virus, et ce par rapport à l’ensemble de la population. Cette majoration du risque implique l’application de l’article 30bis. La Cour relève encore que le F.M.P. estime qu’il existe une présomption de risque professionnel accru de maladie infectieuse dans les services d’encadrement d’enfants de moins de 6 ans, et ce notamment pour les institutrices de l’enseignement maternel. La Cour renvoie aux critères d’intervention du F.M.P. en matière d’écartement préventif des travailleuses enceintes d’un milieu nocif de travail.

Intérêt de la décision

Après le rappel du mécanisme légal, et notamment des exigences du lien de causalité, la Cour, constatant l’augmentation du risque de contracter le cytomégalovirus dans le contexte professionnel qui est décrit, considère que les conditions de l’article 30bis sont réunies, étant en l’espèce que constitue la cause déterminante et directe l’exposition à un risque accru par rapport à l’ensemble de la population.


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