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Restitution de sommes perçues suite à une décision judiciaire cassée par la Cour de cassation : étendue du montant

Commentaire de Cass., 16 septembre 2019, n° S.17.0079.F et S.18.0042.F

Mis en ligne le mardi 25 février 2020


Cass., 16 septembre 2019, n° S.17.0079.F et S.18.0042.F

Terra Laboris

Restitution de sommes perçues suite à une décision judiciaire cassée par la Cour de cassation : étendue du montant

Par arrêt du 16 septembre 2019, la Cour de cassation rappelle que le précompte professionnel a un caractère rémunératoire, contrairement aux cotisations de sécurité sociale (quote-part personnelle) versées par l’employeur à l’O.N.S.S. Le premier doit être restitué, mais non les secondes.

Brefs rétroactes

La Cour de cassation tranche un pourvoi introduit contre un arrêt (inédit) rendu par la Cour du travail de Liège le 5 juin 2015, qui statuait comme juridiction de renvoi suite à un premier arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2011 (également inédit). Le litige tel que tranché par la Cour suprême dans son arrêt du 16 septembre 2019 porte sur l’étendue des montants à rembourser par un travailleur ayant obtenu gain de cause devant le juge du fond mais ayant vu cette décision cassée par la Cour de cassation.

Celui-ci, qui avait postulé le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis, se l’était vu allouée par la cour du travail. Il avait poursuivi l’exécution de l’arrêt, exposant notamment des frais de justice. Il avait perçu une indemnité importante, la condamnation étant assortie de 6.000 euros de dépens (soit le total pour les deux instances). Il avait exposé des frais d’expédition et de signification ainsi qu’un droit de perception.

L’employeur a formé un second pourvoi contre l’arrêt de la cour de renvoi, qui avait limité les montants à rembourser au net correspondant.

Le pourvoi

Deux pourvois ont été introduits et le désistement a été décrété par rapport au premier. Seule reste examinée la cause figurant sous le n° S.18.0042.F.

Le pourvoi est mû en trois moyens. Le premier vise les retenues de précompte professionnel et les cotisations de sécurité sociale. Le deuxième porte sur les frais de justice et le troisième est sans intérêt pour le présent commentaire (fin de non-recevoir).

La décision de la Cour

Sur la première branche du premier moyen, qui concerne le précompte professionnel, la Cour rappelle que les précomptes constituent une partie des rémunérations dues au travailleur, retenue et versée à l’administration fiscale par l’employeur au titre d’avance à valoir sur l’impôt des personnes physiques à établir ultérieurement à charge du travailleur et dont le surplus doit être restitué à ce dernier. C’est l’application du C.I.R. 1992 (articles 270, 1°, 272, alinéa 1er, 1°, 273, 1°, 296 et 304, alinéa 1er, 2°).

Dès lors, lorsqu’un travailleur est tenu, en application des articles 1235, 1376 et 1377 du Code civil, de restituer des rémunérations qui ne lui étaient pas dues, les restitutions s’étendent non seulement aux rémunérations nettes, mais également aux montants des précomptes professionnels. La Cour accueille dès lors le pourvoi en ce que l’arrêt de fond avait limité aux montants nets de précompte professionnel les rémunérations indues à restituer.

Par contre, pour ce qui est des cotisations de sécurité sociale – objet de la seconde branche du premier moyen –, il découle des articles 7 et 9, 23, § 1er, 26, alinéa 1er, et 42, alinéas 1er et 2, de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs que l’action en répétition des cotisations de sécurité sociale payées indûment n’appartient qu’à l’employeur et qu’elle ne peut être dirigée que contre l’O.N.S.S. Le travailleur ne dispose d’aucun droit sur les cotisations payées par l’employeur à cet Office. Dès lors qu’il doit, en application des dispositions ci-dessus, restituer des rémunérations qui ne lui étaient pas dues, ces restitutions ne s’étendent pas au montant des cotisations de sécurité sociale.

La cour du travail ayant à cet égard considéré que le travailleur n’était tenu qu’au remboursement des montants perçus qui lui avaient été payés directement et que les cotisations de sécurité sociale personnelles devaient être récupérées par l’employeur et non par lui (soit un montant de l’ordre de 8.000 euros dû pour l’indemnité compensatoire de préavis), elle avait en conséquence limité aux montants nets de cotisations les rémunérations indues à restituer. Pour la Cour suprême, l’arrêt ne viole aucune des dispositions ci-dessus.

Ensuite, sur le deuxième moyen (en ses première et deuxième branches), relatif aux frais de justice, dont les indemnités de procédure (6.000 euros), la Cour suprême se borne à constater que la cour du travail – qui a refusé de compter les indemnités de procédure liquidées par l’arrêt cassé dans les sommes à restituer – a ainsi donné sa décision que, statuant comme juridiction de renvoi en suite du premier arrêt de la Cour de cassation, elle n’avait pas le pouvoir d’ordonner la restitution de ces indemnités de procédure.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est particulièrement important pour ce qui est des cotisations de sécurité sociale et du précompte professionnel versés en exécution d’une décision judiciaire, qui sera ultérieurement cassée.

En l’occurrence, le travailleur a poursuivi l’exécution de la décision de la cour du travail et a même exposé des frais de justice (frais d’exécution, de signification et droit de perception). Le travailleur a été condamné à rembourser l’indemnité de préavis majorée de ces frais.

L’intérêt de cette décision de la Cour de cassation est de confirmer le caractère rémunératoire du précompte professionnel prélevé à la source par l’employeur, qui entraîne l’obligation pour le travailleur de restituer le montant de ce précompte, s’agissant d’une avance à valoir sur l’impôt final (I.P.P.) et étant d’ailleurs susceptible, lors de l’établissement de celui-ci, de faire l’objet d’une restitution. Le principe est dès lors que la restitution s’étend non seulement à la rémunération nette, mais également au montant du précompte.

Par contre, les cotisations de sécurité sociale (quote-part travailleur) ne sont pas à rembourser, la Cour rappelant que le travailleur ne dispose d’aucun droit sur les cotisations payées par l’employeur à l’O.N.S.S. et que, si un remboursement doit intervenir, celui-ci doit l’être par l’O.N.S.S., et ce à l’initiative de l’employeur.


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