Terralaboris asbl

Etendue des obligations dans le chef du Fonds des Maladies Professionnelles en cas de demande de réparation introduite – peut être à tort – dans le cadre de la liste

Commentaire de C. trav. Brux. 25 juin 2007, R.G. 48.899

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 25 juin 2007, R.G. n° 48.899

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 25 juin 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les contours des obligations du Fonds des Maladies Professionnelles, saisi d’une demande d’indemnisation pour une maladie d’origine professionnelle, à savoir qu’à défaut de correspondre aux critères de la liste, la demande doit, si les éléments médicaux le fondent, faire l’objet également d’une instruction administrative dans le cadre du système ouvert.

Les faits

En 2002, un ouvrier introduisit auprès du Fonds des Maladies Professionnelles une demande tendant à la réparation d’un asthme professionnel dû aux poussières de tabac. Cette demande fut rejetée, de même qu’une seconde, introduite 6 mois plus tard, pour lombalgie chronique, discopathie.

Un recours fut introduit contre les deux décisions.

Le tribunal joignit les causes et désigna deux experts, un pneumologue et un rhumatologue.

La position des parties devant la Cour

Le Fonds des Maladies Professionnelles demanda la réformation limitée du jugement, admettant qu’il y avait lieu à expertise pour l’asthme, mais demandant que la Cour dise non fondée la demande de reconnaissance pour lombalgie et discopathie.

Le Fonds exposait avoir été amené à rejeter la demande, au motif que l’intéressé n’aurait pas été exposé au risque de la maladie professionnelle pendant tout ou partie de la période au cours de laquelle il appartenait à une des catégories de personnes visées par la loi. Il faisait valoir les conclusions de son enquête technique, étant que, lorsqu’il avait presté comme ouvrier d’entretien, l’ouvrier n’avait pas assuré la conduite de véhicules et, dès lors, n’avait pas été soumis à des vibrations mécaniques transmises au corps par le siège. Il soulignait qu’il faut opérer une distinction entre l’exposition à un agent quelconque (vibrations, port de charges, substances chimiques, …) et l’exposition au risque de contracter une maladie provoquée par cet agent, qui doit atteindre un certain seuil défini par une durée, une intensité et une fréquence. Il relevait encore qu’aucune présomption légale d’exposition n’existe pour le syndrome radiculaire, de telle sorte que l’on ne pouvait tenir compte de celle-ci dans la mission d’expertise.

Le travailleur forma, pour sa part, appel incident à propos de la mission d’expertise confiée au rhumatologue, concernant les lombalgies, demande tendant à ce que, au cas où l’expert ne retiendrait pas l’existence d’une maladie professionnelle figurant sur la liste, il soit chargé d’examiner les lombalgies dans le cadre du système ouvert.

Sur cet appel incident, le Fonds en contesta la recevabilité, ainsi que le fondement, faisant valoir un arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, section Namur, 12 mars 2005, R.G. n° 7397/03), qui avait considéré que le respect du préalable administratif s’impose non seulement pour la demande introductive de l’instance judiciaire mais aussi pour les demandes incidentes. Selon cette jurisprudence, le juge est tenu de déclarer irrecevable une demande judiciaire non précédée de l’instance administrative.

La position de la Cour

Sur le préalable administratif, la Cour rappelle qu’il n’est rien d’autre que l’obligation qui incombe à la victime (ou à l’ayant droit) d’introduire la demande auprès du FMP et d’attendre la notification de la décision administrative avant toute action devant le tribunal. Elle évoque la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a admis la recevabilité d’une demande nouvelle formée ou étendue conformément à l’article 807 du Code judiciaire en raison d’un fait révélé en cours d’instance. Pour la Cour suprême, l’article 52 des lois coordonnées du 3 juin 1970, qui organise le préalable administratif (ainsi que – à l’époque – l’arrêté royal du 15 juin 1971 (auquel il faut actuellement ajouter celui du 26 septembre 1996)) se borne à désigner l’autorité administrative chargée de statuer sur les demandes d’indemnisation introduites par la victime d’une maladie professionnelle (ou ses ayants droit ou mandataires) sans imposer que toute demande nouvelle formée devant la juridiction du travail saisie d’une contestation sur le droit à l’indemnisation soit soumise à une procédure administrative préalable (Cass. 8 déc. 1980, J.T.T., 1981, p. 164 et Cass. 15 juin 1981, Pas., 1981, I, 1175).

En l’espèce, examinant le dossier médical, la Cour relève que l’intéressé a, par l’introduction des documents médicaux, demandé au Fonds de statuer sur son droit à l’indemnisation pour l’affection dorsolombaire dont il était atteint et qui était due, selon lui, à son activité professionnelle.

Dans la mesure où le médecin consulté par le demandeur avait complété le volet médical et le volet administratif du formulaire en indiquant que, à son estime, il s’agissait d’une maladie figurant sur la liste, ceci avait amené le FMP à instruire le dossier uniquement comme s’il s’agissait d’une maladie visée à l’article 30 des lois coordonnées, en l’occurrence une maladie ostéo-articulaire provoquée par des vibrations mécaniques. Si la demande avait par contre visé une maladie non reprise sur la liste, elle aurait été examinée par la « Commission système ouvert » instituée auprès du FMP.

Face à cette situation, la Cour va considérer que le FMP aurait dû ne pas limiter l’examen à l’instruction du dossier dans le cadre de l’article 30, dans la mesure où les éléments figurant au dossier permettaient au Fonds de considérer que la demande faisait allusion à des problèmes dorsolombaires dus au soulèvement régulier de charges. La Cour rappelle que le Fonds a une obligation d’assurer une instruction complète de la demande et que, en conséquence, il aurait pu examiner celle-ci tant dans le cadre de l’article 30 que de l’article 30bis.

Elle relève un arrêt de la Cour du travail de Liège du 18 mars 1996 (R.G. 95/23.566) qui a pointé l’obligation pour le Fonds, en application de l’article 9 alinéa 2 de l’arrêté royal du 15 juin 1971 déterminant la manière dont sont introduites et examinées les demandes d’indemnisation et de revision des indemnités acquises, de prendre toutes mesures d’instruction dans le cadre de la demande et, notamment, de solliciter de la victime, de son mandataire, de même que des employeurs, les renseignements et documents complémentaires nécessaires à l’instruction du dossier. Ainsi, lorsque le Fonds est amené à constater que la victime n’aurait pas rempli le bon formulaire, il lui appartient de réagir en invitant celle-ci à corriger la chose.

La Cour rappelle encore que dans le cadre de la demande en réparation du dommage résultant d’une maladie professionnelle, le Fonds – et après lui le juge – ne peuvent se retrancher derrière un formalisme excessif. Les éléments du dossier concluent à établir, pour la Cour, que l’action judiciaire concerne la même demande d’indemnisation introduite auprès du Fonds, pour la même maladie dont souffre effectivement le demandeur, mais actuellement examinée dans la perspective de l’article 30bis des lois coordonnées, ce que le FMP aurait dû faire d’initiative.

Une dernière question sera à examiner brièvement par la Cour, étant l’incidence d’une modification de la législation intervenue en cours d’instance, cet élément nouveau permettant à l’intéressé d’étendre sa demande, en se basant sur l’arrêté royal du 27 décembre 2004, qui a supprimé le code 1.605.12 relatif aux affections de la colonne lombaire associées à des lésions dégénératives précoces provoquées par des vibrations transmises au corps par le siège et a ajouté à la liste un n° 1.605.03 beaucoup plus complet, permettant la réparation d’un syndrome mono ou poly radiculaire objectivé de type sciatique, du syndrome dit de la queue de cheval ou encore du canal lombaire étroit, dans certaines hypothèses. Cet élément nouveau justifie également l’extension de la demande intervenue en cours d’instance.

Intérêt de la décision

La décision, fort complète, précise de manière claire les obligations spécifiques du Fonds des Maladies Professionnelles, saisi d’une demande de réparation, peut-être inadéquatement libellée.

Pour la Cour, il n’y a pas lieu pour celui-ci de se limiter à un examen dans le cadre de la liste Maladies Professionnelles existante mais également, si le dossier médical contient des éléments en ce sens, dans le cadre du système ouvert. A défaut, le travailleur pourra porter cette demande devant le juge, même en l’absence d’instruction administrative.


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