Terralaboris asbl

Assimilation des journées de chômage économique pour le calcul du pécule de vacances

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Mons), 5 juin 2019, R.G. 14/2.408/A

Mis en ligne le mercredi 25 mars 2020


Trib. trav. Hainaut (div. Mons), 5 juin 2019, R.G. 14/2.408/A

Terra Laboris

Assimilation des journées de chômage économique pour le calcul du pécule de vacances

Dans un jugement du 5 juin 2019, le Tribunal du travail du Hainaut (division Mons) reprend les hypothèses d’exclusion possibles de l’assimilation des journées de chômage économique à des journées de travail effectif et rappelle à cet égard que la Caisse de vacances peut décider pour chaque travailleur de l’assimilation en cause, et ce sous le contrôle ultérieur du tribunal du travail, qui, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, vérifie le bien-fondé de la décision prise.


Objet du litige

Le tribunal du travail a été saisi d’une demande d’un ouvrier postulant l’annulation d’une décision de la Caisse des congés du bâtiment, qui a refusé l’assimilation de journées de chômage économique. Le demandeur sollicite la condamnation de celle-ci à lui verser le solde du pécule de vacances dû pour l’année en cause, tenant compte des journées de chômage temporaire pour lesquelles il y a eu refus d’assimilation.

Les jugements du tribunal

Le tribunal a rendu deux jugements.

Dans une première décision du 7 février 2018, après avoir admis la recevabilité de l’action, il a condamné la Caisse à la production de pièces, et ce afin de déterminer le nombre de jours de chômage économique ainsi que des jours de travail. Il a également sollicité le dépôt de tout document permettant d’apprécier si le chômage a un caractère structurel ou non, ou encore s’il est la conséquence d’une organisation déficiente ou d’une mauvaise gestion de l’entreprise. Il a demandé aux parties de s’expliquer sur les documents en cause.

Dans son jugement du 5 juin 2019, le tribunal vide sa saisine et rejette le recours. Il fait d’abord un rappel en droit, le siège du litige résidant dans l’article 3 des lois coordonnées le 28 juin 1971 relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés. Cet article fixe la durée des vacances. La loi confie par ailleurs au Roi le soin de déterminer les jours d’inactivité à assimiler à des jours de travail effectif. A cet égard, l’article 16, 14°, de l’arrêté royal du 30 mars 1967 – arrêté d’exécution de la loi – prévoit que sont assimilés pour le calcul du montant du pécule de vacances les jours de chômage temporaire par suite de manque de travail résultant de causes économiques.

Des exceptions sont cependant prévues, l’assimilation pouvant être refusée dans diverses hypothèses. Il s’agit (i) du non-respect des obligations en matière de notification ou de reprise du travail, (ii) de la situation où la suspension masque en réalité un travail à temps partiel, une période de préavis ou encore un chômage partiel pour d’autres raisons, (iii) si cette situation résulte du caractère saisonnier de l’entreprise, (iv) si elle est la conséquence d’une organisation déficiente ou d’une mauvaise gestion et (v) si elle a un caractère structurel.

La définition de cette « nature structurelle » est donnée à l’alinéa 3 du même texte, étant que l’on peut notamment entendre par là le manque de travail propre à la nature de l’activité de l’entreprise ou du secteur ou qui vise à devenir permanent, par le fait qu’il persiste de manière presque ininterrompue durant plusieurs exercices ou présente un déséquilibre par rapport aux prestations de travail des mêmes travailleurs.

La décision sur l’assimilation revient à la Caisse et le tribunal rappelle que, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, il vérifie le bien-fondé des décisions de celle-ci.

En l’espèce, sur la base des documents produits, et notamment à partir d’un tableau établi par la Caisse, il reprend le nombre de jours de chômage économique au sein de l’entreprise pour l’exercice considéré (2013). Le calcul est global et, en ce qui concerne le demandeur, il retient, sur la base du nombre moyen de jours de chômage économique au niveau national pour la même année, et ce dans le secteur où l’employeur déploie son activité, que le nombre de jours de chômage est très important. En outre, cette situation existait déjà au cours des trois années précédentes. Le nombre de jours de chômage retenu est de 82 jours au cours de l’exercice en cause.

Pour le tribunal, l’on se trouve dans une des hypothèses d’exclusion, étant la conséquence d’une organisation déficiente ou d’une mauvaise gestion de l’entreprise, concernant le travailleur en cause, et ce tant pris isolément que par rapport aux entreprises du secteur. Le tribunal constate également le caractère structurel de la situation, eu égard à sa persistance pendant plusieurs années et à l’importance du nombre de jours de chômage économique par rapport au nombre de jours de travail.

Intérêt de la décision

La question posée au tribunal du travail dans cette affaire revient régulièrement.

L’on peut renvoyer notamment à un jugement récent du même tribunal du 15 janvier 2018 (Trib. trav. Hainaut, div. Mons, 15 janvier 2018, R.G. 15/2.617/A), qui a eu à examiner également la question du refus de l’assimilation de journées de chômage temporaire. Reprenant les mêmes dispositions, le tribunal avait rappelé que la Caisse de vacances annuelles apprécie et vérifie de manière autonome si les journées déclarées à ce titre peuvent être assimilées ou non. Le refus d’assimilation peut intervenir même si l’ONEm a admis ces journées comme étant des journées de chômage économique.

Il avait également été conclu dans cette affaire que les journées de chômage économique étaient importantes et le tribunal y a rappelé que ce type de chômage a été instauré par le législateur afin de permettre aux entreprises de pouvoir faire face à un manque spontané de travail, sans devoir procéder à des licenciements. De ce fait, le chômage économique a pour nature d’être ponctuel et ne peut s’étendre sur plusieurs exercices, situation qui avait également été constatée dans cette affaire, dans laquelle aucune cause précise conjoncturelle n’avait par ailleurs été mise en avant par l’employeur pour justifier l’importance de la mise en chômage.

Sur le caractère structurel du chômage, relevons également un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 21 janvier 2010 (C. trav. Bruxelles, 21 janvier 2010, R.G. 2008/AB/51.297 – précédemment commenté). Dans cette espèce, les journées de travail étaient systématiquement inférieures aux journées pendant lesquelles le travailleur avait été mis en chômage économique, ce qui constituait un déséquilibre entre les journées prestées et celles qui ne l’étaient pas. La cour y avait retenu que la situation de l’intéressé était également celle de ses autres collègues. Sur le plan des pouvoirs de la Caisse, la cour avait, enfin, souligné que, depuis la modification de l’arrêté royal du 30 mars 1967 par un arrêté du 10 novembre 2004, la règle selon laquelle seul l’ONEm pouvait vérifier la réalité de la cause de la suspension était abandonnée, situation qui faisait que les journées assimilées pour le pécule de vacances devaient, avant la modification du texte, être celles reconnues par l’ONEm. Actuellement, les pouvoirs de la Caisse sont étendus sur cette question, puisque celle-ci apprécie sur la base des éléments du dossier les conditions de mise en chômage économique et décide éventuellement de refuser l’assimilation, l’une des hypothèses de l’article 16, 14°, de l’arrêté royal étant rencontrée.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be