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Chômage : conditions de l’octroi et du maintien des allocations provisionnelles en cas de non perception de l’indemnité de rupture

Commentaire de C. trav. Mons, 9 mai 2019, R.G. 2016/AM/68

Mis en ligne le jeudi 9 juillet 2020


Cour du travail du Mons, 9 mai 2019, R.G. 2016/AM/68

Terra Laboris

Dans un arrêt du 9 mai 2019, la Cour du travail de Mons rappelle les conditions mises par la réglementation depuis la loi-programme du 30 décembre 1988 en ce qui concerne le droit à des allocations provisionnelles et le maintien de celui-ci en cas de non-perception de dommages et intérêts ou d’indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail.

Les faits

Suite à son licenciement (faillite de l’employeur), une employée est admise au bénéfice des allocations de chômage à titre provisoire.

Elle introduit une déclaration de créance pour l’indemnité de rupture et celle-ci est admise au passif de la faillite par jugement du Tribunal de commerce de Mons.

Elle ne reçoit aucun dividende de la curatelle. Elle est alors exclue du bénéfice des allocations de chômage pour une période de trois mois, l’ONEm décidant de récupérer les allocations perçues provisionnellement, et ce au motif qu’elle a laissé son droit se prescrire. En conséquence, elle ne pouvait être considérée comme privée de rémunération.

Suite au recours introduit devant le Tribunal du travail de Charleroi, la décision est annulée.

L’ONEm interjette appel.

Moyens de l’ONEm devant la cour du travail

Pour l’appelant, la travailleuse disposait d’un droit théorique à la perception d’une indemnité de rupture. Il sollicite en conséquence la réformation du jugement et la confirmation de la décision administrative.

Au cas où la décision elle-même serait annulée, il sollicité de la cour qu’elle se substitue à lui-même et exclue l’intéressée du bénéfice des allocations de chômage et la condamne à rembourser les montants perçus.

La décision de la cour

La cour entame son analyse par le rappel de l’article 7, § 12 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Cette disposition prévoit que les allocations de chômage ne peuvent être accordées pendant la période couverte par une indemnité ou par des dommages et intérêts (sauf une indemnité pour dommage moral) auxquels le travailleur peut prétendre du chef de la rupture du contrat.

Lorsque ces montants auxquels il a droit n’ont pas été perçus, il bénéficiera à titre provisoire des allocations pendant la période correspondante. Des conditions sont mises pour l’octroi des allocations provisoires (en plus des conditions ordinaires d’obtention des allocations), étant que (i) il doit s’engager à en réclamer le paiement à l’employeur, au besoin par la voie judiciaire, (ii) il s’engage à rembourser les allocations provisoires perçues, et ce dès l’obtention des sommes, (iii) il s’engage à informer l’ONEm de toute reconnaissance de dette que ferait l’employeur ou de toute décision judiciaire rendue sur la question et (iv) il s’engage à céder la créance à l’ONEm à concurrence du montant des allocations accordées à titre provisoire.

En outre, le chômeur doit informer l’ONEm dans l’année suivant la cessation du contrat de l’intentement d’une action en justice. A défaut, il sera exclu, dès la fin du contrat et pour la période couverte par les minima légaux de préavis d’application.
La situation en cas de faillite ou de liquidation de l’entreprise est identique, les mandataires, curateurs et liquidateurs ayant les mêmes obligations que les employeurs en ce qui concerne la cession de créance.

La cour relève que le texte ne fait aucune distinction selon le moment de la perception de l’indemnité en tout ou en partie (que ce soit avant l’octroi des allocations provisoires ou après celui-ci).

Les quatre conditions ci-dessus doivent être remplies pour obtenir et conserver le droit à ces allocations. Les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1988 (loi-programme) contiennent des explications complémentaires, étant que le travailleur ne doit en aucun cas se désintéresser de l’action introduite, sa négligence ne pouvant avoir pour conséquence de mettre l’indemnisation incombant à l’employeur à charge de la collectivité. Ainsi, en cas de faillite, la déclaration de créance doit être introduite dans les délais.

Tel a été le cas en l’espèce. Aucune négligence ne peut dès lors être reprochée à l’intéressée. Vu la faillite intervenue, le jugement admettant la créance était le seul titre exécutoire qu’elle pouvait d’ailleurs obtenir.

L’intéressée n’a dès lors nullement laissé prescrire son droit. Elle s’est trouvé dans l’impossibilité, pour des raisons totalement indépendantes de sa volonté, d’obtenir le paiement de l’indemnité : l’actif ne le permettait pas et le Fonds de fermeture a refusé son intervention au motif qu’il s’agissait d’une société pourvoyeuse de main d’œuvre.

Elle peut en conséquence conserver le droit aux allocations provisoires, toutes les conditions étant remplies. La cour renvoie ici à un arrêt de la Cour du travail de Liège du 7 mars 2006 (C. trav. Liège, section Namur, 7 mars 2006, RG 7616-04).

Elle poursuit que l’art. 126 de l’arrêté royal organique (qui prévoit qu’est admis au bénéfice des allocations de chômage le travailleur qui devient chômeur privé de rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté) et l’article 214, 5° du même arrêté (en vertu duquel les allocations perçues pendant la période de préavis sans que l’indemnité de congé due ait été payée sont des sommes perçues indûment auxquelles le Comité de gestion est autorisé à renoncer) doivent se lire conjointement.

La créance du travailleur sur son employeur susceptible d’entraîner le refus de l’indemnisation doit être certaine (renvoyant ici à un arrêt de la Cour du travail de Mons du 23 juin 1994 (C. trav. Mons, 23 juin 1994, Chr.D.S., 1994, p.71). Le droit à l’indemnité de rupture ne doit pas être hypothétique, ce qui est le cas lorsqu’il y a impossibilité absolue d’en obtenir le paiement (avec renvoi ici à deux décisions de la Cour du travail de Mons elle-même (C. trav. Mons, 14 mars 2013, RG 2012/AM/65 & 13 mars 2014, RG 2013/AM/209).

La décision administrative n’est dès lors pas légalement justifiée. La Cour confirme l’annulation et rejette l’appel.

Enfin sur la question de la substitution en cas d’annulation de la décision administrative, la cour confirme ce pouvoir mais fait grief à l’ONEm de ne pas émettre des critères autres que ceux examinés ci-dessus.

Intérêt de la décision

La question est fréquente, dans l’hypothèse de la rupture d’un contrat de travail laissant aléatoire la perception par le travailleur de l’indemnité de rupture. Les juridictions sont régulièrement saisies des obligations du travailleur dans cette situation, eu égard à l’article 7, § 12 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944.

La cour a examiné les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1988, qui a modifié cette disposition.

Dans ses développements à propos de l’étendue des obligations du chômeur, la Cour du travail de Mons renvoie à un arrêt de la Cour du travail de Liège, section Namur, du 7 mars 2006 (RG 7616-04), précédemment commenté.

Nous y renvoyons de manière particulière sur la position de la Cour du travail sur l’arrêt du 6 février 1995 de la Cour de cassation (Cass., 6 février 1995, S.94.0069).


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