Terralaboris asbl

Taux de la pension de retraite en cas de remariage après une répudiation contraire à l’ordre public

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 novembre 2007, R.G. 46.052

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 21 novembre 2007, R.G. n° 46.052

Asbl TERRA LABORIS – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 21 novembre 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé qu’en cas de remariage après une répudiation intervenue en contravention avec les règles d’ordre public du droit belge, le pensionné ne peut bénéficier que de sa pension au taux « isolé » et non au taux « ménage ».

Les faits

M.R. s’est marié au Maroc avec Mme M. Il répudie celle-ci en 1988, au Maroc, par comparution devant deux notaires.

14 ans plus tard, il se remarie avec Mme N.

Arrivé à l’âge de la pension, l’O.N.P. lui accorde sa pension de retraite au taux isolé. La position de l’O.N.P. est que la décision de répudiation au Maroc est contraire à l’ordre public belge, l’épouse n’ayant pas été convoquée à la procédure de répudiation, de telle sorte que celle-ci ne peut sortir aucun effet en Belgique. En conséquence, pour l’O.N.P., l’intéressé est séparé mais non divorcé.

L’intéressé considère, quant à lui, que, vivant depuis son second mariage avec sa seconde épouse, il doit bénéficier d’une pension au taux ménage. Il fait également valoir que sa situation est claire vis-à-vis des administrations belges, l’administration communale ayant accepté tant le divorce que le remariage.

Position du tribunal

Le tribunal du travail confirme la décision de l’O.N.P., estimant que les droits de défense de Mme M. n’avaient pas été respectés lors de la procédure de répudiation, ceci signifiant que ce sont les règles de l’ordre public belge elles-mêmes qui ne l’avaient pas été. En conséquence, cette décision ne peut se voir reconnaître d’effet juridique en Belgique.

Position des parties en appel

L’intéressé considère, essentiellement, que son divorce a été transcrit dans sa commune, qu’il cohabite avec sa seconde épouse et que l’administration communale lui a laissé croire qu’il « était en règle ». En outre, la décision vient en contradiction avec l’attitude adoptée par les autres administrations (fisc, mutuelle, etc.). Il signale se trouver dans une situation inextricable puisque, engagé dans les liens d’un second mariage admis par les autorités belges, il ne saurait demander le divorce de son premier mariage ! Pour lui, les décisions administratives non contestées devenant inattaquables après l’expiration des délais de recours, la situation ne peut être remise en cause 15 années plus tard.

Quant à l’O.N.P., il sollicite la confirmation du jugement, qui a suivi sa thèse depuis le début du dossier.

Position de la Cour

La Cour constate que l’intéressé n’apporte aucun élément qui serait susceptible d’énerver les conclusions du jugement, relatives au non respect des règles de l’ordre public belge lors de la procédure de répudiation, non respect entraînant que la décision de répudiation ne pouvait se voir reconnaître d’effet en Belgique.

Par ailleurs, la Cour rappelle que le fait que l’officier d’état civil ait, de même que d’autres autorités administratives, admis le second mariage ne peut modifier cette conclusion. En effet, la Cour du travail rappelle un arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 1995 (R.G. n° 92/19706) qui, à propos d’un litige similaire, avait considéré que les jugements étrangers relatifs à l’état des personnes devaient répondre aux conditions de l’article 570 du Code judiciaire et que le respect des droits de défense est une de celles-ci ; en conséquence, le juge ne peut admettre une répudiation intervenue en dehors de ces garanties. La Cour du travail de Mons a également précisé dans un arrêt du 18 octobre 2002 (R.G. n° 17.659) que, seul le jugement étranger qui satisfait à toutes les conditions de l’article 570 alinéa 2 du Code judiciaire peut jouir en Belgique de l’autorité de la chose jugée erga omnes et qu’en cas de contestation des mentions apposées par l’officier de l’état civil dans les registres de la population, celles-ci ne s’imposent pas aux Cours et Tribunaux, qui sont compétents pour vérifier le respect des conditions de l’article 570 alinéa 2 et, partant, pour dire si la décision étrangère concernant l’état des personnes peut produire ses effets en Belgique.

S’appuyant sur ces deux décisions, la Cour du travail conclut que la décision de répudiation prise en violation des droits de la défense ne peut produire ses effets en Belgique et que la seconde union n’eut pu faire naitre le droit à la pension de retraite au taux ménage que si la dissolution du mariage avec la première épouse avait été régulière.

Intérêt de la décision

L’arrêt ci-dessus est l’occasion de rappeler – très utilement – que, vu l’absence d’effet d’une répudiation unilatérale, le bénéficiaire d’une pension de retraite peut se voir – comme en l’espèce – très surpris de constater qu’il ne peut bénéficier d’une pension au taux ménage, même si sa situation matrimoniale offre les apparences de la légalité sur le plan administratif.


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