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Conditions d’octroi de l’allocation de naissance dans le régime des prestations familiales garanties

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 mars 2020, R.G. 2017/AB/613

Mis en ligne le mardi 13 octobre 2020


Cour du travail de Bruxelles, 4 mars 2020, R.G. 2017/AB/613

Terra Laboris

Conditions d’octroi de l’allocation de naissance dans le régime des prestations familiales garanties

Dans un arrêt du 4 mars 2020, la Cour du travail de Bruxelles confirme la décision rendue par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles le 23 mai 2017. Elle rappelle que le droit aux allocations familiales garanties est un droit résiduaire, qui n’est accordé que moyennant une demande et que c’est à la date d’introduction de celle-ci qu’il y a lieu d’examiner les conditions d’octroi.

Les faits

Une famille étrangère est prise en charge par l’Agence FEDASIL en février 2015. Quelques semaines après celle-ci, la mère accouche de son deuxième enfant. La famille obtient quelques mois plus tard le statut de réfugié. Ils quittent dès lors le centre et sont inscrits dans les registres de la population.

La mère introduit, ensuite, une demande de prestations familiales garanties et celles-ci sont accordées, mais uniquement à partir du 1er juillet 2015, date qui se situe après la reconnaissance du statut de réfugié.

FAMIFED refuse les prestations pour la période du 1er février au 30 juin.

Dans le cours de la procédure, la mère modifie sa demande, étant qu’elle sollicite uniquement l’allocation de naissance.

Le jugement du tribunal du travail francophone de Bruxelles du 23 mai 2017 (R.G. 15/11.989/A)

Le tribunal rappelle le siège de la matière, étant la loi du 20 juillet 1971 instaurant des prestations familiales garanties et son arrêté royal d’exécution du 25 octobre 1971. Les conditions d’octroi de l’allocation de naissance figurent à l’article 1er, alinéa 9, 3°, de la loi et à l’article 5 de l’arrêté royal.

Quant aux conditions d’octroi, le tribunal souligne que, pour y avoir droit, il faut remplir les conditions cumulatives exigées pour les prestations familiales garanties. Pour FAMIFED, celles-ci doivent être rencontrées au moment de l’événement, l’Office précisant que, pour l’allocation de naissance, ces conditions doivent être rencontrées pour le mois de la naissance.

Soulignant le caractère d’ordre public de la loi, il relève que ni celle-ci ni son arrêté d’exécution ne prévoient que les conditions d’octroi doivent être rencontrées au moment de l’événement ou dans le mois de la naissance et que, ce faisant, FAMIFED ajoute à la loi une condition qu’elle ne contient pas. Dès lors que la demande est introduite dans l’année de la naissance, c’est à cette date qu’il faut examiner si les conditions d’octroi sont remplies. Tel est bien le cas en l’espèce.

L’arrêt de la Cour du 4 mars 2020

La cour renvoie, outre au mécanisme légal (articles 1er, alinéas 1er et 9, et 7 de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties), aux travaux préparatoires de la loi et à la Charte de l’assuré social.

Le régime des prestations familiales garanties a en effet été instauré afin d’assurer une plus grande égalité entre les enfants, prévoyant une allocation familiale garantie pour chaque enfant à charge « en raison même de son existence » (la cour renvoyant à Doc. parl., Sénat, 1969-1970, n° 80).

Elle cite ensuite sa propre jurisprudence (C. trav. Bruxelles, 3 avril 2008, R.G. 48.806), selon laquelle, dans l’ensemble des régimes non contributifs d’assistance sociale, le régime des prestations familiales garanties assure une protection spécifique aux enfants pour lesquels aucune personne n’ouvre le droit à des prestations familiales. La cour souligne également que la loi a préféré le terme « demandeur » à celui d’« attributaire », élément révélateur.

Pour ce qui est de l’allocation de naissance, elle fait partie des prestations familiales garanties au sens de la loi. Aucun délai de forclusion ou de déchéance n’est fixé pour l’introduction d’une demande d’allocations familiales dans ce cadre légal, l’article 7, alinéa 2, de la loi contenant cependant une règle de rétroactivité d’une année, qui vise les seules allocations familiales. Cette rétroactivité est calculée à partir de la demande. Pour ce qui est de l’allocation de naissance, l’alinéa 3 du même article dispose que le délai dans lequel la demande doit être introduite est l’année de la naissance. Il s’agit d’un délai de forclusion. La cour précise encore que l’allocation doit être demandée (de même que les autres allocations familiales garanties d’ailleurs).

La question lui soumise porte sur la date à laquelle les conditions d’octroi du droit à l’allocation de naissance doivent être réunies : est-ce le jour de la naissance ou la date de la demande ?

En l’espèce, au moment de la naissance, les conditions d’octroi n’étaient pas remplies, les membres de la famille n’ayant pas encore reçu la qualité de réfugiés et ne justifiant pas d’une résidence d’au moins 5 ans en Belgique, la famille étant à ce moment hébergée dans un centre d’accueil Fedasil. Elles l’étaient cependant au moment de la demande, intervenue 6 mois plus tard.

La cour ne suit pas l’argument de la caisse selon laquelle l’article 1er de la loi exprime la volonté du législateur selon laquelle l’ensemble des conditions de fond devraient être respectées préalablement à l’ouverture du droit. Dans la mesure où une demande est exigée et que celle-ci doit être introduite dans un délai précis, les conditions d’octroi son nécessairement vérifiées au moment de cette introduction. Aucune disposition légale ne permet, pour la cour, d’exiger que la vérification de l’existence des conditions requises se fasse lors du « fait générateur », à savoir la naissance de l’enfant.

C’est dès lors la date d’introduction qui doit être retenue et la cour confirme la position du premier juge à cet égard.

Intérêt de la décision

Le jugement rendu par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles du 23 mai 2017 a été précédemment commenté.

Le tribunal avait retenu que l’administration ajoutait une condition à la loi, condition qu’elle ne contient pas, étant que les conditions d’octroi à réunir doivent s’examiner au moment de l’événement ou dans le mois de la naissance pour ce qui est de l’allocation de naissance, et ce même si la demande a été introduite plus tard.

Nous avions rappelé que le mécanisme légal fait, il est vrai, en sorte que, très généralement, l’allocation de naissance est demandée beaucoup plus tôt, puisqu’elle est accordée, en vertu de l’article 5 de l’arrêté royal du 25 novembre 1971, pour chaque enfant, même s’il est mort-né ou qu’est survenue une fausse couche après une grossesse d’au moins 180 jours. L’allocation peut être demandée par l’allocataire à partir du sixième mois de la grossesse et le paiement peut en être obtenu 2 mois avant la date probable de la naissance, celle-ci devant être attestée par certificat médical joint à la demande.

Une seule exigence est cependant posée pour l’allocation de naissance, étant le délai dans lequel elle doit être introduite. Dès lors que la demande d’octroi est exigée par la loi, c’est au moment de cette introduction qu’il importe de vérifier si les conditions légales sont réunies.


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