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Exercice d’une activité accessoire pendant le chômage : calcul du montant définitif autorisé

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 4 août 2020, R.G. 2019/AL/509

Mis en ligne le vendredi 12 mars 2021


Cour du travail de Liège (division Liège), 4 août 2020, R.G. 2019/AL/509

Terra Laboris

Dans un arrêt du 4 août 2020, la Cour du travail de Liège (division Liège) rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la prescription de la récupération d’allocations de chômage en cas d’exercice d’une activité accessoire autorisée, ainsi que le mode de calcul des revenus professionnels à prendre en compte.

Les faits

M. D. a été admis au bénéfice des allocations de chômage en mars 2009. Un montant journalier provisoire a été fixé, vu un cumul autorisé avec une activité accessoire.

L’ONEm prend, en avril 2017, une décision relative à l’année 2013, décision qui octroie à titre définitif un montant journalier de 17,14 euros, montant ramené à 13,72 euros en août. L’ONEm fait application de l’article 130 de l’arrêté royal organique. Il suit de sa décision qu’une récupération d’un montant de l’ordre de 7.135 euros est ordonnée. Un recours contre cette décision est introduit par l’intéressé devant le Tribunal du travail de Liège (division Liège).

Une seconde décision de l’ONEm du 4 août 2017 revoit le montant journalier des allocations pour l’année 2014, celles-ci étant alors supprimées, l’ONEm décidant en outre de récupérer la différence entre les montants perçus à titre provisoire pour cet exercice et le montant définitivement retenu. Il s’agit d’une somme de l’ordre de 8.650 euros. L’ONEm se fonde sur l’avertissement-extrait de rôle de l’intéressé et sur les documents comptables qu’il a également transmis, dont il ressort que le montant des revenus nets imposables perçus au cours des trois premiers trimestres est égal à 20.000 euros environ. Le montant journalier des revenus est obtenu en divisant ceux-ci par 234 (étant le nombre de jours proportionnel d’exercice de l’activité à titre complémentaire), soit 86,46 euros par jour. Ce montant est supérieur à l’allocation. Le montant journalier réduit doit dès lors être fixé à 0 euro. Un recours est également introduit contre cette décision

Par jugement du 16 septembre 2019, les recours sont joints et le tribunal accueille la position de l’ONEm sur le principe. La récupération des sommes qui dépassent le plafond est cependant jugée prescrite, sauf pour un montant de 2.900 euros environ.

L’ONEm interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’ONEm demande confirmation de ces deux décisions. Sur le plan de la prescription, il conteste que la récupération soit limitée aux 150 dernières allocations (bonne foi de l’intéressé). Il expose que le délai de prescription prend, par ailleurs, cours au moment où l’avertissement-extrait de rôle est établi par l’administration fiscale.

Quant à l’assuré social, il introduit un appel incident, demandant l’annulation des deux décisions litigieuses et sollicitant de la cour qu’elle retienne qu’aucune récupération ne peut intervenir. A titre subsidiaire, il réclame des dommages et intérêts correspondant aux montants en cause et, pour ce qui est des sanctions, sollicite la limitation de la récupération aux 150 dernières allocations. Il considère également que les décisions litigieuses ne peuvent avoir d’effet rétroactif en application de l’article 48, § 3, de l’arrêté royal organique et de l’article 17 de la Charte de l’assuré social, ainsi qu’en vertu des principes de bonne administration. A titre plus subsidiaire encore, il invoque la prescription de la récupération ainsi qu’une faute dans le chef de l’ONEm, qui lui a fait croire qu’il était dans les conditions pour bénéficier des allocations.

La décision de la cour

La cour reprend les faits, dont il ressort que l’activité accessoire était celle d’infographiste, qui a débuté le 1er octobre 2008 et pour laquelle l’intéressé percevait un revenu net de 1.200 euros par an. La période litigieuse s’arrête au 1er octobre 2014, celui-ci ayant à ce moment poursuivi l’exercice de l’activité en cause, mais ce à titre principal.

La cour constate qu’une enquête avait été ouverte quant à sa situation exacte au niveau de ses revenus et de son parcours professionnel, enquête qui fut clôturée le 11 octobre 2016. Quelques mois plus tard, il fut convoqué au bureau de chômage pour un autre motif, étant le réexamen annuel de ses revenus de l’année 2013 susceptibles d’entraîner une réduction de son allocation journalière et une récupération. Il en fut de même pour les revenus 2014.

La cour reprend ensuite les dispositions applicables quant au fondement de l’appel, étant essentiellement l’article 48 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 ainsi que son article 130.

Elle rappelle en substance que l’article 48 est une exception à la règle générale suivant laquelle le chômeur doit être privé de travail et de rémunération. La poursuite de l’activité accessoire doit cependant répondre à des conditions strictes. Dès lors que celles-ci sont remplies et que l’autorisation est donnée, il appartient à l’ONEm de démontrer que le chômeur travaille en dehors de ces conditions et non l’inverse (ce qui reviendrait à exiger du chômeur une preuve négative de ce qu’il ne preste pas en contrariété avec les conditions posées à cet exercice).

Si la reconnaissance du caractère accessoire d’une profession est refusée, la décision produit ses effets à partir du jour où l’activité ne présente plus ce caractère (s’il n’existait pas encore de carte d’allocations accordant le droit d’exercer cette activité ou en cas d’absence de déclaration ou de déclaration inexacte ou incomplète) ou le premier lundi qui suit la remise à la poste du pli par lequel la décision est notifiée au chômeur (dans les autres cas). L’effet rétroactif est dès lors limité à ces hypothèses.

L’article 130 instaure par ailleurs un mécanisme de réduction du montant de l’allocation, en cas de cumul autorisé. La référence prise pour les revenus issus de l’activité professionnelle est le revenu annuel imposable. Le montant de l’allocation de chômage ne peut être définitivement fixé que lorsque ce revenu est connu. Dès lors, la prise de cours du délai de prescription pour la récupération éventuelle débute lors de l’établissement de l’avertissement-extrait de rôle et non lors de sa communication à l’ONEm (la cour renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 5 septembre 2016, n° S.16.0007.F, avec les conclusions de M. l’Avocat général GENICOT).

En l’espèce, pour les années 2011 et 2012, aucune récupération n’a été décidée, les revenus étant inférieurs au plafond autorisé. Ceci ne fut cependant pas le cas pour les deux années suivantes. L’intéressé ayant spontanément modifié son statut (passant d’une activité accessoire à une activité principale) à partir du 1er octobre 2014, la cour estime que l’ONEm ne l’a certes pas induit en erreur quant au caractère accessoire de l’activité autorisée. Elle rejoint le Ministère public, pour ce qui est de l’application des règles de prescription, confirmant que la Cour de cassation a exclu que le délai de prescription prenne cours conformément à l’article 7, § 13, alinéas 2 et 3, de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944, soit le premier jour du trimestre civil suivant celui au cours duquel le paiement a été effectué.

L’octroi des allocations intervient à titre provisoire et la fixation du montant définitif de celles-ci ne pourra intervenir que lorsque le revenu annuel net imposable sera fixé par l’avertissement-extrait de rôle.

Les articles 48 et 130 de l’arrêté royal ne sont donc pas exclusifs l’un de l’autre. L’article 48 vise le droit aux allocations de chômage et l’article 130 porte sur le montant de ce droit. En l’espèce, la première enquête de l’ONEm concernait le droit aux allocations et, lorsque l’intéressé a été reconvoqué, il s’est agi de statuer sur le montant de celles-ci. En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à l’ONEm, qui, s’il est clair qu’il ne pouvait plus revenir sur l’octroi du droit aux allocations (ce qu’il ne fait pas), était autorisé à faire application de l’article 130 de l’arrêté royal quant au montant.

Les deux décisions de l’ONEm étant intervenues conformément à la réglementation, elles ne peuvent par ailleurs constituer des décisions de révision au sens de l’article 17 de la Charte de l’assuré social (qui suppose une erreur de l’administration).

La cour confirme dès lors le jugement, sauf sur la question de la prescription, que le tribunal avait admise pour une partie de la période litigieuse.

Les deux décisions administratives sont ainsi confirmées.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège rappelle la portée de chacune des deux dispositions concernées, étant d’une part l’article 48 de l’arrêté royal, qui vise le droit à la perception d’allocations de chômage tout en exerçant une activité (activité accessoire), alors que l’article 130 vient concrétiser les modalités de fixation définitive de l’allocation perçue, vu le cumul avec ces revenus professionnels.

La cour du travail a rappelé une règle importante, fixée par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 septembre 2016, étant que le délai de prescription ne peut prendre cours avant l’établissement de l’avertissement-extrait de rôle déterminant le montant des revenus de l’année en cause Dans l’arrêt de la Cour du travail de Liège annoté, cette règle est confirmée, la cour précisant qu’il ne faut pas retenir comme point de départ la communication de cet avertissement-extrait de rôle mais son établissement.

Rappelons encore que dans une décision légèrement antérieure (Cass., 18 janvier 2016, n° S.14.0087.F), la Cour de cassation avait décidé que pour calculer les revenus admissibles dans le cadre de l’exercice d’une activité accessoire développée en parallèle avec l’octroi d’allocations de chômage, doivent être pris en compte l’ensemble des revenus produits par l’activité du chômeur, étant qu’il n’y a pas lieu de déduire du chiffre d’affaires les rémunérations de sous-traitance et les charges fiscalement admises (voir également à cet égard C. trav. Bruxelles, 11 octobre 2017, R.G. 2015/AB/157).


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