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Allocation de naissance : l’enfant doit-il être né en Belgique ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 octobre 2020, R.G. 2019/AB/369

Mis en ligne le vendredi 26 mars 2021


Cour du travail de Bruxelles, 14 octobre 2020, R.G. 2019/AB/369

Terra Laboris

Dans un arrêt du 14 octobre 2020, la Cour du travail de Bruxelles reprend les principales conditions d’octroi de l’allocation de naissance, parmi lesquelles ne figure pas la condition que l’enfant soit né en Belgique. Pour la cour, exiger une telle condition revient à ajouter à la loi.

Les faits

Une mère de famille sollicite, avant la naissance de son dernier fils, une demande de paiement anticipé de l’allocation de naissance garantie. Elle bénéficie du revenu d’intégration sociale.

Elle déclare dans sa demande que le père de l’enfant vit et travaille en Italie. Elle rentre en Belgique après la naissance de ce troisième enfant, avec celui-ci. Les allocations familiales garanties, en ce compris l’allocation de naissance, lui sont refusées (pour les allocations familiales temporairement). La décision de FAMIFED se fonde sur l’absence d’inscription de l’enfant au registre de la population pendant les premiers temps après sa naissance. Pour l’Agence, la condition de résidence en Belgique n’est pas remplie.

L’octroi des prestations intervient pour une période débutant le 1er du mois de l’inscription au registre.

La décision relative au refus de l’allocation de naissance ainsi qu’aux allocations familiales pour la période précédant la période avant l’inscription est contestée devant le tribunal, l’intéressée demandant qu’il soit fait droit au paiement des prestations refusées.

Le Tribunal du travail francophone de Bruxelles fait droit à la demande par jugement du 2 avril 2019.

IRISCARE, venue aux droits de FAMIFED entre-temps, est partie appelante devant la cour et demande la mise à néant du jugement.

L’intimée en sollicite, très logiquement, la confirmation.

La décision de la cour

La cour se prononce en premier lieu sur l’allocation de naissance et elle renvoie, vu le bref séjour en Italie (d’une durée de deux mois environ aux fins d’aller y accoucher) au Règlement n° 883/2004, pour faire le constat que celui-ci ne s’applique pas comme tel aux prestations litigieuses. Il concerne bien évidemment les prestations familiales, et ce qu’il s’agisse d’un régime contributif ou non. Cependant, la définition donnée de ces prestations familiales vise toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille, à l’exclusion des avances sur pensions alimentaires et des allocations spéciales de naissance ou d’adoption visées à l’annexe 1. Or, l’allocation de naissance (ainsi que la prime d’adoption) est visée, en ce qui concerne la Belgique, dans l’Annexe 1 en cause.

Dès lors, seule la législation belge peut, pour la cour, être invoquée.

Elle reprend le mécanisme légal, étant les conditions mises à la fois pour les prestations familiales garanties et pour l’allocation de naissance, à l’article 1er de la loi du 20 juillet 1971.

Elle rappelle que, pour l’allocation de naissance, celle-ci doit être introduite dans l’année de la naissance, mais qu’elle peut être adressée anticipativement, à savoir au plus tôt deux mois avant la date probable de la naissance. Le droit à cette allocation s’ouvre à partir de 180 jours de grossesse.

La cour rappelle la présomption réfragable de l’article 1er, alinéas 4 et 5, de la loi, relative à la condition que l’enfant soit exclusivement ou au moins principalement à charge d’une personne physique résidant en Belgique, celle-ci étant présumée remplir cette condition par l’inscription de l’enfant dans son ménage au registre des étrangers ou au registre national.

Dès lors que le litige porte sur la période précédant cette inscription, la cour constate que cette présomption ne peut être actionnée mais que la mère peut établir avoir eu la charge de son fils pendant cette période. La preuve en est apportée par des éléments de fait (attestation médicale d’allaitement, achats divers, dont le billet d’avion, etc.).

La cour rappelle que le fait que l’enfant ait passé une quinzaine de jours en-dehors du territoire n’a pas pour conséquence qu’il ne résiderait pas effectivement en Belgique, dès lors qu’il s’y trouve de manière ininterrompue depuis son retour, et la cour d’ajouter qu’en exigeant une naissance en Belgique, IRISCARE ajoute à la loi une condition qui n’y figure pas.

En outre, aucune enquête sur les ressources ne devait être effectuée, vu que la mère était bénéficiaire du revenu d’intégration.

Enfin, la cour relève qu’aucune allocation de naissance n’a été versée en vertu de la loi italienne. Elle ne fait, en conséquence, pas droit à l’appel d’IRISCARE sur ce point.

La cour reconnaît également le droit à la perception des allocations familiales à partir du 1er du mois suivant celui de la naissance, à l’instar du tribunal. Plus aucune contestation n’étant élevée à ce sujet, elle constate que cette demande est dès lors sans objet.

Intérêt de la décision

L’allocation de naissance est, comme on le sait, exclue du champ d’application du Règlement n° 883/2004, de telle sorte que l’examen de ses conditions d’octroi ne doit intervenir qu’au regard du droit national.

Dans un arrêt du 4 mars 2020 (C. trav. Bruxelles, 4 mars 2020, R.G. 2017/AB/613 – précédemment commenté), la Cour du travail de Bruxelles a rappelé que l’allocation de naissance doit être introduite dans l’année de la naissance et que ce délai est un délai de forclusion. La cour a souligné que l’allocation doit être demandée. La question discutée dans cet arrêt était de déterminer à quelle date les conditions d’octroi du droit à l’allocation de naissance devaient être réunies, à savoir le jour de la naissance ou le jour de la demande. La cour a retenu la date de la demande, aucune disposition légale ne permettant d’exiger que la vérification de l’existence des conditions requises se fasse lors du « fait générateur », à savoir la naissance de l’enfant. Cette condition n’est ainsi pas posée par la loi, non plus que, comme le précise la même cour dans l’arrêt du 14 octobre 2020 commenté, que la naissance ait lieu en Belgique. Exiger cette condition reviendrait à ajouter à la loi.

Précisons encore, sur la question du « timing » de la demande, que, si celle-ci intervient avant la naissance, ceci peut être le cas à partir du sixième mois de la grossesse, le paiement pouvant quant à lui être obtenu deux mois avant la date probable de la naissance, date qui doit être attestée par certificat médical.

La matière des prestations familiales garanties elle-même est régulièrement l’objet de recours sur un autre point, étant la condition de séjour, qui a alimenté la jurisprudence dès lors que le demandeur est bénéficiaire d’une attestation d’immatriculation. Diverses décisions ont été rendues, allant dans le sens de l’assimilation de cette attestation d’immatriculation à un droit de séjour au sens de cette législation.

Rappelons à cet égard que la Cour de cassation est intervenue dans un arrêt du 8 avril 2019 (Cass., 8 avril 2019, n° S.17.0086.F) afin de mettre un terme à ce débat en jurisprudence. Elle a tranché, dans cette décision, en faveur de l’octroi des prestations familiales dans l’hypothèse où le séjour est couvert par une attestation d’immatriculation, dans la mesure où l’étranger est ainsi autorisé à séjourner dans le Royaume conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980, fût-ce de manière temporaire et précaire.


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