Terralaboris asbl

Revenu d’intégration sociale : notion de cohabitation – rappel des conditions légales

C. trav. Bruxelles, 31 octobre 2007, R.G. 49.716

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 31 octobre 2007, R.G. n° 49.716

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 31 octobre 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé que, au sens de la loi du 26 mai 2002, la cohabitation se définit comme le fait que des personnes vivent sous le même toit et règlent principalement en commun leurs questions ménagères. Ces deux conditions doivent être rencontrées cumulativement. Il appartient au CPAS de mener une enquête objective et neutre dans l’établissement de la réalité de fait.

Les faits

Le CPAS de Ganshoren refusa à partir du 6 décembre 2005 le revenu d’intégration sociale à Monsieur B., ainsi que la feuille de médicaments, au motif qu’il ne résidait pas seul où il prétendait habiter mais qu’il cohabitait, en réalité, à une autre adresse avec une personne ayant des revenus.

L’intéressé contestait la chose. Il introduisit un recours devant le tribunal du travail de Bruxelles.

La position du tribunal

Le premier juge fit droit à sa demande.

Saisi d’un 2e recours, pour une décision prise le 31 juillet 2006, le tribunal – autrement composé – supprimait alors le revenu d’intégration sociale et la feuille de médicaments à dater du 18 juillet 2006, et ce au motif de cohabitation.

Les deux parties interjetèrent appel, chacune pour la décision qui lui avait été défavorable.

La position des parties en appel

Sur la question de la cohabitation, étant le point essentiellement litigieux, le CPAS se fondait sur divers témoignages de voisins, sur une enquête de police qui avait été menée en juillet 2006 et sur l’absence de consommations d’eau chaude, ainsi que de tout mouvement des compteurs d’eau froide et d’électricité.

L’intéressé faisait quant à lui valoir que les arguments relatifs aux compteurs étaient basés sur des pièces limitées dans le temps, les relevés établis n’étant corroborés par aucune donnée vérifiable. Il précisait que le CPAS n’apportait aucun élément concret relatif à sa cohabitation à une autre adresse que la sienne, les mesures d’instruction ordonnées par celui-ci n’ayant pas été objectives (absence de visite des lieux loués aux fins d’examiner les conditions de vie effectives), le Centre préférant procéder par des visites domiciliaires sans annonce préalable et déduisant, notamment, la cohabitation de l’absence de l’intéressé à son domicile. Il exposait avoir produit des certificats médicaux attestant d’une dépression liée, précisément, à ses problèmes financiers et personnels, qui justifiaient qu’il sorte le plus possible et ne reste pas seul. L’enquête du CPAS était également indigente sur les circonstances concrètes d’une cohabitation avec une Dame L., celle-ci n’ayant même jamais été interrogée alors qu’elle s’était mise en rapport avec le Centre à diverses reprises, demandant à être entendue.

La position de la Cour

La Cour rappelle, d’abord, la définition de l’article 14, §1er, 1° al.2, de la loi du 26 mai 2002, selon laquelle la cohabitation est le fait que des personnes vivent sous le même toit et règlent principalement en commun les question ménagères (la Cour soulignant le 2e membre de phrase).

Reprenant l’avis de l’Avocat Général, la Cour relève que tout ce que le CPAS aurait pu établir c’est une vie sous le même toit (situation contestée par l’intéressé). En partant de ce postulat, le Centre n’établit toutefois pas la cohabitation, dans la mesure où il ne prouve nullement le règlement principalement en commun des questions ménagères. Ainsi, les ressources de la prétendue cohabitante sont inconnues, le partage des charges de la vie quotidienne également.

Après avoir relevé que les « attestations » recueillies par le Centre s’apparentent davantage à des commérages imprégnés d’appréciations totalement subjectives qu’à des éléments objectifs dignes de foi, que l’on est en droit d’espérer dans une enquête sociale convenablement menée (sic), la Cour fustige l’appréciation qu’a faite celui-ci de l’état de besoin de l’intéressé, de même que de son état de santé déficient. Elle considère que quand bien même il y aurait une relation d’affection avec une tierce personne – ce que la Cour relève comme n’étant pas interdit (!) – et quand bien même l’intéressé se trouverait-il souvent chez elle, ces circonstances ne suffisent pas pour établir les conditions d’une cohabitation.

La Cour relève encore que, en cas de doute sur la situation réelle du demandeur de RIS, le Centre peut appliquer une sanction pour défaut de collaboration ou encore motiver sa décision de refus pour cette raison. Mais si l’on part de l’hypothèse qu’existent des ressources à prendre en considération chez un tiers, il y a lieu de procéder à une évaluation de celles-ci, si l’on veut écarter le droit au revenu d’intégration sociale.

De l’ensemble de ces éléments, la Cour ne considère pas les éléments de preuve apportés par le CPAS comme suffisants et elle va considérer que Monsieur B. est en droit de bénéficier à la fois du revenu d’intégration sociale calculé au taux d’isolé et de la feuille de médicaments.

Intérêt de la décision

Plus qu’à l’examen d’un simple cas d’espèce, la cour procède ici au rappel des conditions légales pour que soit retenue la cohabitation et formule l’exigence du contrôle effectif de l’existence des deux conditions reprises dans la loi. À supposer donc que le fait de vivre sous le même toit soit établi (ce qui ne l’était pas dans le cas d’espèce), la Cour exige que soient en sus fournies les preuves de la mise en commun des questions ménagères.

Un deuxième intérêt de cette décision est de rappeler l’exigence d’une enquête neutre, objective, s’écartant d’attestations réunies au hasard, incontrôlables et dénuées, en fin de compte, d’une force probante suffisante, alors qu’existent des moyens d’investigation permettant d’apporter un éclairage concret sur la situation de vie de l’intéressé.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be