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Quel est le délai de recours contre une décision qui met fin au paiement des indemnités d’incapacité de travail pour cause de non présentation à la convocation du médecin conseil de la mutuelle ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 23 octobre 2007, R.G. 8.367/2007

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Liège, sect. Namur, 23 octobre 2007, R.G. 8.367/2007

TERRA LABORIS ASBL – Pascal HUBAIN

Dans un arrêt du 23 octobre 2007, la Cour du travail de Liège, section de Namur, considère que la décision qui supprime le paiement des indemnités d’incapacité de travail à l’assujetti social qui ne répond pas aux obligations de contrôle constitue un refus de prestations en sorte que le délai d’action est le délai de prescription de deux ans et non le délai de recours de trois mois.

Les faits

M. B. est en incapacité de travail depuis le 9 mai 2005 pour dépression.

Le 8 juillet 2005, sa mutuelle lui envoie un courrier dans lequel elle l’avertit qu’il était absent à la convocation du médecin conseil du 6 juillet 2005 et que, dès lors, l’octroi des indemnités est supprimé aussi longtemps que le bénéficiaire ne répond pas aux obligations de contrôle qui lui sont imposées (article 134, § 2, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994).

M. B. soutient qu’il n’a reçu ni la convocation du médecin conseil, ni la décision de sa mutuelle du 8 juillet 2005. Il a bien constaté ne plus être indemnisé mais a cru que c’était en raison des vacances. Il a pris contact par téléphone avec sa mutuelle en août 2005 et le service contacté lui aurait alors fait état d’un problème informatique. Ce n’est que le 26 septembre 2005 que sa mutuelle lui a expliqué que ses indemnités n’étaient plus payées parce qu’il ne s’est pas présenté à une convocation du médecin-conseil. M. B. se présentera finalement à la consultation du 29 septembre 2005 et sera à nouveau indemnisé à partir de cette date.

Le 29 septembre 2005, la mutuelle confirmera à M. B. que son médecin conseil a accepté de lever la sanction appliquée mais seulement à partir du 29 septembre 2005. M. B. réécrira à sa mutuelle pour obtenir paiement des indemnités pour la période allant du 6 juillet au 28 (ou 29) septembre 2005 mais la mutuelle maintiendra sa décision de refus. Ce n’est que par une requête du 20 juin 2006 que M. B. demandera au tribunal du travail de condamner sa mutuelle à l’indemniser pour la période relative à la suspension avec les intérêts de retard.

Dans un jugement prononcé par défaut à l’égard de la mutuelle, le 6 mars 2007, le tribunal du travail a considéré le recours de M. B. irrecevable parce qu’introduit plus de trois mois à dater de la notification ou de la prise de connaissance de la décision de la mutuelle.

M. B. interjette appel du jugement en considérant que le délai de recours n’a pas pris cours, vu l’absence de toute mention utile dans la dernière décision et vu la non réception de la première.

La décision de la Cour du travail

La Cour du travail de Liège rappelle tout d’abord ce qu’il faut entendre par « décision », étant un acte juridique unilatéral de portée individuelle émanant d’une institution de sécurité sociale et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs assurés sociaux (article 2, 8° de la loi du 11 avril 1995 instituant la charte de l’assuré social).

Elle rappelle également que toute décision d’octroi ou de refus d’octroi doit être motivée (article 13 de la loi) et contenir les mentions obligatoires suivantes : la possibilité d’introduire un recours, l’adresse de la juridiction compétente, le délai de recours, le contenu des articles 728 et 1017 du code judicaire, les références du dossier et du service qui le gère et la possibilité d’obtenir toutes explications sur la décision auprès du service (article 14, alinéa 1er, 1° à 6° de la loi).

La conséquence de l’absence de l’une de ces mentions dans la décision est que le délai de recours ne commence pas à courir (article 14, alinéa 2 de la loi).

Toutefois, la loi a donné au Roi la possibilité de prévoir que ces mentions ne s’appliquent pas à certaines décisions qu’il détermine, s’agissant entre autres des décisions de mise en paiement.

En matière d’assurance maladie invalidité, ce sont les articles 245bis à nonies de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 qui prévoient le mode de notification et les exceptions à l’article 14, alinéa 1er de la charte.

Ces dispositions font une distinction entre les décisions de nature médicale et celles de nature administrative.

En l’espèce, il s’agit d’une décision administrative prise en application de l’article 134, § 2 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 et résultant d’un simple constat d’absence à une convocation, sans examen médical préalable, et ce bien qu’une telle décision ne soit pas expressément visée parmi les décisions de nature administrative reprises dans la législation.

Entre plusieurs dispositions de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 susceptibles de s’appliquer, la Cour du travail considère que c’est l’article 245 octies, qui trouve à s’appliquer. Or, cette disposition règlementaire prévoit que la décision doit également mentionner la faculté pour le titulaire de demander à sa mutualité une revision pour une régularisation dans le délai de deux ans prévu par l’article 174 de la loi coordonnée ainsi que la faculté d’intenter un recours devant la juridiction compétente dans le même délai en cas de désaccord avec la mutualité. La Cour du travail en déduit que le délai d’action de l’assujetti social est, dans cette hypothèse, de deux ans en sorte que le recours a été introduit dans le délai, et ce pour le motif qu’il s’agit d’un délai de prescription et non d’un délai de recours.

Plus particulièrement, la Cour du travail considère que le recours contre la décision de suppression n’est pas tardif non seulement parce qu’il a été introduit dans les deux ans mais également parce que les mentions obligatoires ne figurent pas dans la décision litigieuse. Pour le même motif, le recours est également jugé fondé contre la deuxième décision du 29 septembre 2005 qui rétablissait M. B. dans ses droits avec effet seulement au 29 septembre 2005 et non au 6 juillet 2005, ceci pour les mêmes motifs.

La Cour du travail décide aussi que la preuve de la notification de la décision n’est pas établie et que c’est à l’organisme assureur de supporter le risque d’un envoi par pli simple d’une décision, même si un tel envoi est conforme à la règlementation.

Pour la Cour du travail, à supposer même que la décision ne soit ni une décision de nature médicale, ni une décision de nature administrative au sens de la réglementation, elle ne répond de toute manière pas au prescrit de l’article 14, alinéa 1er de la charte de l’assuré social en sorte que le délai de recours n’a pas pris cours, faute d’indication des mentions obligatoires.

En ce qui concerne le fondement même de la décision de suppression, la Cour du travail considère que la mutuelle n’établit pas que M. B. a bien reçu la convocation du médecin conseil, voire même qu’il fut informé qu’il devait se présenter à un examen.

La Cour du travail décide en conséquence que M. P. doit être rétabli dans ses droits puisque l’on ne peut pas lui reprocher de ne pas s’être présenté auprès du médecin conseil.

L’intérêt de la décision

L’intérêt majeur de l’arrêt réside dans la distinction qu’il fait entre un délai de prescription (en l’espèce deux ans) et un délai de recours (trois mois).

Par ailleurs, à supposer qu’il faille appliquer avec rigueur le délai de recours de trois mois, l’absence des mentions obligatoires imposées par la Charte de l’assuré social aux décisions des organismes de sécurité sociale peut encore permettre à l’assuré social de sauver un recours qui serait, sinon, jugé irrecevable car tardif.


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