Terralaboris asbl

Dans le cadre de l’application du règlement 1408/71, l’I.N.A.M.I. (anciennement le F.N.R.O.M.) peut-il se substituer à l’assuré social pour procéder à la revision d’office de la pension d’invalidité d’un ouvrier mineur ?

Commentaire de C. trav. Mons, 29 juin 2007, R.G. 20.044

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Mons, 29 juin 2007, R.G. n° 20.044

TERRA LABORIS ASBL – Pascal HUBAIN

Les faits

M. P., de nationalité italienne, bénéficie d’une pension d’invalidité pour ouvrier mineur à charge de la Belgique (ONP) depuis le 1er mai 1969 et d’un prorata de pension d’invalidité à charge de l’Italie (INPS).

Depuis sa mise à la retraite, le 1er juillet 1992, il n’est plus à charge du régime de la pension d’invalidité car les pensions de retraite sont payées par l’Office National des Pensions (O.N.P.) en ce compris pour les anciens ouvriers mineurs.

Le 13 septembre 1995, l’organisme italien a recalculé le prorata de sa pension d’invalidité italienne à partir du 1er janvier 1985.

Cette décision est notifiée par l’organisme italien à l’I.N.A.M.I., le 13 juin 1997.

Selon décision du 8 juillet 1997, l’I.N.A.M.I. (F.N.R.O.M.) procède alors au recalcul de sa pension d’invalidité en application des règles de cumul pour la période du 1er janvier 1985 au 30 juin 1992.

En exécution de cette décision qualifiée d’attributive de droit, l’I.N.A.M.I. (F.N.R.O.M.) notifie alors à M. P. un indu de 779.470 BEF représentant les sommes perçues indûment pendant cette période.

M. P. a déposé une requête devant le tribunal du travail de Charleroi contre les deux décisions, l’une attributive de droit (8 juillet 1997) et l’autre de récupération d’indu (10 juillet 1997).

L’I.N.A.M.I. prendra, ensuite, une troisième décision suite à un nouveau recalcul de la prestation d’invalidité, toujours en application des règles du cumul et pour une période limitée du 1er janvier 1990 au 30 juin 1992, ceci pour tenir compte d’une deuxième décision prise par l’organisme italien fixant définitivement le montant du prorata de pension du par l’Italie.

Toujours en exécution de cette décision, l’I.N.A.M.I. notifie le 10 septembre 1998 à M. P. une seconde décision de récupération d’indu contre laquelle M. P. déposera une seconde requête au greffe dirigée, à nouveau, à la fois contre la décision attributive de droit (8 septembre 1998) et contre la décision de récupération d’indu (10 septembre 1998).

Dans chacune des causes, l’I.N.A.M.I. introduira une demande reconventionnelle visant à obtenir la récupération des prestations indûment payées.

Le jugement

Après avoir joint les causes pour connexité, le tribunal du travail de Charleroi déclare les demandes de M. P. non fondées, confirme les décisions administratives contestées et déclare les demandes reconventionnelles fondées.

M. P. est dès lors condamné à rembourser à l’I.N.A.M.I. (cellule des ouvriers mineurs) les sommes de 19.322 € et 928, 71 €.

Le tribunal du travail de Charleroi a considéré que M. P. ne contestait pas que le F.N.R.O.M. (auquel a succédé l’I.N.A.M.I.) était en droit de revoir le montant de la pension d’invalidité belge, conformément au règlement européen 1408/71 ni les calculs effectués sur cette base, ni les calculs des montants indus par l’I.N.A.M.I.

La position des parties en appel

M. P. fait valoir trois moyens :

  1. La méconnaissance du principe de sécurité juridique
  2. La non application par le premier juge de l’article 49 du règlement C.E.E. 574/72 dans la mesure où la constitution des indus litigieux résulte de la révision des droits précédemment accordés.
  3. La non application par le premier juge des articles 111 et 112 du règlement C.E.E. n° 574/72 : l’institution qui applique des règles anti-cumul ne peut, au moment de la liquidation de la revision des prestations d’invalidité ou de vieillesse, réclamer à l’assuré social le remboursement de sommes d’un montant supérieur à celles versées par l’institution d’un autre Etat.

Par la suite, M. P. fera encore valoir un quatrième moyen par lequel il estime que le F.N.R.O.M. n’est pas habilité à lui notifier les décisions administratives contestées, s’agissant d’une revision de ses droits suite à un examen d’office.

Pour l’I.N.A.M.I. :

  1. Ce sont bien les règles de prescription en matière de pension et non d’assurance maladie invalidité qui s’appliquent
  2. L’on ne peut reprocher aux organismes belges aucun retard dans la prise de décisions, celles-ci étant intervenues à chaque fois dans les six mois après la notification des décisions par l’autorité compétente italienne.
  3. La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes invoquée par M. P. n’est pas transposable au présent litige, s’agissant en l’espèce de simple recalcul suite à la fixation des droits de M. P. en Italie.
  4. L’I.N.A.M.I. ne conteste pas avoir revu d’initiative les droits de M. P. pour un seul mois en faisant une application erronée du règlement 1248/92 au lieu du règlement 1408/71 mais l’indu en résultant est très limité.

La position de la Cour

La Cour du travail de Mons commence par rappeler la législation applicable.

C’est le règlement 1408/71 qui fixe, entre autres, les règles relatives au droit à la pension des travailleurs salariés ou non salariés ayant été assujettis à la législation de deux ou plusieurs Etats membres. L’article 46 du règlement fixait les modalités de calcul aux fins d’octroyer et de liquider ces prestations.

Le règlement n° 1408/71 a été modifié par le règlement n° 1248/92 du Conseil du 30 avril 1992, entré en vigueur le 1er juin 1992. Ce deuxième règlement a notamment modifié les modalités de calcul des prestations de pension. Il contient, par ailleurs, une disposition transitoire selon laquelle les droits des intéressés qui ont obtenu, antérieurement au 1er juin 1992, la liquidation d’une pension, peuvent être revisés à leur demande compte tenu des dispositions du règlement modificatif.

L’objectif de cette disposition transitoire est, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes (C.J.C.E. 25/09/1997 – affaire C. 307/96 – Rec., 1 – p. 5133) de permettre à l’intéressé de demander la revision des prestations liquidées sous l’application du règlement non modifié lorsqu’il apparaît que les règles du règlement modificatif lui sont plus favorables et de bénéficier du maintien des prestations accordées selon les dispositions du règlement non modifié dans le cas où elles se révèlent plus avantageuses que celles résultant du règlement modificatif. Il résulte, également de cette jurisprudence et de la disposition transitoire, que l’application des dispositions du règlement modificatif aux droits à la pension ouverts avant le 1er juin 1992 est subordonnée à une demande expresse de l’intéressé en sorte que l’institution compétente ne saurait être admise à se substituer à ce dernier spécialement lorsque la revision d’office s’opère à son détriment. Or, M. P. n’a jamais introduit de demande en revision, celle-ci étant intervenue d’office à l’initiative du F.N.R.O.M.

La Cour constate que l’examen des deux décisions administratives contestées prises par le F.R.N.O.M. démontre que les droits de M. P. ont bien été revus d’initiative au regard du règlement CEE n° 1408/71 pour la première période et au regard du règlement CEE 1248/92 uniquement pour le mois de juin 1992.

La Cour du travail confirme donc que le F.N.R.O.M. ne pouvait pas se substituer à M. P. pour procéder à la revision d’office de ses prestations liquidées sous l’application du règlement non modifié, et ce d’autant que pareille initiative a entraîné une diminution du montant des prestations d’invalidité allouées précédemment à M. P.

L’intérêt de la décision

Le règlement 1408/71 constitue une harmonisation du droit de la sécurité sociale propre à chaque pays de l’Union Européenne.

L’application des règles de cumul entraîne fréquemment des recalculs des prestations et la création d’indus parfois fort importants au détriment des assujettis sociaux.

Par ailleurs, les modifications dans les règlements européens peuvent entraîner un recalcul des prestations.

C’est le cas du règlement 1248/92, qui contient toutefois une disposition transitoire protégeant les assurés sociaux d’un recalcul des prestations à leur détriment.

C’est dès lors à juste titre que la Cour du travail de Mons a considéré que l’organisme belge ne pouvait se substituer à l’assuré social pour procéder à la revision d’office de ses prestations liquidées sous l’application du règlement non modifié, et ce d’autant plus qu’une telle initiative a entraîné une diminution du montant des prestations d’invalidité accordées précédemment à l’assuré social.


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