Terralaboris asbl

L’employeur peut-il procéder à une compensation entre un montant qu’il considère lui être dû et un pécule de vacances dû au travailleur au motif que ce pécule ne serait pas protégé par la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération ?

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 12 mai 2006, R.G. 14.441/05

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Tribunal du Travail de Bruxelles, 12 mai 2006, R.G. n° 14.441/05

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un jugement du 12 mai 2006, le tribunal du travail a répondu par la négative.

Les faits

Un travailleur, engagé en tant que réceptionniste d’un grand hôtel, fut licencié pour motif grave. Celui-ci consistait dans le non respect des procédures financières en vigueur, ayant abouti à la perte de montants payés par les clients, chose que l’hôtel considérait être un vol dans le chef du travailleur. Une partie des fonds en cause aurait, ainsi, été encaissée par lui et placée dans une enveloppe, demeurée introuvable. Ce fait n’était pas nié par l’intéressé, celui-ci contestant cependant la réalité des autres griefs.

La décision du tribunal

Le tribunal conclut qu’il y avait, pour ce fait, non pas motif grave, vu l’absence de caractère intentionnel de la faute, mais négligence et désinvolture, qui constituait une faute lourde. Celle-ci, vu les circonstances de la cause, ne présentait pas le caractère de gravité suffisant pour justifier le licenciement sans préavis ni indemnités. Les fautes annexes n’étaient, quant à elles, pas établies, ce qui amena le tribunal à rejeter le motif grave et à faire droit aux demandes du travailleur.

Quant à la retenue effectuée par l’employeur sur le pécule des vacances, destinée à compenser les prétendus vols avec celui-ci, le tribunal relève que

  • le pécules de vacances sont exclus de la protection garantie au travailleur par la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération de travailleurs ;
  • il doit, cependant, sous peine de sanctions pénales, être payé dès la fin du contrat de travail ;
  • la compensation légale n’a lieu de plein droit qu’entre des dettes fongibles, liquides et exigibles entre les deux mêmes personnes agissant en la même qualité.

En l’espèce, les pécules de vacances de départ devaient être payés dès la fin du contrat de travail, tandis que la prétendue dette du travailleur faisait l’objet d’une contestation sérieuse de la part de celui-ci. En conséquence, cette dette n’était pas liquide au sens de l’article 1291 du Code Civil et il ne pouvait y avoir compensation d’office.

Le tribunal condamne, par conséquent, l’employeur à rembourser le montant de la retenue effectuée.

Sur la demande reconventionnelle de l’employeur tendant à obtenir réparation de son préjudice, le tribunal retient qu’en application de l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, le travailleur est responsable des dommages causés par sa faute lourde dans l’exécution de son contrat.

La faute lourde ayant été retenue, le travailleur est condamné à indemniser son ancien employeur de la perte correspondant au manquement établi.

Intérêt de la décision

Cette décision, qui est définitive, rappelle un principe important, étant que lors de la rupture d’un contrat de travail, les pécules de vacances étant en tout état de cause dus au travailleur, et qu’il ne peut y avoir de compensation entre le montant dû à ce titre et une créance que l’employeur estimerait détenir contre le travailleur, dès lors que cette créance fait l’objet d’une contestation dans son chef.

La décision a également l’occasion de rappeler la distinction entre la faute lourde et le motif grave, à savoir que la première, qui engage la responsabilité du travailleur, donnera lieu à remboursement du montant du préjudice causé par sa faute, mais que celle-ci n’est pas nécessairement constitutive d’un motif grave.


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