Terralaboris asbl

Les travailleurs intérimaires qui remplacent des travailleurs en formation ou en repos compensatoire en raison d’heures supplémentaires doivent être comptabilisés

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 11 février 2008, R.G.992/08

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Tribunal du travail de Bruxelles, 11 février 2008, R.G. 992/08

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Les faits

Les sociétés X et Y constituent une seule unité technique d’exploitation. Elles entamèrent les opérations préliminaires aux élections sociales uniquement en vue de l’institution d’un comité pour la prévention et la protection au travail (C.P.P.T.).

Estimant que l’entreprise occupe au moins 100 travailleurs, une des organisations représentatives introduit un recours contre les décisions prises à X-35, visant à ce que le Tribunal dise pour droit que les élections soient organisées tant pour le C.P.P.T. que pour le conseil d’entreprise.

La contestation porte tant sur la détermination du nombre de travailleurs « permanent s » que du nombre de travailleurs intérimaires qui doivent être comptabilisés.

La position des parties

L’organisation syndicale conteste la valeur probante des documents déposés par l’employeur pour justifier le nombre moyen de travailleurs occupés. Quant au comptage des intérimaires, elle conteste la non prise en compte des jours de prestations des intérimaires qui remplacent le personnel permanent en formation (interne) langue ou lors des repos compensatoires liés à la prestation d’heures supplémentaires. L’organisation soutient à cet égard qu’il y a augmentation du volume de travail.

L’employeur conclut au caractère probant des documents déposés pour établir la moyenne des travailleurs occupés. Quant aux intérimaires occupés dans les situations susmentionnées (en raison des absences du personnel pour formation ou récupération des heures supplémentaires), il estime qu’il y a suspension du contrat des travailleurs permanents et qu’ils sont remplacés.

La décision du tribunal

Le Tribunal rappelle que les travailleurs intérimaires doivent être comptabilisés, chez l’entreprise utilisatrice, pour le calcul du seuil (50 et/ou 100 travailleurs) et ce, en application de l’article 25 de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise à disposition. Il souligne l’existence d’une exception à cette règle : le cas où l’intérimaire remplace un travailleur permanent dont l’exécution du contrat est suspendue pour une cause autre que le manque de travail résultant de causes économiques ou d’intempéries.

Le Tribunal retient que la finalité du texte est de ne comptabiliser les intérimaires que lorsqu’un emploi supplémentaire est créé, même de façon temporaire.

Examinant ensuite le litige entre parties sur la question de la comptabilisation des intérimaires remplaçant des travailleurs en repos compensatoires d’heures supplémentaires ou en formation au sein de l’entreprise, le Tribunal estime que les prestations des intérimaires doivent être prises en compte.

Pour ce qui est des formations, le Tribunal retient en effet qu’il n’y a pas de suspension du contrat de travail des travailleurs permanents : ils sont rémunérés, restent sous l’autorité patronale pendant les heures de formation et ne disposent pas librement de leur temps. Le Tribunal ajoute qu’il s’agit d’une augmentation temporaire du volume de travail.

Pour ce qui est des récupérations des heures supplémentaires, le Tribunal considère qu’il y a également augmentation temporaire du volume de travail dans l’entreprise, et que, si les heures supplémentaires avaient été effectuées par le personnel intérimaire, elles l’auraient été non en vue du remplacement des travailleurs permanents mais en raison d’un surcroît temporaire de travail.

En ce qui concerne les comptages proprement dits, le Tribunal estime les documents unilatéraux déposés par l’employeur non probants, d’autant que l’organisation avait pu établir la non prise en compte de personnel permanent. Il estime dès lors qu’une vérification doit être effectuée. Pour ce qui est spécifiquement des intérimaires, le document déposé n’a en effet pas été complété conformément à la réglementation et des incertitudes subsistent sur les remplacements allégués.

Des mesures d’instruction sont donc ordonnées, visant la production de documents par des tiers (inspection des lois sociales, entreprises intérimaires et secrétariat social).

Intérêt de la décision

Le Tribunal tranche, dans cette décision, une question de principe : les intérimaires qui remplacent des travailleurs permanents absents en raison du suivi de formations internes ou de récupération d’heures supplémentaires doivent être comptabilisés.

Il se fonde sur la ratio legis de la réglementation applicable et, constatant que l’occupation des intérimaires répond en réalité à un surcroît ou une augmentation temporaire de travail, admet la prise en compte des prestations des intérimaires concernés.

La décision présente également un intérêt quant aux mesures d’instruction ordonnées pour vérifier les données fournies par l’entreprise et l’occupation moyenne exacte au sein de celle-ci.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be