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Pension : cumul et récupération d’indu

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 10 janvier 2008, R.G. 8.056/2006

Mis en ligne le jeudi 19 juin 2008


Cour du travail de Liège, section de Namur, 10 janvier 2008, R.G. n° 8.056/2006

Les faits

Suite à une demande d’indemnisation pour une maladie figurant dans la liste, l’assuré social se voit notifier le 4 novembre 2001, une décision d’octroi d’une allocation annuelle sur la base d’un taux de 43% d’incapacité permanente.

Deux ans après environ, soit le 24 octobre 2003, le Fonds lui notifie un indu, au motif d’une erreur intervenue dans l’instruction du dossier. Celle-ci conduit à un montant net à récupérer de plus de 12.000€.

Le Fonds précise, cependant, qu’en vertu de l’article 44, § 1er des lois coordonnées le 3 juin 1970, il y a prescription par six mois à compter de la date à laquelle les paiements indus ont été effectués, et ce étant donné que l’intéressé ne pouvait se rendre compte, normalement, de l’erreur survenue et qu’il n’a pas obtenu, non plus, les indemnités par des manœuvres frauduleuses ou par des déclarations fausses ou sciemment incomplètes.

L’assuré social va citer le Fonds devant le tribunal du travail, contestant l’obligation de remboursement.

La position du tribunal

Le tribunal est saisi de la demande originaire de l’assuré social, qui poursuit l’annulation de la décision et sollicite, par ailleurs, qu’il soit dit pour droit que la somme réclamée doit rester acquise.

Il doit également statuer sur la demande reconventionnelle introduite par le Fonds par voie de conclusions, celui-ci sollicitant « l’application de la législation anti-cumul en vigueur », ainsi donc que la condamnation de l’intéressé à lui verser le montant litigieux, augmenté des intérêts depuis la décision administrative.

Après avoir écarté une demande de question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, relative à la constitutionalité de l’article 66 des lois coordonnées du 3 juin 1970, le premier juge fait droit à la demande du Fonds. Il considère, en effet, que l’article 15 de la Charte de l’assuré social n’exclut pas la possibilité d’une récupération de l’indu et que l’article 17 ne peut s’appliquer puisque la décision du 24 octobre 2003 ne poursuit pas la revision de la décision précédente ayant reconnu le droit à la réparation. La demande de récupération portant sur la période non couverte par la prescription, il y a lieu à remboursement.

La position des parties en appel

L’assuré social interjette appel, considérant que la décision du 24 octobre 2003 est intervenue dans le cadre d’une revision, ce qui a pour conséquence que l’indu, qui a pour seule cause une erreur des services du Fonds, ne peut être récupéré.
Subsidiairement, il sollicite de la Cour que soit posée une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle sur l’article 304 de la loi du 20 juillet 2006 portant des dispositions diverses, qui traite du cumul d’indemnités en accident du travail et en maladie professionnelle.

La position de la Cour

La Cour va se prononcer sur les deux questions ci-dessus.

Sur la décision du 24 octobre 2003, la Cour reprend les termes de l’article 17 de la Charte, relatif à la date de prise d’effet d’une décision rectifiée, lorsque la décision initiale est entachée d’erreur de droit ou d’erreur matérielle, étant que la décision nouvelle produit ses effets en cas d’erreur due à l’institution de sécurité sociale le premier jour qui suit la notification, si le droit à la prestation est inférieur à celui qui était reconnu initialement.
Elle constate que le bénéficiaire a informé le Fonds de l’existence de l’accident du travail survenu précédemment et pour lequel il était indemnisé dans le cadre de la loi du 10 avril 1971. Même si – ce qui est admis par le Fonds – l’indu n’a d’autre origine qu’une erreur administrative, la décision du 24 octobre 2003, qui ne poursuit que la récupération de l’indu née de cette erreur, ne constitue pas une décision en revision de la précédente. Dès lors, même si elle trouve son origine dans une erreur des services du Fonds, la récupération ne peut être écartée sur la seule base d’une application de l’article 17, alinéa 2 de la Charte.

Par ailleurs, sur le cumul, la Cour rappelle la modification intervenue par la loi du 20 juillet 2006, qui a rapporté l’article 66 des lois relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles coordonnées le 3 juin 1970, et ce avec effet au 1er janvier 1983, ainsi que l’arrêté royal du 13 janvier 1983, pris en exécution de cet article, vu la décision du 27 février 2006 de la Cour de cassation (Cass., 27 février 2006, J.T.T., 2006, p. 163) qui avait décidé que l’on ne pouvait appliquer ces dispositions, le Conseil d’Etat n’ayant pas été consulté et l’urgence invoquée pour cette absence de consultation n’étant pas valablement justifiée.

La Cour en conclut que le Fonds ne peut poursuivre la récupération de l’indu sur la base de cette disposition. Cependant, l’article 309 de la loi du 20 juillet 2006 a rétabli l’article 66, prévoyant que le Roi peut déterminer dans quelle mesure et dans quelles conditions les indemnités accordées, en exécution des lois coordonnées le 3 juin 1970, peuvent être cumulées avec celles accordées en vertu d’autres régimes de sécurité sociale ou de prévoyance sociale. Cette disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. L’arrêté royal du 13 décembre 2006 a exécuté ce nouvel article 66 et son article 6 dispose actuellement que, en cas de cumul d’indemnités dues en exécution de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail avec une indemnité annuelle en matière de maladies professionnelles, cette dernière indemnité est diminuée dans la mesure où la somme des avantages cumulés dépasse le montant maximum déterminé conformément à l’article 39 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
La date d’entrée en vigueur de cet arrêté royal est également le 1er janvier 2007.

La Cour en conclut que, pour récupérer un indu afférent à une période de 2003, le Fonds ne peut se fonder, ni sur les dispositions rapportées de l’ancien article 66 (et de son arrêté d’exécution du 13 janvier 1983), ni sur les dispositions nouvelles de cet article 66, qui ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2007.

Cependant, la même loi du 20 juillet 2006, en son article 304, vise le cumul pour les années 1991 à 2007, ce qui permet donc ainsi, en principe, de considérer que le Fonds peut récupérer le montant de l’indu.
La Cour du travail rappelle encore que la Cour constitutionnelle a été saisie les 25 et 26 janvier 2007 de deux recours en annulation visant, entre autres dispositions de la loi du 20 juillet 2006, son article 304 et qu’elle devra donc se prononcer très prochainement sur la question. Elle va dès lors surseoir dans l’attente de la décision attendue de la Cour constitutionnelle.

Intérêt de la décision

La question du cumul entre l’allocation perçue dans le cadre d’un accident du travail et l’indemnité pour maladie professionnelle est fort débattue depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2006 auquel se réfère l’arrêt annoté.

Les effets des dispositions limitant – parfois considérablement – le cumul des indemnités ont souvent été considérés comme très néfastes pour les victimes et, en l’espèce, l’incidence financière de cette limitation est considérable.

La Cour du travail rappelle que les plaidoiries devant la Cour constitutionnelle ont eu lieu le 18 décembre 2007.

Ndlr : Depuis la rédaction de cet article, l’arrêt a été prononcé le 17 avril 2008, rejetant les recours.


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