Terralaboris asbl

Etendue de l’obligation de déclaration de l’activité accessoire pour un administrateur-délégué et taux des allocations

Commentaire de C. trav. Mons, 20 février 2008, R.G. 19.161

Mis en ligne le mercredi 10 septembre 2008


Cour du travail de Mons, 20 février 2008, R.G. 19.161

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 20 février 2008, la Cour du travail de Mons tranche la question de l’étendue de l’obligation de déclaration préalable à une activité accessoire : la déclaration d’un mandat d’administrateur suffit pour le chômeur qui exerce, dans la société dans laquelle il détient la moitié des parts, un mandat d’administrateur-délégué. La Cour tranche également la question du taux des allocations, dès lors que, pour l’ONEm, le fait que l’épouse soit aussi administratrice (non rémunérée) doit conduire à considérer le chômeur comme cohabitant. La Cour rappelle que le critère est celui non de l’exercice d’une activité mais de l’existence de revenus professionnels.

Les faits

Monsieur J. constitue avec un tiers une société, dont il détient la moitié des parts. Le conseil d’administration est composé des deux associés ainsi que de leur épouse, tandis que les fondateurs sont nommés administrateurs-délégués.

A cette époque, Monsieur J. est salarié.

Etant licencié, il sollicite le bénéfice des allocations de chômage en date du 16 mars 1994. Il signale à ce moment, sur le formulaire C1, exercer une activité d’administrateur et avoir l’intention d’exercer cette activité à titre accessoire, le samedi. Il précise encore que son épouse n’a pas d’activité professionnelle.

Le bénéfice des allocations lui est accordé (à l’exclusion des samedis).

Suite à une enquête, l’ONEm apprend que l’intéressé exerce également un mandat d’administrateur-délégué et que son épouse est également administratrice. Il prend alors plusieurs décisions, l’excluant des allocations de chômage, le sanctionnant pour avoir exercé une activité (travail) pendant le chômage et pour avoir omis de faire une déclaration de l’activité accessoire exercée (l’ONEm assimilant l’absence de précision des deux mandats comme une absence de déclaration). En ce qui concerne le taux des allocations, l’ONEm estime que, vu que l’épouse est administratrice de la société, elle a une activité professionnelle, de sorte que Monsieur J. ne peut bénéficier des allocations qu’au taux cohabitant.

L’intéressé conteste les trois décisions et porte l’affaire devant le Tribunal du travail.

La décision du tribunal

Le Tribunal confirme les décisions administratives, sauf en ce qui concerne les sanctions (exclusion pour l’avenir), annulées pour défaut de motivation formelle.

La position des parties en appel

Monsieur J. interjette appel. Il invoque, devant la Cour, l’illégalité d’une partie des dispositions appliquées par le premier Juge (dispositions modificatrices des articles 45 de l’A.R. 25/11/1991 et 18 de l’A.M. 26/11/1991). Il invoque également une faute dans le chef de l’ONEm, qui, selon lui, n’aurait jamais du lui octroyer les allocations. Cette faute empêcherait la récupération. Quant au taux, il souligne que son épouse ne disposait d’aucun revenu professionnel ou de remplacement, de sorte qu’il doit être admis comme travailleur ayant charge de famille.

L’ONEm sollicite la confirmation du jugement (et n’introduit dès lors pas d’appel sur la question des sanctions). Il soutient que le caractère incomplet de la déclaration s’assimile à une absence de déclaration, de sorte que la 1re décision, fondée sur l’absence de déclaration de l’activité accessoire, serait fondée. Quant à la 2e décision, elle le serait également, dès lors qu’il y a eu exercice d’un travail au sens de la réglementation, qui n’a pas été autorisé. Enfin, concernant le taux, l’ONEm maintient qu’un travailleur qui cohabite avec un mandataire de société ne peut obtenir le taux « chef de ménage », dès lors que l’exercice du mandat a pour but d’assurer la rentabilité du capital investi, de sorte qu’il n’y aurait pas privation de revenus.

La décision de la Cour

La Cour rappelle tout d’abord que, vu l’illégalité de certains arrêtés royaux ou ministériels modificatifs de la réglementation (défaut de motivation de l’urgence pour la dispense d’avis au Conseil d’Etat), elle doit appliquer la réglementation antérieure, soit les articles 45 de l’A.R. du 25/11/1991 et 18 de l’A.M. du 26/11/1991 dans leur version originaire. Dans cette version, la déclaration préalable d’activité visée par l’article 18 ne concernait que l’activité exercée pour un tiers et non l’activité exercée pour son propre compte, comme cela est le cas dans le cas d’espèce (mandataire d’une société dont le chômeur possède une partie du capital).

La Cour relève ensuite que les mandats (activités d’administrateurs et administrateur-délégué) répondent aux conditions visées par l’article 48 de l’A.R. 25/11/1991, réglementant l’activité accessoire. Le seul point litigieux quant à ces conditions, est celle de déclaration préalable, étant de savoir si, en ne déclarant que l’activité d’administrateur, l’intéressé a fait une déclaration complète ou si l’absence de mention de l’activité d’administrateur-délégué doit être retenue comme une absence de déclaration.

Relevant que le but de la condition de déclaration est de permettre à l’ONEm de contrôler le caractère accessoire de l’activité et le respect des conditions de l’article 48, la Cour estime qu’il convient de déterminer si la déclaration faite garantissait à l’ONEm un contrôle effectif.

Se fondant sur les dispositions relatives au droit des sociétés et au fonctionnement des organes statutaires des sociétés commerciales, la Cour estime que la déclaration du mandat d’administrateur-délégué ne présentait pas d’utilité, dès lors que les pouvoirs de gestion journalière délégués auraient pu être exercés par le conseil d’administration, et donc par l’intéressé, à défaut de nomination (non obligatoire) d’un organe de gestion journalière.

La déclaration étant suffisamment complète, la Cour annule les deux premières décisions administratives, relevant en outre que, dans la version initiale de l’article 18 de l’A.M., la déclaration préalable n’était prévue que pour l’activité pour compte de tiers.

Quant à la question du taux des allocations, la Cour relève que la disposition légale applicable (article 100, § 1er, de l’A.R. du 25/11/1991, tel qu’applicable à l’époque des faits) établi comme critère, non celui de l’exercice d’une activité professionnelle mais l’existence de revenus, la réglementation visant la perception concrète de ceux-ci.

Or, la Cour constate l’absence de tout revenu (de même que l’absence de déclaration de charges) dans le cadre de l’activité d’administrateur. Elle constate cependant que le dossier reprend une activité salariée et rouvre les débats pour permettre à Monsieur J. de s’expliquer sur ce point.

Intérêt de la décision

Le premier intérêt de la décision réside dans l’étendue de l’obligation de déclaration dans le cadre d’une activité accessoire. La Cour examine le caractère complet et adéquat de la déclaration, en se fondant sur la raison d’être de l’obligation. En l’espèce, elle retient que, pour ce qui est de l’activité de gestion journalière d’une société commerciale, la déclaration du mandat d’administrateur suffit, puisque celui-ci emporte l’exercice d’une telle activité (la Cour se fondant sur le caractère facultatif de la désignation d’un organe de gestion journalière au sein des sociétés commerciales).

Par ailleurs, l’arrêt rappelle que, pour la détermination du taux des allocations lié à la situation familiale, c’est le critère de perception de revenus qui doit être retenu dans le chef des membres de la famille cohabitant avec le chômeur et non celui de l’exercice d’une activité, qui pourrait conduire à la perception de revenus. Elle précise que la jurisprudence rendue sur la question de l’existence d’un travail (art. 45) dans le chef d’un chômeur mandataire de société ne s’applique pas dans le chef du membre de la famille pour la détermination du taux des allocations.


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