Terralaboris asbl

Incidence de l’exercice d’une activité indépendante à titre principal sur le droit ultérieur aux allocations de chômage : précision sur l’application de l’article 55, al. 1er, 3 ° de l’A.R.

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 février 2008, R.G. 48.531

Mis en ligne le mercredi 10 septembre 2008


Cour du travail de Bruxelles, 21 février 2008, R.G. 48.531

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 21 février 2008, la Cour du travail de Bruxelles a été amenée à préciser la portée de l’exclusion contenue à l’article 55, al. 1er, 3°, c’est-à-dire la période d’interruption temporaire dans l’exercice d’une activité non assujettie à la sécurité sociale, secteur chômage. Pour la Cour, il faut que puisse être réellement constaté le caractère temporaire de l’interruption, la seule constatation de celle-ci ne suffisant pas.

Les faits

Monsieur W., salarié, est licencié en décembre 2000, moyennant le paiement d’une indemnité de rupture allant jusqu’au 4 juillet 2003.

Pendant la période couverte par l’indemnité, il prend une inscription au registre du commerce et un numéro de TVA. Il exerce pendant cette période une activité d’indépendant à titre complémentaire (consultant).

Il demande les allocations de chômage le 7 juillet 2003 et renonce ensuite aux allocations du 15 juillet 2003 au 24 octobre 2003. Pendant cette période, il exerce l’activité indépendante à titre principal.

Il introduit ensuite une nouvelle demande d’allocations de chômage, le 25 octobre 2003.

L’ONEm prend ensuite une décision, en date du 26 février 2006, l’excluant du bénéfice des allocations de chômage à partir du 1er mars 2004 (sans effet rétroactif donc), et ce parce qu’il ne remplit pas les conditions pour exercer une activité accessoire cumulable avec le bénéfice des allocations de chômage (l’activité n’ayant pas été exercée pendant la période d’activité salariée). L’ONEm se fonde également sur l’article 55, al. 1er, 3° de l’A.R. du 25 novembre 1991 (qui précise qu’aucune allocation n’est accordée pendant l’interruption temporaire de l’exercice d’une profession qui n’assujettit pas le travailleur à la sécurité sociale, secteur chômage). La position de l’ONEm, explicitée ultérieurement, est que, dès lors que l’immatriculation au registre du commerce et à la TVA ont été maintenues pendant la période de chômage, celle-ci ne constituerait qu’une interruption temporaire dans l’activité indépendante, que l’intéressé envisagerait de reprendre.

Monsieur W. introduit un recours à l’encontre de cette décision d’exclusion. Dans le cadre de la procédure judiciaire, les parties limitent les débats à l’application de l’article 55 de l’A.R., le problème étant l’incidence de l’activité principale d’indépendant avant la demande d’allocations de chômage et non l’exercice, pendant le chômage, d’une activité accessoire.

La décision du tribunal

Le Tribunal annule la décision attaquée. Il estime que l’article 55, alinéa 1er, 3°, ne peut faire obstacle à l’octroi des allocations, dès lors qu’il ne viserait que les professions liées à des aléas prévisibles, ce qui n’est pas le cas de l’activité de consultant, par nature aléatoire. Pour le Tribunal, il s’agit d’une activité occasionnelle.

La position des parties en appel

Monsieur W. demande la confirmation du jugement, s’appuyant sur la motivation du 1er juge.

L’ONEm, partie appelante, rappelle que seules deux possibilités existent pour travailler pendant une période de chômage : l’activité accessoire (soumise à autorisation préalable et réglementée) et l’activité occasionnelle (non réglementée et relevant d’une tolérance administrative). L’ONEm conteste que l’article 55 soit limité aux professions connaissant des aléas mais affirme qu’il s’applique à toute activité non soumise à la sécurité sociale, secteur chômage. Pour lui, le maintien du numéro au registre du commerce et à la TVA prouve que l’interruption de l’activité indépendante (par la demande de chômage) était temporaire.

La décision de la Cour

La Cour est donc amenée à se prononcer sur la portée de l’article 55, alinéa 1er, 3° de l’A.R. du 25 novembre 1991.

Elle relève d’emblée que le texte de cette disposition ne limite pas son champ d’application aux seules activités à caractère fluctuant.

Il s’agit, selon elle, de déterminer s’il y a interruption temporaire de l’activité indépendante, dont les conditions (interruption et temporaire) ne sont pas définies par le texte.

Pour la Cour, le seul maintien des inscriptions au registre du commerce et à la TVA ne constitue pas la preuve du caractère temporaire de l’interruption de l’activité indépendante, de même que la possibilité éventuelle de reprendre celle-ci si l’occasion se présente.

La Cour refuse par ailleurs de prendre en considération la reprise effective de l’activité pour apprécier le caractère temporaire de l’interruption, dès lors qu’elle est postérieure à la décision administrative, que l’ONEm ne s’est pas fondé (et pour cause) sur cet élément et - enfin - qu’elle a eu lieu alors que l’intéressé était privé de revenus (vu la décision d’exclusion prise par l’ONEm).

Pour la Cour, au moment de la décision querellée, seul pouvait être constaté l’arrêt de l’activité d’indépendant et non son caractère temporaire.

Elle confirme en conséquence le jugement.

Intérêt de la décision

La décision apporte un éclairage intéressant sur une problématique peu connue : l’incidence d’une activité indépendante à titre principal exercée avant la demande d’indemnisation par un travailleur admissible aux allocations de chômage dès le début de celle-ci.

La Cour insiste sur le caractère grave de la décision et dès lors la nécessité d’une motivation légitime pour considérer que l’activité indépendante est réellement temporairement suspendue. Dans le cas tranché, et vu les données de l’espèce (travailleur âgé, sans ou presque de perspective d’emploi, ayant repris l’activité suite à la décision d’exclusion), la Cour refuse d’admettre le caractère temporaire de l’interruption.


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