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Le décès dans un incendie survenant la nuit sur les lieux du travail où le travailleur est resté dormir constitue-t-il un accident du travail ?

Commentaire de C. trav. Liège, 23 mai 2008, R.G. 34.774/07

Mis en ligne le mercredi 5 novembre 2008


Cour du travail de Liège, 23 mai 2008, R.G. 34.774/07

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 23 mai 2008, la Cour du travail de Liège est amenée à rappeler les principes applicables pour qu’un accident survenu en-dehors des heures de travail alors que la victime est restée dormir sur place puisse être reconnu comme accident du travail (critère de la survenance dans le cours de l’exécution du contrat).

Les faits

Monsieur M. est engagé comme aide cuisinier le 29 octobre 2004. Dans la nuit du 10 novembre 2004, il est victime d’un incendie, alors qu’il se trouvait dans une pièce au-dessus du restaurant qui l’occupait.

L’enquête judiciaire menée est classée sans suite. Au cours de celle-ci, diverses déclarations sont recueillies, dont celle du gérant de la société employeur, le collègue de la victime et la veuve. L’affaire est classée sans suite et l’accident est refusé par l’entreprise d’assurances.

L’épouse de la victime introduit une action devant le tribunal du travail en vue de faire reconnaître les faits comme constitutifs d’accident du travail. Elle est déboutée de cette demande, le tribunal estimant que la preuve de ce que l’accident serait survenu dans le cours de l’exécution du contrat n’est pas rapportée.

La position des parties en appel

L’épouse interjette appel du jugement. Elle expose, à l’appui de son appel, que, si son époux est resté sur place (logement au-dessus du restaurant), c’est en raison de l’organisation même du travail, l’employeur ayant fourni du travail jusqu’à une heure si avancée que la victime n’a pas pu reprendre le dernier train pour rejoindre son domicile. La présence de l’intéressé étant une suite nécessaire du travail, la veuve considère que l’on doit reconnaître l’accident du travail.

A titre subsidiaire, elle soutient que l’intéressé était sur le chemin du travail, celui-ci étant resté sur place après avoir constaté l’impossibilité de rejoindre son domicile.

La décision de la Cour

Sur le plan des principes, la Cour rappelle que

  1. L’accident du travail est survenu dans le cours de l’exécution du contrat dès lors qu’il est survenu à un moment où la victime est sous l’autorité même virtuelle de son employeur (l’interruption du travail n’étant pas couverte). Quant au travailleur logé sur les lieux du travail, il ne peut être considéré comme soumis à l’autorité de l’employeur continuellement, sauf à établir que l’accident est lié à l’exécution d’une obligation contractuelle que le travailleur (ou l’ayant droit) doit prouver.
  2. L’accident est survenu sur le chemin du travail lorsqu’il survient sur le trajet normal séparant la résidence et le lieu du travail, de sorte qu’il doit présenter un caractère professionnel et qu’il suppose un déplacement de ou vers le lieu d’exécution du travail (ou de la résidence).

Examinant les éléments de l’espèce, la Cour du travail constate, au travers des déclarations recueillies dans le cadre de l’enquête judiciaire, que l’intéressé a quitté le restaurant bien avant la fermeture, à un moment où il était encore en mesure de prendre le train pour regagner sa résidence.

Elle retient ainsi les déclarations de l’employeur et celles du propriétaire du night shop où est passé l’intéressé après avoir quitté l’établissement. Elle retient également que le « logement » était mis à la disposition de l’intéressé, qui l’occupait ou non librement et à sa guise.

Elle constate ainsi que la veuve n’établit pas que l’organisation du travail est effectivement la cause de la présence de la victime au-dessus du restaurant au moment du déclenchement de l’incendie. Elle estime en conséquence que la veuve ne rapporte pas la preuve de ce que l’intéressé était toujours sous l’autorité de son employeur au moment de la survenance de l’incendie constitutif d’événement soudain.

Quant à l’hypothèse subsidiaire (accident survenu sur le chemin du travail), elle est également rejetée, vu que la Cour a retenu une heure de départ bien plus avancée que celle alléguée par l’épouse et qu’à ce moment, l’intéressé aurait pu rentrer chez lui par le train. La Cour note que, s’il ne l’a fait, c’est pour des raisons personnelles, inconnues et qui ne peuvent en conséquence justifier l’interruption.

Elle confirme ainsi le jugement.

Intérêt de la décision

Il résulte de la décision annotée qu’un accident survenu au travailleur alors qu’il est resté dormir sur les lieux du travail peut être considéré comme l’étant dans le cours de l’exécution du contrat si est rapportée la preuve de ce que l’organisation du travail a rendu cela nécessaire.


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