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Introduction par citation d’une affaire qui aurait pu l’être par requête : les frais de citation peuvent faire partie des dépens récupérables

Commentaire de C. trav. Liège, 13 juin 2008, R.G. 35.100/2007

Mis en ligne le mardi 18 novembre 2008


Cour du travail de Liège, 13 juin 2008, R.G. 35.100/2007

TERRA LABORIS ASBL – Sandra Cala

Dans un arrêt du 13 juin 2008, la Cour du travail de Liège, saisie de l’appel de l’Auditorat du travail dans une affaire de récupération de cotisations de sécurité sociale et visant la réformation de la condamnation aux dépens (frais de citation), se prononce sur les limites du droit d’appel et confirme que celui-ci peut interjeter appel pour ce qui concerne les dépens. Elle estime que l’ONSS peut faire usage d’une citation (au lieu du mode ordinaire par requête) et que, obtenant gain de cause, il ne peut être condamné aux frais de celle-ci.

Les faits

Monsieur P. est cité par l’ONSS en paiement de cotisations de sécurité sociale. A cette époque, le Code judiciaire avait déjà été modifié, instituant la requête contradictoire comme mode ordinaire d’introduction des affaires.

Le Tribunal du travail le condamne aux cotisations, de même qu’aux frais de citation.

L’Auditorat du travail relève appel de ce jugement, contestant la condamnation aux frais de la citation. Pour cet Office, l’ONSS doit supporter les frais de cet acte, vu qu’il aurait pu introduire l’action par requête contradictoire, soit sans frais pour Monsieur P.

La position des parties en appel

L’Auditorat du travail motive son appel, exposant que, l’affaire ayant pu être introduite par requête, l’usage de la citation, soit un moyen plus onéreux, doit entraîner la condamnation de l’ONSS à la prise en charge de ces frais. Selon elle, cet usage relève d’une faute ou d’un comportement anormal ou encore relève de frais inutiles, soit autant de circonstances qui permettraient une condamnation à ceux-ci.

L’ONSS conteste tout d’abord la recevabilité de l’appel. Pour lui, l’affaire concerne les dépens, soit une matière qui n’est pas visée à l’article 580 du C.J. Vu les dispositions de l’article 1052, al. 1, C.J., délimitant le droit d’interjeter appel du Ministère public, l’ONSS estime l’appel irrecevable.
Sur le fond, il soutient que l’usage de la citation n’est pas fautif, s’agissant d’une option réservée (à titre facultatif) par le Code judiciaire. Le choix ne serait pas anormalement onéreux, la citation offrant par ailleurs une plus grande sécurité juridique (évitant les aléas des notifications par poste). L’ONSS soutient par ailleurs que la requête présente également un coût, dans son chef et dans celui du Tribunal et que la citation permet de limiter le contentieux, l’intervention de l’huissier permettant de favoriser les paiements.

La décision de la Cour

Quant à la recevabilité de l’appel, la Cour du travail rappelle qu’en vertu de l’article 1052, al. 1, C.J., l’auditorat peut interjeter appel des décisions rendues (notamment) dans les matières visées à l’article 580 C.J.

La Cour relève que, comme le soutient l’ONSS, le litige concerne les dépens (soit une matière non visée par l’article 580) mais que le droit d’appel est lié non à la matière mais au fait que l’appel vise une décision rendue dans les matières énumérées.

La Cour rappelle par ailleurs que l’action du Ministère public peut concerner tant les aspects juridiques que factuels du litige et que sa compétence s’étend, outre à la légalité des décisions, à la surveillance de l’unité de la jurisprudence et encore à la protection des parties dont la défense doit être garantie.

Puisque le champ d’application matériel de l’article 1052 C.J. est respecté, la Cour estime l’appel recevable, indiquant encore qu’il y a lieu de retenir une conception extensive des prérogatives de l’Auditorat, dans une perspective d’accès à la justice et de procès équitable.

Quant au fondement de l’appel, la Cour du travail relève que l’introduction par citation est une des options procédurales ouvertes, le Code judiciaire n’ayant pas exclu l’introduction par citation quand il a érigé la requête comme mode introductif.

Devant trancher la question de l’imputation des frais de citation, la Cour relève d’une part que la loyauté procédurale impose de ne pas engager des frais inutiles (cette attitude pouvant relever d’un abus) et, d’autre part, que pour condamner la partie qui obtient gain de cause dans le procès, il faut que puisse être constatée une faute (1382 C.C.).

En l’espèce, la Cour considère que la charge de la preuve de la faute repose sur l’Auditorat (partie « argumentante »), qui ne l’établit pas. Elle précise que le seul fait qu’une requête aurait pu être utilisée ne rend pas le choix de la citation fautif. Elle relève encore qu’il n’est pas établi qu’il y ait négligence dans le choix de la citation, qui offre, par rapport à la requête, de plus grandes garanties d’effectivité et de sécurité.

La Cour relève par ailleurs que l’ONSS invoque deux arguments pertinents pour justifier du caractère adéquat du choix posé : d’une part, la citation assure une meilleure perception des cotisations, impliquant une organisation moins onéreuse pour l’ONSS. D’autre part, elle garantit plus de sécurité pour le débiteur des cotisations, et ce du fait de l’intervention d’un officier public et ministériel, le huissier, assurant une certaine humanisation et rationalisation des rapports entre débiteurs et créanciers.

Intérêt de la décision

La décision se prononce sur l’étendue du droit d’appel de l’Auditorat du travail, de même que sur la mise à charge des frais de citation lorsque la requête contradictoire aurait pu être utilisée.
L’arrêt contient de nombreuses références et effectue un raisonnement poussé (voire même philosophique) sur les questions juridiques en cause.


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