Terralaboris asbl

Portée de la déclaration d’accident en ce qui concerne les circonstances de celui-ci

Commentaire de C. trav. Mons, 1er décembre 2008, R.G. 20.530

Mis en ligne le vendredi 17 avril 2009


Cour du travail de Mons, 1er décembre 2008, R.G. 20.530

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 1er décembre 2008, la Cour du travail de Mons rappelle que la victime d’un accident peut préciser, voire rectifier, ultérieurement, les mentions indiquées dans la déclaration d’accident du travail, celle-ci n’ayant pas été rédigée par elle.

Les faits

Un ouvrier est victime d’un accident du travail le 1er avril 2004, accident qu’il déclare à son employeur le 7 avril. Le certificat médical de premier constat est rédigé ce même jour.

Plus de deux mois après, l’intéressé fait une déclaration à l’inspecteur de l’assurance. Celle-ci décline alors son intervention au motif que la preuve n’est pas apportée du lien entre la lésion constatée et un quelconque événement soudain survenu par le fait de l’exécution du contrat.

Pour l’assureur, ceci ressort à la fois du rapport de l’inspecteur (qui a également recueilli les dépositions de deux apprentis qui travaillaient ce jour-là avec la victime et qui contredisent ses affirmations), ainsi que du rapport de son propre médecin-conseil, qui met en doute les déclarations du demandeur, au regard de l’anamnèse du cas et de l’examen clinique.

Position du premier juge

Le Tribunal autorise, dans un jugement du 28 novembre 2006, la victime à apporter la preuve de l’événement soudain, et ce par toutes voies de droit. Des enquêtes sont ainsi ordonnées pour permettre de faire entendre deux témoins indirects des faits.
La compagnie d’assurances interjette appel de ce jugement.

Position des parties devant la Cour

La partie appelante considère que le premier juge ne pouvait ordonner des enquêtes, celles-ci lui semblant inopportunes, dès lors que les témoins entendus par son propre inspecteur ont contredit la version du demandeur. Par conséquent, pour l’entreprise d’assurances, les témoins convoqués ne pourraient que confirmer ce qu’ils ont déjà déclaré. Quant à la déclaration de la victime, celle-ci ne s’avère pas corroborée par des présomptions graves, précises et concordantes. D’autres griefs sont également faits, relatifs à la tardiveté de la déclaration d’accident, la tardiveté du certificat médical de premier constat, le défaut de plausibilité des faits, ainsi que la contradiction dans les diverses versions soutenues par le demandeur.

Quant à celui-ci, il estime l’événement soudain établi à partir des éléments de fait et veut encore, pour preuve de ceux-ci, le diagnostic du médecin neurologue consulté par ses soins.

La position de la Cour

La Cour rappelle, en ce qui concerne l’événement soudain lui-même, que celui-ci peut consister en l’exercice habituel et normal de la tâche journalière, à la condition que, dans celui-ci, puisse être décelé un élément qui a pu produire la lésion. L’événement soudain ne doit dès lors pas se distinguer de l’exécution du contrat. Il doit cependant être établi à suffisance de droit et ne peut être considéré comme possible ou plausible.

La Cour s’attache particulièrement au rappel des principes dans l’hypothèse où un événement soudain est décrit différemment dans plusieurs versions de faits successives. Elle souligne que, dans une telle hypothèse, il doit être appréhendé avec beaucoup de circonspection mais qu’il est admis que la victime est en droit de préciser, voire de rectifier, les indications de la déclaration d’accident du travail, qu’elle n’a généralement pas rédigée elle-même et dont l’auteur a pu rapporter les faits accidentels de façon incomplète et quelques fois inexacte (la Cour citant C. trav. Liège, 11 septembre 2002, R.G. 30.694/02).

Pour la Cour du travail, il ne faut pas nécessairement que la description de l’événement soudain soit complètement relatée dans la déclaration d’accident, celle-ci pouvant être complétée ultérieurement à la condition qu’aucun élément contradictoire ne soit relevé. Le juge doit donc prendre connaissance de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes pour déterminer sa conviction sur la réalité ou l’absence de l’événement soudain allégué et établir l’importance respective des éléments favorables et défavorables à la reconnaissance de l’accident.

La Cour conclut donc à l’obligation pour la partie demanderesse de démontrer l’existence d’un fait précis, distinct de la lésion, soudain et survenu à un moment qu’il est possible de déterminer dans le temps et dans l’espace.

Sur la demande d’enquête, la Cour déclare qu’il s’agit là d’un droit absolu reconnu à toute partie désireuse de prouver les faits allégués par elle. Le juge ne peut méconnaître ce droit, dès lors que les faits soumis à preuve répondent aux conditions requises de précision et de pertinence, telles que prescrites par l’article 915 du Code judiciaire.
En l’espèce, la Cour écarte cependant les faits côtés à preuve. Certains ne correspondent en effet pas aux exigences légales.

Pour d’autres, de nature à conforter la position du demandeur, elle relève que les allégations de celui-ci sont formellement contredites par ces déclarations écrites (étant celles des apprentis qui travaillaient avec lui). La Cour conclut que leur audition sous la foi du serment ne présenterait un intérêt pour l’issue du litige que dans l’hypothèse où elles seraient venues corroborer la version des faits du demandeur, ce qui n’est pas le cas puisqu’ils développent une thèse contraire. Elle considère dès lors qu’il est inopportun d’entendre les témoins dans le cadre des faits côtés par le demandeur, vu que leurs déclarations signées et enregistrées ne sont pas de nature à conforter la thèse de celui-ci.

Enfin, reste, pour la Cour, la déclaration unilatérale de la victime, mais celle-ci n’est pas corroborée par des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à lui accorder crédit.

La Cour fait donc droit à l’appel.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision est double :

  • D’une part elle est l’occasion de rappeler que la victime de l’accident est en droit de préciser, à l’appui de sa demande d’indemnisation, les circonstances de l’événement soudain et qu’elle n’est pas tenue des inscriptions figurant dans la déclaration d’accident (qu’elle n’a pas signée et dont elle n’est pas l’auteur) ;
  • Par ailleurs, la Cour rappelle qu’un témoin peut être entendu afin de confirmer, par son audition sous la foi du serment, un élément qui peut conforter les déclarations du demandeur mais que de telles enquêtes ne sont pas recevables, dès lors que des témoins ont déjà apporté des explications contradictoires avec celles-ci.

Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be